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Insolite New-York
(2) (Etat de New-York, Etats-Unis)
Heure locale

 

Dimanche 27 août 2017

 

A chaque escapade à New-York, je privilégie la découverte de nouvelles curiosités issues de cette grande ville insolite : il existe encore dans la grosse pomme des traces du rôle crucial que la ville joua lors de la Guerre d'Indépendance, bien que la tendance soit à l'effacement pur et simple de cet épisode historique dans la mémoire collective.New-York était pourtant à l'époque un point stratégique militaire et les Anglais le savaient. S’emparer de la place signifiait pour eux la division en deux du camp ennemi. George Washington, lui aussi, en était conscient, et notre homme s'empressera de défendre Manhattan le jour où les premières batailles livrées à Boston seront perdues pour les Américains. C'est également à New-York que le premier sang de ce conflit sera versé, avant le massacre de Boston et les batailles rangées de 1776. Un monument en évoque le souvenir à City Hall, le mât de la Liberté. Nombreux furent les mâts de même type érigés dans les villes américaines avant et après la Révolution. Ces derniers consistaient généralement en de longues perches plantées dans le sol, qui s'inspiraient de l'arbre de la liberté de Boston autour duquel se rassemblaient les dissidents. Le mât de New-York, lui, devint un symbole de discorde pour les deux camps puisqu'à tour de rôle, les Enfants de la liberté le dressaient et les Anglais l'abattaient. Un brûlot anti-anglais fut ainsi mis en circulation à l'intention des New-yorkais « floués » un certain 16 décembre 1769. Il y était question de la tyrannie et du despotisme et il était signé d'un Enfant de la Liberté. Cette provocation irrita profondément les Anglais et des soldats du 16è Régiment firent alors sauter le mât à l'aide de poudre à canon, puis le scièrent en morceaux et imprimèrent à leur tour un brûlot dans lequel ils s'en prenaient aux véritables ennemis de la société qui imaginaient que leur liberté tenait à un simple bout de bois. Ce libellé sera bientôt affiché sur tous les murs de la cité.

Les collectionneurs de tous poils seront ravis d'apprendre que des cornes de bélier jouèrent un rôle dans ce qui va suivre : un certain 19 janvier, le marchand et patriote new-yorkais Isaac Sears et son ami Walter Quackenbos surprirent deux soldats en train de placarder le libellé en question. Une bagarre s'ensuivit et, lorsque les Anglais sortirent leurs baïonnettes, Sears, qui portait sur lui des cornes de bélier, eut alors l'idée de les jeter à la tête des soldats. Des renforts arrivèrent de part et d'autre et plusieurs hommes furent blessés, et un patriote tué, dans ce qui devint la bataille de Golden Hill (John Street de nos jours). On enfonça alors un mât en pin de 25 mètres de haut , gainé de fer, chez un particulier, et à proximité du terrain communal. En son sommet, et tout comme celui du mât de City Hall, se trouvait une girouette dorée, arborant un seul mot : Liberté. Tout un symbole !


 

Sur Broadway, il existe une visite guidée du hall de Woolworth Building (ci-dessous) : cet endroit est considéré comme l'endroit le plus somptueux de la ville depuis plus d'un siècle. Longtemps interdit au public, son accès est désormais possible, depuis la célébration, en 2013, du centenaire du Woolworth Building. Cet édifice fut autrefois la plus haute construction inhabitée au monde et resta le point culminant de New-York au début des années 1900, à l'émergence des premiers gratte-ciel. Contrairement à d'autres édifices , le style du Woolworth Building maria toujours conservatisme et extravagance, à travers le déploiement de l'Europe médiévale sur 57 étages. Les amateurs de la flèche gothique surmontée de vert-de-gris apprécieront la riche atmosphère byzantine régnant à l'intérieur. On assiste ici à une mélange architectural unique en son genre et l'érection d'un tel bâtiment serait impossible de nos jours. A l'époque, la main d'oeuvre immigrée était abondante et qualifiée, et la qualité de construction se retrouve entre autres dans les détails comme ce bandeau saillant en pierre dont chaque panneau sculpté évoque un visage humain distinct (deuxième photo). Même les boutons de portes ont été conçus les uns après les autres. Le plafond en mosaïque de verre constitue le véritable joyau du hall : celui-ci laisse filtrer la lumière en mettant en évidence de surprenantes sculptures. Le hall d'entrée représente aussi les acteurs clés de cette superbe construction, chaque profession disposant de son propre emblème. Ainsi, l'ingénieur en chef porte une poutrelle, l'architecte Cass Gilbert présente la maquette de l'édifice, et Frank W.Woolworth, qui débuta sa carrière d'homme d'affaires dans la petite arrière-boutique d'une épicerie, compte avec soin des piles de monnaie. La légende prétend même qu'il aurait payé en espèces les 13,5 millions de dollars, prix de revient de la construction du Woolworth Building.


 

Un peu plus haut, au N°209 sur Broadway, se dresse la chapelle Saint Paul (ci-dessous). Achevée en 1766, elle est la plus vieille église de Manhattan encore en place. En pénétrant à l'intérieur, on peut observer l'emplacement du banc sur lequel George Washington assistait jadis à la messe, banc au-dessus duquel figure le tout premier sceau des Etats-Unis en couleur, à travers une superbe peinture à huile du XVIII ème. Le 30 avril 1789, notre homme prêta en effet serment pour devenir le premier président des Etats-Unis. Il se rendit ensuite du Federal Hall, sur Wall Street, jusqu'à cette chapelle. A cette époque la chapelle Saint Paul était considérée comme une « chapelle d'aisance » pour ceux qui ne souhaitaient pas emprunter les rues non pavées pour se rendre jusqu'à Trinity Church, à quelques blocs plus au sud. La chapelle sera miraculeusement sauvée d'un premier incendie lors du grand incendie de la ville en 1776. Et survivra aussi à l'attentat du 11 septembre 2001 : située non loin des célèbres Twin Towers (deuxième photo), l'édifice, désormais surnommé « la petite chapelle qui reste debout », ne sera pas touché et sera simplement envahi par de la poussière et des débris. La chapelle servira ainsi de centre de repos ouvert H24 pour plus de 14000 bénévoles venus secourir les victimes de l'attentat puis qui aideront à sa remise en état. Mais revenons sur George Washington. Les vestiges de la chapelle Saint Paul font de ce lieu de culte l'église la plus américaine du pays compte tenu du fait que notre homme y pria à plusieurs reprises. L'endroit contient toutefois un détail qui révèle son passé colonial puisqu'on peur remarquer une couronne dorée placée au-dessus de la chaire et de l'abat-voix. Cette couronne (troisième photo) est très probablement le seul symbole de la domination britannique qui ait survécu à la Révolution américaine. 1765 fut l'occasion pour les gouverneurs de la colonie d'appréhender la colère de la foule new-yorkaise lors des émeutes suscitée par la loi si détestée sur le timbre. Ce mécontentement ne sera qu'un avant-goût de l'insurrection générale à venir, une insurrection qui succédera à la proclamation de l'indépendance.Le Congrès provincial de la ville donnera son assentiment le 9 juillet 1776 et, à 18h00, le document qui annonçait la rupture avec le Royaume-Uni sera proclamé devant les troupes réunies sur le Common (l'actuel City Hall). Et plusieurs symboles de la royauté d'êtres abattus les uns après les autres les jours suivants. L'emblème le plus célèbre de la Royauté fut la statue de George III, et les fleurons entourant Bowling Green. En passant la main sur les extrémités inégales des montants, on remarquera que certains d'entre eux ont conservé l'entaille de la scie qui coupa les couronnes.La couronne située au sommet de la chaire de Saint Paul sera épargnée car on avait barricadé l'église contre les vandales.


 

Toujours à l'église Saint Paul, plus exactement dans le cimetière de celle-ci, au nord du lieu de culte, se dresse un imposant obélisque : la pierre tombale du Dr William J.MacNeven (ci-dessous). On peut y lire l'inscription suivante « Erigé par les Irlandais des Etats-Unis, en reconnaissance des services rendus à sa patrie et du dévouement envers son pays d'adoption, dont témoigna son après-vie ». Cette « Après-vie » fait référence à la carrière du docteur en Amérique, mais aussi au rôle qu'il joua outre-tombe en aidant l'Irlande depuis le royaume des Morts. Comment cela est-il possible ? L'explication nous est fournie en observant cet obélisque. Tout d'abord, cette pierre est énorme et fort imposante et rend hommage à cet homme qui fut avant tout un écrivain érudit, qui se battit pour l'indépendance irlandaise avant de quitter Dublin. Il sera également professeur à l'Académie de médecine et de chirurgie, puis directeur du Conseil pour la lutte contre le choléra à New-York. Cet obélisque est par ailleurs le résultat d'une collecte de fonds entrant dans le cadre d'une ...opération de blanchiment organisée à l'époque par la Fenian Society, dans le but d'acheter des armes ! Cette confrérie de Fenian était une organisation américano-irlandaise qui luttait contre la présence britannique en Irlande. Son nom vient du gaélique fianna, des petites unités de combat qui vivaient un peu comme Robin de Bois dans les forêts d'Irlande. Et les armes que les Féniens se procurèrent grâce au blanchiment de fonds pour l'obélisque de MacNeven d'être destinée à une invasion imminente. Le projet d'invasion funeste consistait à envahir le Canada. Le but était alors de kidnapper ce pays (alors territoire britannique) et de le garder en otage pour libérer l'Irlande des Anglais. Les instigateurs du mouvement s'imaginaient alors qu'une partie de ce pays (ou son partage effectif) ferait l'affaire. Et la confrérie Fenian de lancer cinq attaques entre 1866 (un an après l'érection de l'obélisque) et 1871. Des milliers d'américano-Irlandais, souvent des soldats aguerris encore marqués par la Guerre civile, participeront ainsi à ces invasions dignes de Don Quichotte, invasions souvent repoussées par les autorités américaines. Les combats firent de nombreuses victimes et les relations entres les Etats-Unis et le Canada s'en trouveront durablement affectées. L'emblème de cet étrange chapitre de l'histoire américaine se dresse quant à lui toujours dans le cimetière de l'église Saint-Paul.

Dans ce même cimetière, on peut également admirer la cloche de l'espoir (deuxième photo). Celle-ci fut offerte à la ville de New-York en septembre 2002, par le Maire de Londres, en signe de solidarité à l'occasion du premier anniversaire des attaques du 11 septembre 2001. Elle sonne le 11 septembre de chaque année et pour d'autres occasions particulières. La cloche a été coulée à la fonderie de cloches de Whitechapel à Londres, la même fonderie qui coula la Cloche de la liberté et Big Ben.


 

INFOS PRATIQUES :

  • Mât de la liberté, City Hall, sur Broadway, entre Murray et Warren Streets. Accès par les lignes de métro N et R /station City Hall, par les lignes 2 et 3, station Park Place, les lignes J et Z station Chambers Street et les lignes 4, 5 et 6 station Brooklyn Bridge/City Hall
  • Woolworth Building, 233 Broadway, à New-York. Accès par métro sur les lignes 2 et 3, station Park Place, le métro E station World Trade Center, métro N et R, station City Hall et métro A et C, station Chambers Street. Horaires des visites guidées sur https://woolworthtours.com/ et réservations au 203 966 9663.

  • Eglise Saint Paul, 209 Broadway, à New-York. Tél : 212 233 4164. Ouverte en semaine de 10h00 à 18h00, le samedi de 10h00 à 16h00 et le dimanche de 7h00 à 21h00. Accès par métro, lignes A,C,2,3,4 et 5, station Broadway-Nassau Street, ligne E station Chambers Street et ligne 6, station Brooklyn Bridge-City Hall. Procurez-vous à l'entrée de la chapelle un dépliant gratuit rassemblant toutes les curiosités du lieu, dont une exposition permanente consacrée à l'histoire de la chapelle. Photos autorisées à l'intérieur. Site internet : https://www.trinitywallstreet.org/about/stpaulschapel

  • Le cimetière de l'église Saint-Paul est ouvert du lundi au samedi de 10h00 à 16h00 et le dimanche de 7h00 à 15h30.






 



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