Jeudi 8 février 2018
Que de kangourous écrasés sur la première partie de mon trajet me conduisant à Blackall. On dit que les pauvres bêtes sont tétanisées par la lumière des phares des automobiles, ce qui expliquerait cette hécatombe. Je mettrai deux heures depuis Longreach pour parvenir à destination, dans cette charmante petite ville rurale de Blackall qui semble s'être jadis principalement concentrée autour de l'exploitation de la laine mérinos. Comme à l'accoutumée, je m'arrête à l'entrée de la commune et me rends à l'office du tourisme qui a trouvé refuge dans l'ancienne petite gare ferroviaire locale. Les jardins tout autour forment le parc du bélier (Ram Park), en photo ci-dessous, avec son musée et ses véhicules d'un autre temps. Cet endroit, ouvert depuis le 27 octobre 2001 affiche fièrement une statue de bélier pour symboliser l'industrie lainière d'autrefois. Sue, l'agent de l'office du tourisme m'accueille chaleureusement et m'explique que la petite gare fut démontée de son ancien emplacement, puis remontée ici. Il n'y a plus de trafic passagers ici depuis 1992 et la petite gare fut jadis inaugurée en 1908 au bout de Coronation Drive. De cette petite station ferroviaire, ne restent plus désormais que quelques photos datant de 1912 et des matériels ferroviaires savamment disposés sur un bout de rail reconstitué.
Le musée du parc se tient à l'intérieur de la maison Navena, une jolie demeure en bois construite vers la fin des années 1800 au Mont Morgan et transportée jusqu'ici en quatre morceaux, sur des chariots tirés par des bœufs au milieu des années 1900. La demeure fut rachetée en 1954 par la famille McLean, avant d'être offerte à l'association d'histoire de Blackall pour être transformée plus tard en musée. On peut admirer à l'intérieur d'anciennes photographies de Blackall, de ses habitants et de la région.
Dans une autre partie du parc se dresse toujours l'école Yalleroi (en photo ci-dessous), inaugurée en 1933 avec, à sa tête, Mademoiselle Gladys Kidd, sa première institutrice. Un petit coup d'oeil en-dessous de cet école permet d'observer divers objets dont des calèches datant des années 1800 aux années 1940. Bref, un petit musée à ciel ...couvert !
La région fut explorée pour la première fois en 1846 par Sir Thomas Mitchell. Géomètre et explorateur, notre homme d'origine écossaise obtiendra un poste d'arpenteur général en Nouvelle-Galle-du-Sud en 1827 et excellera en réalisant la topographie de la route du Grand Nord qui sera bâtie par les bagnards de 1826 à 1836. Cet axe reliait alors Sydney à la vallée Hunter. Sir Mitchell fera également la topographie de la route du Grand Sud de Sydney à Goulburn. Pour les besoins de sa mission, il sera chargé dès 1834 de faire des relevés dans 19 différents comtés dont celui de Blackall. La carte qu'il produisit sera d'une telle habileté et d'une si grande précision qu'il sera fait chevalier. De nos jours, Blackall lui rend hommage avec une horloge mémorial (ci-dessous) située au centre-ville.
A partir des années 1860, la petite ville développera un certain nombre d'activités autour de l'industrie pastorale, plus particulièrement dans le domaine de l'industrie lainière. Et Jackie Howe (ci-dessous) de devenir ici un personnage de légende. De son vrai nom John Robert Howe, celui-ci était né dans le district de Warwick en 1861 et avait acquis ses talents de tondeur de moutons auprès d'ouvriers chinois. Parti d'abord pour une saison en Nouvelle-Zélande, il reviendra en Australie en espérant faire fortune comme bien d'autres dans les mines d'or, en vain. Son chemin le conduira plus tard dans le Queensland, accompagné d'autres types qui se rendaient de troupeau en troupeau pour effectuer la tonte des bêtes, jusqu'à s'établir durablement à Blackall. Et pour cause, car il épousera la coiffeuse locale, une certaine Victoria Short, en 1890. Le couple aura dix enfants au cours des quinze années suivantes et Jack se spécialisera dans la tonte des moutons, atteignant même l'incroyable record de 321 ovins tondus en...7h40 ce 10 Octobre 1892, dans la ferme Alice Downns située à 19 kilomètres au nord de Blackall. Inutile de rappeler que ce record ne sera jamais battu ! Les semaines suivantes, Jack tondit 237 moutons en une seule journée de huit heures, à la station « Barcaldine Downs » (Barcaldine est la ville qui se trouve à mi-chemin entre Longreach et Blackall) à l'aide d'une nouvelle tondeuse. Sa prospection aurifère ne lui avait jamais porté chance mais notre homme remportera quand même la même année deux médailles d'or lors de compétitions de tonte, prouvant ainsi au monde entier qu'il était bien le meilleur dans sa spécialité. Toutefois, Jack se retira de la tonte en 1900 et à l'âge de 39 ans, pour prendre en gérance, et à tour de rôle, deux hôtels, le Universal Hôtel d'abord (deuxième photo), le Barcoo Hôtel ensuite puis à nouveau le Universal Hôtel. La maladie rattrapera Jack en 1919 et le contraindra à cesser toute activité puis à se retirer à Sumnervale, sa propriété familiale après une existence bien remplie, qui l'avait aussi conduit à occuper des responsabilités notamment au sein du premier syndicat des tondeurs de moutons du Queensland dès 1887, puis auprès du parti des travailleurs de Blackall en 1909.
Le Universal Hôtel que Jack achètera avait une excellente réputation, tant pour son atmosphère que pour la qualité des mets qui y étaient servis. Et il n'était pas rare d'entendre notre homme y pousser la chansonnette. Au début de 1993, l'hôtel fut cédé à de nouveaux acquéreurs qui élevèrent la fronton actuel du fameux hôtel devant lequel se dresse depuis la statue en bronze de Jack Howe.
Le tour de la petite ville est vite fait car tout est concentré sur de courtes distances : j'apercevrai ainsi la loge maçonnique (ci-dessous) qui fut bâtie à cet endroit en 1908 . Auparavant, les frères se rassemblaient dans différents endroits, et ce, depuis 1887, date de création de la première loge de Blackall. Un peu plus loin, se dresse toujours ce qu'on appelle le mémorial Black Stump (deuxième photo), lequel marque le site d'observation astral déterminé en 1887 par les arpenteurs pour établir la traversée du circuit méridional de la ville. Ce point d'observation fut utilisé afin de déterminer la position des principales villes depuis Brisbane jusqu'à Boulia, en passant par Roma, Charleville et Blackall. Ceci permettant un tracé plus précis de la carte de la région.
Sue m'a fait part de l'existence de l'unique station de traitement de la laine fonctionnant à la vapeur encore visible en Australie, la Blackall Woolscour (ci-dessous). Celle-ci se trouve un peu à l'écart de la ville, à quatre kilomètres de là. Ce musée nous fait remonter au temps des pionniers, alors que la petite usine fonctionnera entre 1908 et 1978 à l'aide d'un moteur de 45 chevaux (ci-dessous) mu par la vapeur. Deux fours, un anglais puis un australien, étaient alimentés de bois et réchauffaient l'eau jusqu'à dégager la vapeur nécessaire. Je suis surpris par l'entretien impeccable de ce moteur qui est mis en fonctionnement tous les mois, et bien sûr en haute saison touristique pour le plus grand plaisir des visiteurs. D'entrée, mon guide me montre une source qui coule abondamment et m'informe que cette eau provient d'une nappe souterraine. Un puits, qui fut creusé en 1906, à une profondeur de 790 mètres, permet depuis à l'eau de remonter seule à la surface et de sortir à une température de 58°C. A l'intérieur, je découvre les postes de tonte (troisième photo) où les tondeurs s'installaient avec leurs moutons.
Plus loin, j'observe une compacteuse à laine (ci-dessous) qui permettait d'entreposer la laine sous la forme de ballots, afin de gagner de la place. Puis le guide de m'expliquer le fonctionnement des deux chaines de lavage de la laine (deuxième photo). La première chaine est d'origine anglaise et permettait le traitement du produit (lavage et séchage) en une heure. La deuxième chaine, plus récente, et de conception australienne, permettait la même opération en 45 minutes et offrait une capacité double par rapport à la première machine. En fin de chaine se trouvait le séchoir à laine (troisième photo) qui requerrait 35 minutes pour boucler l'opération. La laine séchée était ensuite conditionnée en ballots, eux-mêmes entreposés dans des trains. Aujourd'hui, cette unité de traitement ne fonctionne plus mais a le grand mérite d'avoir été restaurée en 1989, à l'initiative de l'association d'histoire de Blackall. A l'époque, cette méthode de lavage de la laine avait été mise au point dans les années 1890 pour remplacer la méthode traditionnelle consistant alors à contraindre les animaux à prendre un bain dans la rivière jusqu'en 1840. Puis, à partir de cette date, on lavera la laine manuellement à l'aide d'un savon fabriqué à base de graisse de mouton et de soude caustique. Les années 1890 permettront de découvrir le lavage mécanisé qui se démultipliera un peu partout à cette époque (on relevait l'existence de douze stations similaires dans le seul Queensland). Le bon fonctionnement de l'usine dépendait alors de trois facteurs : la bonne gestion du site, une alimentation en eau suffisante (l'eau devait être à une température minimum de 52°C pour permettre la bonne dissolution des graisses) et une desserte par rail (le train, qui arrivera à Blackall vers 1905 facilitera les choses).
INFOS PRATIQUES :
- Office du tourisme, 145a, Shamrock Street, à Blackall. Tél : 07 4657 4913. Ouvert du lundi au vendredi de 9h à midi et de 13h à 17h. Site internet : http://www.blackalltambotourism.com.au et http://www.btrc.qld.gov.au
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Demandez votre guide du Parc du bélier (Ram Park), bien documenté, et partez à la découverte de l'endroit. Un autre guide gratuit, intitulé « Blackall » rassemble tous les lieux culturels et historiques incontournables de la ville, dont un certain nombre de lieux symboliques matérialisés par des plaques.
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Une exposition sur la vie de Jack Howe est disponible à Universal Garden Centre & Gallery, 53 Shamrock Street. L'endroit est ouvert tous les jours de la semaine, et il vous en coutera 4AUD$ pour découvrir l'exposition.
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La Blackall Woolscour (usine de traitement de la laine) se trouve à 4 kilomètres du centre-ville : emprunter Clematis Street en direction du cimetière puis suivre la même route (Evora Road) jusqu'à atteindre la Blackall Woolscour sur votre droite. Tél : 07 4657 6042 . Ouvert tous les jours de 9h00 à 17h00. Des visites guidées (indispensables pour accéder à l'intérieur du bâtiment) ont lieu à 9h, 10h, 11h, 12h, 13h, 14h, 15h et 16h. Prix de la visite : 17AUD$. Un film de dix minutes est projeté avant la visite et un autre film d'une durée équivalente est projeté à la fin de la visite. Cette visite s'effectue en anglais mais se révèle fort intéressante. De plus, vous ferez certainement la connaissance du gentil bouc Fluffy qui viendra vers vous pour quémander des caresses.
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Blackall Caravan Park, 53 Garden Street, à Blackall. Tél:07 4657 4816. Emplacement avec électricité : 33AUD$ (en l'absence du propriétaire, déposer la somme dans une enveloppe contenue dans une boite en plastique, puis placer le tout dans la boite coffre fort à gauche de la porte d'entrée).