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La Cour Suprême des Etats-Unis
(Washington DC, Etats-Unis)
Heure locale

 

Mercredi 5 avril 2017

 

Ma compagnie m'envoie aujourd'hui à Washington (Etats-Unis) pour une courte escale. Je décide de me rendre à la Cour Suprême des Etats-Unis, sommet du pouvoir nord-américain et tribunal de dernier ressort. Cette cour siège non loin du Capitole, et depuis 1935, date de l'achèvement de son propre bâtiment, car avant cette date, c'est au Capitole que siégeait ce tribunal. Désormais, la Cour dispose de son propre édifice et de sa propre police.

C'est en 1789 que la Constitution américaine entra en vigueur. Et le Président George Washington de nommer les premiers juges, et le Sénat de les confirmer. John Jay sera le président de la Cour. Dès l'année suivante, la Cour Suprême siégera pour la première fois, à New York, le 1er février 1790. Et l'institution de délivrer sa première grande décision trois ans plus tard, à travers l'arrêt Chisolm v.Georgia. La même Cour se déclare aussi compétente pour traiter des affaires portées contre un Etat par les citoyens d'un autre Etat. Ainsi ordonne t-elle bientôt à la Géorgie la restitution de terres confisquées pendant la guerre à des partisans des Britanniques, citoyens de Caroline du Nord. En réaction, le XI ème amendement sera adopté en 1795, qui lui retirera ce pouvoir, même si, en pratique, la Cour le conservera en appel.

 

John Marshall sera le quatrième Président de la Cour Suprême, en 1801. Nommé par le président John Adams dans les derniers jours de son mandat, John Marshall reste l'un des présidents les plus importants de cette Cour et celui qui lui donnera toute son autorité. Ainsi, la Cour Suprême décide t-elle deux ans plus tard qu'elle a la compétence nécessaire pour décider de la constitutionnalité des lois.

En 1810, la Cour déclare inconstitutionnelle une loi d'un Etat pour la première fois. En 1816, l'arrêt Martin v.Hunter's Leese déclare que les cours fédérales sont compétentes pour connaître en appel des décisions des cours des Etats sur les questions ayant trait à la loi et à la Constitution des Etats-Unis. Trois ans plus tard, la Cour déclare que le gouvernement fédéral est libre des moyens employés pour atteindre les buts qui lui sont assignés par la Constitution. Il peut par exemple créer une banque. Et l'interprétation large ou étroite de ce nouveau pouvoir conduit la Cour, selon les époques, à favoriser un gouvernement fort ou faible. En 1824, il est décrété que les Etats n'ont aucun pouvoir de contrôle ou de limitation sur le commerce inter-Etats, lequel est du ressort exclusif du Congrès. En 1831, un arrêt reconnaît que la Cour Suprême n'est pas compétente pour entendre une affaire portée devant elle par une nation indienne, et, un an plus tard, un nouvel arrêt déclare que les droits des Indiens sur leurs terres ne sont pas contestables, qu'ils sont protégés par le gouvernement fédéral et que les Etats n'ont aucun droit sur eux. Cette décision sera mise à mal par le président Andrew Jackson et s'en remettra à John Marshall pour son application, lequel décédera en 1835. Ainsi, de 1838 à 1839, 17000 Indiens Cherokee seront-ils déportés depuis la Géorgie vers l'actuel Oklahoma. 4000 d'entre eux périront au cours du voyage.

 

Roger Taney deviendra le cinquième président de la Cour Suprême en 1837. La même année sera voté un arrêt qui décrétera que les contrats passés avec les Etats devaient être interprétés de manière restrictive et ne conféraient pas de droits implicites. 1841 verra l'application d'un autre décret, disant que les Africains récemment capturés, en violation des lois internationales, n'étaient pas des esclaves, ni des pirates, même après s'être révoltés à bord d'un navire. Ces citoyens sont libres et doivent être ramenés en Afrique. Un an plus tard, un autre décision de la célèbre Cour exigea qu'on rendit les esclaves fugitifs à leurs propriétaires et que cette obligation incombait au gouvernement fédéral et non à l'Etat dans leqeul ils avaient fui. Une décision de 1857 rappela que les Noirs n'étaient pas et ne pouvaient être citoyens des Etats-Unis. La Guerre de Sécession, elle, aura lieu de 1861 à 1865. Roger Taney,lui, mourra en 1864 et sera remplacé par Salmon P.Chase, abolitionniste notoire. Un de ses premiers arrêts concernera les tribunaux militaires qui ne pourront juger des civils lorsque les tribunaux réguliers seront en état de fonctionnement. En 1869, l'effectif de la Cour Suprême est porté à neuf juges, et la même année est voté un décret mentionnant que les entreprises ne sont pas des personnes et ne peuvent donc pas bénéficier de la protection du XIV ème amendement. Le sixième président de la Cour décède en 1873.

En 1883, la Cour Suprême traitera d'affaires regroupées sous le nom de Civil Right Cases, et affirmera que le Congrès ne peut pas interdire des discriminations raciales pratiquées par des personnes privées. Et de déclarer trois ans plus tard, dans un revirement de sa jurisprudence que les sociétés (corporation) sont des personnes au sens du XIV ème amendement et bénéficient par conséquent de la clause de due process.

1893 verra la Cour se pencher sur la délicate question : faut-il considérer la tomate comme un fruit ou comme un légume ? Au regard de la loi sur la taxation des légumes. Trois ans plus tard, la Cour décrétera que les Etats pourront autoriser ou même imposer des mesures de ségrégations raciales pourvu que les conditions offertes aux deux races soient égales. L'arrêt Lochner v.New York, lui, introduira en 1905 la doctrine du substantive due process dans les relations du travail. Et l'Etat de New York de fixer alors un salaire minimum et un horaire hebdomadaire maximum (60 heures) pour les ouvriers des boulangeries, ce qui est interprété comme une atteinte au droit des employeurs et des employés à contracter librement. Les années 1930-2000 donneront lieu au vote de bien d'autres arrêts, allant de l'obligation de saluer le drapeau dans les écoles à la possibilité de breveter un OGM (en 1980).

 

C'est l'article III de la Constitution des Etats-Unis qui institue une Cour Suprême et permet au Congrès d'instituer des tribunaux inférieurs. La Cour est compétente sur tous les cas relevant de la Constitution ou des lois des Etats-Unis et des traités qu'ils ont conclus. La devise de la Cour Suprême est Equal Justice under Law (Justice égale selon la loi).

Cette Cour décide en première instance et dans des cas rarissimes, dans des affaires touchant l'un des Etats de l'Union, un Etat ou un diplomate étranger. Dans tous les cas, ses jugements sont sans appel. La Cour Suprême se cantonne en général à traiter les affaires les plus importantes et notamment, à décider si les lois des Etats-Unis ou celles des différents Etats sont conformes à la Constitution, dont elle reste l'interprète ultime. Ce pouvoir de constitutionnalité, essentiel pouvoir de cette Cour, n'est pourtant pas explicite dans la Constitution et la Cour se l'attribua en 1803 dans son arrêt Malbury v.Madison. Bien que contesté par certains, ce pouvoir allait de soi pour un certain nombre de délégués de la convention constitutionnelle de Philadelphie (où la Constitution sera rédigée).

 

Il est souvent reproché à la Cour Suprême de trop peser sur les institutions fédérales américaines. Cette accusation date tout particulièrement de la lutte dans les années 1960 de Franklin Delano Roosevelt contre la jurisprudence traditionnelle de la Cour qui refusait l'application des mesures que le président Roosevelt avait déclaré à la sortie de la crise de 1929. Celle-ci semblait en effet s'opposer au New Deal en faisant notamment prévaloir la liberté contractuelle. D'où cette notion de « gouvernement des juges », expression d'Edouard Lambert (juriste universitaire français) désignant le fait pour un juge de privilégier son interprétation personnelle au détriment de l'esprit de la loi.

Justement, parlons de ces juges de la Cour Suprême : ils étaient sept à l'origine, puis neuf depuis 1869, dont un président (appelé Chief Justice -juge en chef). L'ordre protocolaire place le président en premier et les autres juges (Associate Justice) suivent par ordre d'ancienneté à la Cour. C'est l'article III qui fixe leur mode de nomination et leurs privilèges, identiques à ceux des juges fédéraux. Ils sont nommés à vie par le président des Etats-Unis avec, toutefois, le consentement du Sénat. Ces juges peuvent être destitués après jugement par le Congrès, selon la même procédure d'impeachment (mise en accusation) s'appliquant au président des Etats-Unis mais cela n'est encore jamais arrivé à ces juges.

La Constitution, elle, n'impose aucune contrainte quant à qui peut être nommé. Il s'agit généralement d'éminents juristes, ayant souvent plaidé comme avocat, ou comme conseiller du gouvernement devant la Cour Suprême. Ainsi Louis Brandeis plaida t-il en faveur des Etats pour la réglementation des conditions de travail, ou Thurgood Marshall, en faveur de la fin de la ségrégation raciale dans les écoles. Les juges ont souvent occupé d'importantes fonctions dans l'appareil judiciaire, en tant que juges fédéraux dans des cours inférieures, à la Cour Suprême de leur Etat, ou au Département de la Justice. Ils ont aussi occupé généralement une activité politique militante, voire éminente. A ce jour, seules quatre femmes ont été nommée à cette Cour et trois y siègent toujours actuellement. De même, deux juges noirs seulement y ont été nommés. Les juges prennent aussi leur retraite que tardivement, et peuvent ensuite continuer à officier dans les autres cours fédérales. Ces mêmes juges peuvent être saisis en urgence et individuellement pour ordonner des mesures conservatoires. A chaque juge est affecté un ou plusieurs des ressorts des cours d'appel fédérales, et c'est le juge responsable de la cour d'appel d'où vient l'affaire qui est compétent. Et peut choisir de soumettre la question à la Cour Suprême au grand complet.

La tradition veut que lorsqu'ils siègent à la Cour, les jugent portent une robe noire. La Cour Suprême possède aussi un sceau traditionnel qui ressemble à celui des Etats-Unis, avec, en plus, une petite étoile en-dessous des griffes de l'aigle. En vertu de la loi, une session de la Cour Suprême débute le premier lundi d'octobre, et ces sessions se poursuivent habituellement jusqu'à la fin du mois de juin, voire début juillet. Chaque session est composée de séances faites pour entendre les causes de l'affaire et pour rendre les jugements. Ces séances alternent avec les vacances (congés) par intervalles d'environ deux semaines. Durant la période intermédiaire de congés, les juges étudient les causes déjà entendues et à venir, puis rédigent leurs jugements. Ce sont ainsi 110 requêtes de réexamen de jugements qui sont, chaque semaine, étudiées. Jugements rendus par les cours d'états ou les cours fédérales.

 

En ce qui concerne la procédure, c'est le Code des Etats-Unis, voté par le Congrès, qui organise dans son titre 28 le système judiciaire fédéral, en complément de la Constitution. Il fixe les grandes lignes du fonctionnement de la Cour Suprême, comme sa composition avec neuf juges (dont six d’entre eux suffisent pour former un quorum). Ce Code est complété par le règlement établi par la Cour elle-même. A quelques exceptions près, la Cour a une compétence d'appel, compétence qu'elle exerce de façon discrétionnaire en acceptant ou en refusant la délivrance d'un writ of certiorari (mandat enjoignant la cour ayant préalablement jugé l'affaire de lui transmettre le dossier). Seul 1% des demandes de ce type est accepté chaque année. Enfin, les juges de la Cour Suprême peuvent également être saisis individuellement pour des décisions à caractère provisoire, système proche du référé en droit français, comme, par exemple, des injonctions temporaires, des sursis ou des procédures d'habeas corpus.

 

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