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Lettre envoyée le 03/12/2012


 

Lundi 3 décembre 2012---------------------La Lettre N°93---------------Chers Internautes!---------------

Je regardais récemment le film de Claude Chabrol, Le Cheval d'Orgueil, avec entre autre , Jacques Dufilho. Quelle leçon de vie ! Il y a (seulement) cent ans de cela, on se contentait de ce qu'on avait, dans le pays bigouden (Bretagne). La vie à la campagne était rude mais tout le monde s’entraidait, et l'on vivait au rythme des saisons, des évènements familiaux et autour de la religion. La Bretagne était bretonnante mais la République de France encourageait déjà les enfants à parler français dans les écoles. Le mariage était l'occasion d'offrir aux jeunes mariés la soupe au lait et à l'ail ( le lait pour la douceur de vie et l'ail pour rappeler que l'existence ne sera pas toujours facile). Le bébé ne tarderait pas et la maman serait entourée des femmes du village. La jeune progéniture partagera ensuite, dès le berceau, la dure vie campagnarde, en accompagnant les femmes dans leurs travaux, au champ ou au lavoir (il n'y avait pas de nounou à l'époque !). Comme aujourd'hui, la pauvreté était cruelle et conduisait parfois au suicide, par noyade ou pendaison (d'autant plus que les allocations familiales n'existaient pas...). La chienne du monde ( la misère aux dents jaunes) hurlait à la mort dans les bois, poussant les désespérés à l'irrémédiable. Lancou (la mort) rôdait ici et là faisant passer les hommes de vie à trépas. Cela n'empêchait pas de boire (souvent) la bolée. Toutes les occasions étaient bonnes mais les femmes guettaient parfois leurs maris à la sortie du café pour les cogner à coup de gourdin et les ramener à la maison en brouette ( pas de test d'alcoolémie, encore moins de radars le long des routes, vu l'état des brouettes...). Au pire, l'ivrogne rentrait tout seul à pied, quitte à s'endormir sur le bas-côté (on ne risquait pas encore le home-jacking, car-jacking, kidnapping, braquages ou autres joyeusetés de la vie moderne!). L'alambic tournait à plein régime (celui-ci était légal puisque l'Europe n'existait pas), de canton en canton, et la pomme était le fruit roi, celui qui donnait l'ivresse. Les premiers trains vapeur circulaient (le train bernique, qui transportait les produits de la mer et le train carotte, pour les produits de la terre) et l'on ne connaissait pas (encore) de vol de câbles de cuivre. Tout en battant leur linge, les femmes blablataient, passant ainsi pour le Conseil Général des nouvelles. Le facteur (celui qu'on appelait l''homme de lettres), le chef de gare et l'instituteur étaient respectés (je sais, on aurait de la peine à imaginer cela aujourd'hui!) car ils étaient les seuls à pratiquer parfaitement une langue étrangère (le français). Parfois, la tempête balayait le pays de ses vents purificateurs et l'on repartait du bon pied le lendemain ( on n'attaquait pas encore Météo France pour défaut de prévision). Les enfants se livraient à des batailles de sabots, jetaient des clous sur le parcours de la course cycliste ou se rendaient à la bourse aux boutons (un bouton breton équivalait à deux boutons français). C'était plus soft que certains jeux suicidaires de nos gamins d'aujourd'hui (jeu du foulard). On leur offrait aussi parfois du champagne breton (un mélange de limonade et de rhum, assurément meilleur que le coca cola !). A l 'école, on leur enseignait que « mieux vaut instruire l'enfant plutôt que de lui amasser des biens », mais le vrai enseignement se passait en dehors de l'école en observant les animaux et en écoutant ses parents parler des « têtes rouges » et des « culs blancs » (mémoires de Pierre-Jakez Héliaz). Les hommes, eux, jouaient à la galoche ( non, non, ce n'est pas ce que vous pensez, ce jeu-là était un jeu de palets) puis retournaient moissonner ou ramasser le goémon. Jusqu'à ce jour de 1914 où le maudit tocsin sonna, appelant à la mobilisation générale ( il n'y avait pas encore de caractériels pour demander l'interdiction des cloches dans les villages pour nuisance sonore, comme maintenant). Les femmes travaillèrent alors pour deux, inlassablement, acceptant avec dignité la terrible nouvelle du décès de leur époux. On vivait de ce qu'on avait ( pas de primes de rentrée scolaire ou de Noël!), ensemble, et jamais on ne se négligeait. La coiffe bretonne était de rigueur tous les jours que Dieu faisait même si certaines femmes vendait parfois leurs cheveux pour quelques sous, à la foire. Il n'y avait point encore de Chiennes de garde ( la seule chienne existante était la chienne du monde!) et les femmes travaillaient tout le temps, et sans se plaindre parce qu'il en était ainsi. A la fin de la longue guerre, les hommes survivants rentrèrent au pays.Le cinéma muet fit son apparition et le projectionniste se livra au commentaire (en breton bien sûr!) devant des spectateurs médusés. Bientôt, les pardons rassemblèrent à nouveau les villages avec leurs groupes et leurs chants dans la procession. Cent ans déjà, mais que de repères dans cette société d'alors ! On ne peut plus en dire autant aujourd'hui.Notre société fait tout pour travestir voire faire disparaître des repères parfois millénaires. Notre futur, c'est notre histoire et le reportage de cette semaine est consacré à l'eau et aux fontaines parisiennes, au travers d'une passionnante exposition qui se tient actuellement à Paris, au Pavillon de l'eau (XVI ème). Je vous en souhaite bonne lecture. A la vôtre !---------Yves Chapelain.








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