Vendredi 22 septembre 2017
L'endroit a plusieurs noms : Palais de la Monnaie, Palacio de la Moneda, ou tout simplement La Moneda. Ce lieu , l'un des plus remarquables bâtiments jamais construits à Santiago du Chili (Chili) du temps de la présence espagnole, est le siège de la présidence du pays. Originellement hôtel des Finances, où l'on frappait des insignes sur les pièces de monnaie, fut dessiné par l'architecte italien Joaquin Toesca. Né à Rome (Italie) dans les Etats pontificaux, notre homme travailla essentiellement pour l'empire espagnol, et tout particulièrement au Chili. Joaquin commencera ses études d'architecture à l'armée dans l'atelier de Francesco Sabatini (avec lequel il partira dès l'âge de quinze ans, à la cour espagnole à Madrid). Son premier voyage au Chili aura lieu en 1780, à la demande du gouverneur Agustin de Jauregui et de l'archevêque de Santiago, Manuel de Alday y Aspée, qui lui demanderont de terminer l'érection de la cathédrale métropolitaine de la capitale chilienne. Une fois sur place, Joaquin Toesca sera chargé d'élaborer les plans du Palacio de La Moneda, tout en corrigeant aussi les erreurs de construction de la cathédrale de la Très Sainte Conception, les avant-becs de la rivière Mapocho, de l'Hôpital Saint Jean de Dieu et d'autres œuvres de moindre importance. Très affairé, l'architecte épousera toutefois deux ans plus tard une certaine Manuela Fernandez de Rebollado, laquelle se réfugiera au couvent à la suite d'une première tentative de meurtre de la part de son époux. Joaquin Toesca enseignera aussi à de nombreux élèves, parallèlement à ses travaux d'architecture. Son influence sur la ville de Santiago du Chili est incontestable puisqu'il oeuvrera sur de nombreux édifices (Cathédrale métropolitaine, cathédrale de la Très Sainte Conception, Basilique de la Miséricorde, Palais des Tribunaux de Justice, Palais de La Moneda). Une station du métro de la capitale porte même son nom, du fait de la proximité qu'elle entretient avec la rue Toesca nommée d'après l'architecte italien.
La construction du palais débutera en 1784 et son inauguration aura lieu en 1805. Quarante années plus tard, en juin, l'endroit deviendra le siège du gouvernement et la résidence du président de la République, sous la présidence de Manuel Bulnes. L'édifice sera alors meublé comme un palais français du XVIII ème siècle. Militaire et homme d'Etat chilien, Manuel Bulnes sera Président du Chili à deux reprises, en 1841 et en 1846. Ses présidences seront caractérisées par l'expansion éducative et culturelle, avec, entre autres, la réforme de l'Institut national et de plusieurs écoles primaires. C'est sous son autorité que sera également fondée l'Université du Chili. Bulnes fondera aussi Fort Bulnes, en 1843, afin de permettre le maintien de la souveraineté sur le détroit de Magellan. Six ans plus tard, une communauté sédentaire verra le jour de la même façon à Punta Arenas, avec l'apport de populations allemandes. C'est enfin sous la présidence de Bulnes que l'Espagne, ancienne puissance coloniale reconnaitra l'indépendance du Chili et s'impliquera directement dans la construction du premier chemin de fer chilien.
1930 verra l'aménagement d'une place face à la façade nord du Palais de La Moneda, la Plaza de la Constitucion (en photo ci-dessous). En Janvier 2006, sera inaugurée la Place de la Citoyenneté (anciennement Plaza de la Libertad) laquelle abrite un centre culturel, et ce, dans le cadre de la célébration du bicentenaire du Chili. Une visite de ce centre culturel en sous-sol offre de voir une exposition permanente, et deux autres salles consacrées à des expositions temporaires. On y découvre principalement des œuvres d'artistes et de photographes latino-américains. Quant à l'exposition permanente, elle présente des objets d'art et des artefacts chiliens historiques, comme, par exemple des vêtements et des bijoux. Le même centre dispose aussi d'une salle de cinéma, d'une bibliothèque, d'un centre pédagogique et d'un café. Notons que le Palais de La Moneda sera partiellement détruit par les bombardements du coup d'Etat du 11 septembre 1973 (deuxième photo ci-dessous) dirigé par Augusto Pinochet. Ce jour-là, le gouvernement du Président Salvador Allende sera renversé. Ce coup d'Etat fut planifié par les commandants en chef des trois armées et par le chef de la police, sous l'autorité du général d'armée Augusto Pinochet. A l'époque, le Chili connaissait la crise ainsi qu'une forte opposition entre le pouvoir exécutif et les pouvoirs législatif et judiciaire. Salvador Allende se suicidera à l'intérieur de La Moneda, tandis que la junte militaire, elle, prononcera la dissolution du Congrès national, des conseils municipaux, des syndicats et des partis politiques. La liberté de la presse sera abolie dans la foulée, le couvre-feu instauré, et le pouvoir militaire imposé jusqu'en 1990. La Moneda sera restaurée puis réhabilitée le 11 mars 1981. Avant d'être plus tard ouvert au public à l'initiative de l'ancien Président de la République, Ricardo Lagos. Il est ainsi possible de déambuler dans le palais plusieurs heures par jour, tout en étant toutefois surveillé par des gardes. C'est en 2001 que Ricardo Lagos fera rénover la façade du palais en faisant notamment disparaître les traces des balles tirées le 11 septembre 1973. Et l'ensemble d'être repeint de blanc. Aujourd'hui l'endroit abrite non seulement le siège de la République mais aussi le ministère de l'Intérieur et les Secrétariats généraux de la Présidence et du gouvernement. En symbiose avec son temps, le palais se chauffe et s'éclaire également et en partie grâce à l'énergie solaire, avec l'aide des panneaux photovoltaïques installés sur les toits de l'ancienne bâtisse. Cette mutation de La Moneda permet ainsi de réduire d'un tiers la facture annuelle d'électricité et d'un quart la facture du gaz utilisé pour l'eau chaude. Soit une économie annuelle de 160 000 dollars. La climatisation, elle, est assurée par la captation d'eaux souterraines.
Une visite dans le palais conduit les visiteurs à travers des pièces majestueuses, dont l'incontournable Salon Independencia (ci-dessous). Aux XVIII et XIX ème siècles, les chefs de gouvernements successifs se tenaient en général sur l'un des balcons de ce salon pour annoncer aux Chiliens les nouvelles importantes. C'est de ce même endroit que les présidents chiliens s'adressent désormais au peuple à l'issue des scrutins présidentiels. Il suffit de se promener à l'intérieur du palais pour découvrir d'étonnants salons décorés en jaune, rouge et bleu. Autre événement incontournable : la relève de la garde, cérémonie qui a lieu tous les deux jours (face au palais, à 10h00). Mais cela est une autre histoire...
Pour pénétrer dans le palais, on emprunte l'entrée principale, puis, après une fouille préalable et la présentation de son passeport (pensez à l'emporter avec vous!), on accède à une première cour, baptisée El Patio de los Canones (ci-dessous), car le lieu abrite deux canons qui furent fondus à Lima en 1778 par Manuel de Amat y Juniet. Sur les canons, on peut encore observer l'écusson espagnol et le noms des canons, El Furioso et El Relampago. On traverse ensuite le Patio des Orangers garni de nombreux arbres fruitiers. Ce patio symbolise le peuple Mapuche, peuple constitué d'Aborigènes présents autrefois dans le centre-sud du Chili et en Argentine (j'en avais personnellement rencontré lors de ma visite de la Patagonie argentine en 2008). Dans cette même cour se trouve également une œuvre artistique en métal du sculpteur Mario Matta. Notre guide nous conduira ensuite au Patio Los Canelos. Cette cour portait autrefois le nom de jardin d'hiver, et c'est lors d'une cérémonie conduite par le président de la République de l'époque, Ricardo Lagos Escobar, le 10 octobre 2002, que l'endroit prit son nom actuel. Dès lors, un « canelo », c'est à dire un arbre toujours vert originaire du sud chilien, trône au milieu du patio. Cet arbre est sacré pour les Indiens Mapuche et représente l'univers. Plus loin, je remarque une statue rituelle en bois, « Pu Chemamul » (deuxième photo), une œuvre de l'artiste Mapuche Antonio Paillafil. Pu Chemamul signifie le peuple de bois. Les deux sculptures qui se dressent dans le patio Los Canelos sont utilisées lors de rites funéraires, une des statues représentant la femme en bois, et l'autre l'homme en bois, les deux statues accompagnant le défunt dans l'au-delà. Certaines de ces statues peuvent mesurer de trois à ...cinq mètres de haut, et sont taillées dans tous les cas dans des bois nobles ou dans du cyprès. Le rôle de ces statues étant de veiller sur les rêves de ceux qui ont quitté ce monde tout en veillant sur la vie spirituelle de la communauté. Depuis cette cour, un escalier mène à l'étage supérieur qui abrite le ministère de l'Intérieur.
Nous nous arrêterons quelques minutes en haut de l'escalier, là où Salvador Allende Allende se donnera la mort le jour du coup d'Etat en 1973. La visite de La Moneda, qui s'effectue en langue anglaise ou espagnole comprend, outre la chapelle (troisième photo), quelques salons du rez-de-chaussée : l'un d'entre eux porte le nom de Bernardo O'Higgins, un riche propriétaire terrain chilien qui combattit en faveur de l'indépendance du pays. Il est considéré comme l'un des pères fondateurs du Chili actuel. Juste à côté, j'aperçois le salon Pedro de Valdivia (quatrième photo), fondateur de la ville de Santiago du Chili un certain 12 février 1541. A l'intérieur de ce salon se dresse une statue de marbre appelée la Tentation de la Vestale. Enfin, nous pénétrerons à l'intérieur du salon Manuel Montt-Antonio Varas, lequel accueille la presse lors de cérémonies officielles. Manuel Montt-Antonio sera président de la République du Chili de 1851 à 1856 avant d'être réélu pour un second mandat. Quant à Antonio Varas, il sera ministre dans les gouvernements de Manuel Bulnes Prieto, Manuel Montt et Anibal Pinto Garmendia.
INFOS PRATIQUES :
- Palacio de La Moneda, Centro, Santiago de Chile. Tél : +56 2 690 4000. Métro : Moneda. Visites guidées gratuites et sur réservation préalable, du lundi au vendredi à 9h30, 11h00, 15h00 et 16h30. Prise de photos autorisée sans flash à l'intérieur du palais. Site internet : http://www.gob.cl/historia-palacio/
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Centre culturel (situé sous la Place de la Citoyenneté), Avenida Libertador Bernardo O'Higgins, Santiago de Chili. Tél : +56 2 2355 6500. Ouvert tous les jours, de 9h00 à 19h30. Entrée : 2000 pesos. Entrée gratuite jusqu'à 13h00. Site internet : http://www.ccplm.cl/sitio/