Dimanche 2 juillet 2017
Suite de ma promenade dans la capitale portègne : il est encore possible de nos jours de distinguer des marques de bombardement (ci-dessous en photo), celui du 16 juin 1955. Ce jour-là, une division de l'Aviation navale argentine mitrailla et bombarda la place de Mai et la Casa Rosada lors d'une tentative de coup d'Etat contre le général Juan Domingo Peron. Plusieurs charges de munitions seront ainsi déversées, poussant les passants à se réfugier dans le bâtiment du ministère des Finances. Les balles laisseront des marques sur la façade, marques toujours visibles sous la forme de petits creux dans le marbre, des trous circulaires laissés par les impacts de munitions, plus précisément sur la façade située du côté sud de la Place de Mai, le long de l'avenue Paseo Colon. De plus gros impacts d'artillerie lourde, eux, resteront apparents sur la façade de l'édifice jusqu'au début des années 1990, jusqu'à ce que le gouvernement de Carlos Menem entreprenne de faire restaurer le bâtiment. Une plaque commémorative a par contre été posée, qui rappelle l'évènement. Durant ce bombardement de Buenos-Aires, on estime à dix tonnes la quantité de bombes larguées sur la ville, faisant 308 morts et près de 700 blessés, en grande majorité des civils qui circulaient aux abords de la place à ce moment-là. Et ce bombardement d'être l'un des antécédents directs du coup d'Etat qui se produira trois mois plus tard, lorsque la Révolution libératrice conduira à la chute du président Peron. Cet événement ne sera hélas pas le seul, puisque l'Argentine connaitra d'autres drames de ce genre, comme par exemple, lors des invasions anglaises en 1806 et 1807, puis lors du Combat de Los Pozos en 1811. Le troisième drame aura lieu lors de la révolution autoproclamée du parc, soulèvement militaire et civil fasciste qui atteignit son apogée le 26 juin 1890. En réaction au bombardement du 16 juin 1955, des sympathisants péronistes, eux, incendièrent les cathédrales de San Francisco et de Santo Domingo et d'autres églises situées dans les quartiers les plus prospères de la ville.
Une étrange Botica del Angel (Pharmacie de l'Ange) se dresse rue Luis Saenz Pena, au numéro 541 (ci-dessous), véritable bric-à-brac culturel. On peut à la fois y trouver des oeuvres de Juan Carlos Castagnino, Raul Soldi, Guillermo Roux, Marta Minujin...des textes manuscrits de Mujica Lainez, Jorge Luiz Borges, Alejandra Pizarnik et Ernesto Sabado, des souvenirs de Carlos Gardel et des dizaines d'affiches de films. Le café de l'endroit, lui, arbore des vestiges d'autres célèbres bars de Buenos-Aires. Créé par Eduardo Bergara Leumann, acteur et personnage emblématique des années 1960 et 1970 en Argentine, ce musée-théâtre abrite l'un des héritages artistiques les plus iconoclastes et impressionnant de la capitale. La Botica del Angel sera ainsi inaugurée le 8 décembre 1966, en pleine période de démocratisation culturelle, boutique d'abord installée au N°670 de la rue Lima. Et notre homme d'ouvrir les portes de son cabinet de curiosités qui lui servait également de demeure, au plus grand nombre, afin de faire découvrir mises en scène, spectacles, expositions loufoques et débats culturels parfois enflammés. Nombreux seront les artistes argentins à franchir le seuil de cette maison avant que l'avenue 9 de Julio ne soit élargie et ne contraigne Eduardo Bergara à déménager sur un autre site qui fermera en 1973. Plusieurs années s'écouleront avant que ne renaisse la Botica del Angel, en 1997, à l'intérieur d'une vieille bâtisse de Congreso, au N°541 de la rue Luis Saenz Pena, endroit bientôt transformé en temple. L'endroit sera décoré avec soin et l'on peut lire à l'entrée « Ici, vous trouverez tout ce que l'on croyait perdu ». Et L'auteur de cette merveilleuse boutique de nous quitter le jour de son 76è anniversaire, le 5 septembre 2008. Une sorte de clin d'oeil !
Je poursuis ma balade jusqu'à atteindre l'ancien ministères des Travaux publics. Et de découvrir sur place un drôle de monument : le monument au pot-au-vin (en photo ci-dessous). Plus exactement à l'angle de la façade de l'ancien édifice de l'ancien ministère (qui abrite désormais les ministères de la Santé et du Développement social) qui donne sur l'avenue 9 de Julio et la rue Moreno, deux statues se distinguent à peine de la gigantesque façade Art déco. Celles -ci sont situées aux extrémités du deuxième étage et possèdent toutes les deux des détails qui rendent complémentaires. L'une porte un petit coffre d'une main, tandis que l'autre est tendue, collée au reste du corps et les yeux dans le vague.. Certains considèrent d'ailleurs ces statues comme un hommage à la corruption. Il se dit aussi que ces deux œuvres seraient nées des mains de l'architecte de l'édifice, José Hortal, qui conçut le premier gratte-ciel financé par l'Etat, dans les années 1930, lequel sera bâti au milieu de l'avenue la plus importante de la ville. Hortal, lassé des pressions corruptibles à son encontre afin qu'il termine la construction du bâtiment avant les délais prévus, aurait ajouté ce détail décoratif de dernière minute en guise de représailles, pour dénoncer les pressions dont il avait été victime. Le plus étonnant est que des statues aussi suggestives soient toujours à leur place.
Il est un (vrai) musée peu connu à Buenos-Aires, le Musée national d'histoire du costume. L'institution abrite pourtant quelques 8000 pièces et chaque nouvelle visite permet d'y découvrir encore de nouvelles tenues. Situé dans une maison « chorizo » typique de la fin du XIX ème siècle, cet endroit est l'un des rares à conserver les caractéristiques de l'époque : ses moulures, ses grilles originales, ses menuiseries et les plinthes de marbre ornant l'entrée sont d'origine. Plusieurs expositions thématiques sont régulièrement organisées dans ce musée, comme « les vibrantes années 1920 » qui parla de cette époque où les femmes raccourcirent leurs jupes jusqu'aux genoux. Une autre exposition fut aussi déjà mise sur pied sur le thème des maillots de bain de 1890 à nos jours, puis les extravagantes vitrines du magasin Harrods au cours des années 1950. On peut aussi y trouver une drôle de paire de chaussures chinoises remontant au X ème siècle, appelées pieds de lotus. Ces souliers contraignaient les jeunes filles à se soumettre à une vraie torture pour que leurs pieds puissent y tenir, prix de la tradition chinoise que leur imposait leur statut social. Une autre exposition « La vérité sur la mode de 1810 » mérite aussi une visite, car elle traite du mythe de la femme des jours de la Révolution de Mai qui y est savamment déconstruit, et ses idées reçues mises à bas, preuves à l'appui. Les belles de cette époque ne portaient effectivement pas de peignes extravagants, ni crinoline, et pour cause, puisque la mode coloniale d'alors imposait une silhouette fine cintrée par un corset, une jupe tubulaire et des manches courtes de type ballon. A noter enfin qu'une à deux fois par an, le musée national du costume organise une « nuit des fantômes » qui débute au coucher du soleil par une visite conduisant à la découverte de lieux habituellement inaccessibles, le tout dans la pénombre.
Non loin de là, se trouve le Musée argentin de la marionnette, seul musée du pays à rendre hommage à cette profession millénaire de marionnettiste. C'est grâce à l'initiative de Mane Bernardo et Sarah Bianchi, deux ouvrières de la fabrique nationale de marionnettes que ce musée ouvrit ses portes en 1983. On y découvre sur place un espace dédié à cet art à travers près de 600 modèles de marionnettes classés d'après leur origine et leur technique de fabrication. Situé dans le quartier de San Telmo, le bâtiment abritant le musée fut jadis la propriété de Mane Bernardo. D'autre part, l'institution débuta son activité de manière originale, en organisant un spectacle itinérant qui se produisit à cinquante reprises dans tout le pays. Avec le temps, la maison de famille sut s'adapter afin d'accueillir le musée et ses collections de façon définitive. Sarah Bianchi, qui a depuis quitté ce monde, lui consacrera de nombreuses heures pour pouvoir obtenir les financements indispensables à son développement. L'endroit permet d'admirer des marionnettes locales et étrangères, associant plusieurs techniques de manipulation, depuis la technique traditionnelle comme celle du gant, jusqu'à celles des marionnettes en dés à coudre ou à tige. Une salle spécialement dédiée au célèbre marionnettiste de la Plata, Carlos Moneo Sanz, expose des exemplaires étant apparus dans des programmes de télévision et dans des publicités. Une salle contiguë, elle, présente des marionnettes latino-américaines, dont La Lola et Mireya Cueto, deux célèbres interprètes mexicaines. On peut aussi y découvrir des marionnettes plus que centenaires et si détériorées qu'elles menacent de se désintégrer à tout moment. Une raison de plus pour se rendre à ce musée sans tarder !
INFOS PRATIQUES :
- Ministère des Finances, Palais de la Hacienda, Paseo Colon 100, à Buenos-Aires. On s'y rend en métro (Ligne A, station Plaza de Mayo)
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Musée La Botica del Angel, Luis Saenz Pena 541, à Buenos-Aires. Tél : 0800 333 8725. Visites guidées les mercredi et vendredi à 19h00. Accès : Métro Ligne A station Saenz Pena, Ligne C station Moreno et Ligne E station Lima.
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Bâtiment de l'ancien ministère des Travaux publics, Avenue 9 de Julio, à Buenos-Aires. Accès : métro Ligne C station Moreno ou ligne E station Belgrano.
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Musée national de l'histoire du costume, Chile 832, San Telmo, à Buenos-Aires. Tél : +54 11 4343 8427 (visites guidées). Ouvert du mardi au dimanche de 15h00 à 19h00. Entrée gratuite. Site internet : https://museodeltraje.cultura.gob.ar/
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Musée argentin de la marionnette, Piedras 905, à Buenos-Aires. Tél: +54 11 4307 6917. Accès : métro Lignes C ou E, station Independencia. Ouvert du mercredi au dimanche, de 15h00 à 18h00. Spectacles de marionnettes pour les enfants les samedi et dimanche à 16h30. Site internet : https://www.facebook.com/museoargentinodeltitere/