Dimanche 11 février 2018
Je quitte tôt Charleville en direction de Roma, ma prochaine étape. Je préfère rouler alors qu'il ne fait pas encore très chaud mais ce matin, la température est déjà de 29°C (au lieu de 21,5° les jours précédents). La météorologie annonce en effet une semaine chaude ici avec le retour à 45°C en pleine journée. J'éviterai à nouveau et à plusieurs reprises, des gros lézards qui prennent tranquillement le soleil sur le bitume en cette matinée, et un troupeau de bétail passera même d'une parcelle à une autre en traversant la route (ci-dessous en photo)
Roma est la première ville australienne dans laquelle on découvrit du gaz, alors qu'on était à l'époque à la recherche ...d'eau. La ville souffrit tout le temps d'une sécheresse plus ou moins sévère et des équipes avaient alors décidé d'explorer la grand bassin artésien qui se trouve sous le Queensland, en forant sous Hospital Hill, dès 1897. Un forage alors désigné sous le nom de QG N°1. Pourquoi aller forer sur une colline ? Tout simplement pour disposer, en cas de succès, d'un gisement d'eau sur un point élevé qui déverserait son or bleu vers la ville par gravité. Le forage sera concluant mais moins qu'espéré au départ. Vint alors un second forage, le QG N°2, à seulement cinquante mètres du premier, lequel rencontrera la même nappe d'eau que le QG N°1 mais plus profondément, cette fameuse année 1900. Quelques mois plus tard, le 16 octobre plus exactement, Roma alors découvrir un gisement de gaz naturel en forant à 1122 mètres. L'importance de ce gisement n'était pas encore mesurée de façon précise mais une telle découverte reléguait la recherche d'eau en deuxième position. Et la petite ville de s'être adaptée, en 1905, à consommer au quotidien cette nouvelle source d'énergie tombée du ciel (ou plutôt tirée du sous-sol). L'année suivante, un gazomètre de stockage sera construit sur la colline voisine, tout près du puits, le gaz étant amené en ville par un système de pipelines. Mais il ne faudra que dix jours avant que ce procédé ne tombe en panne.
Une petite entreprise locale, la Roma Mineral Oil Company, va alors entrer en scène et creuser en 1907 un nouveau forage situé à 66 mètres du QG N°2 (photo ci-dessous). Appelé RMO N°1 (ou QG N°3) , ce forage aura pour objectif de trouver du gaz ou du pétrole, voire même de l'eau. Le nouveau gisement permit de trouver du gaz mais personne ne fut capable de maitriser son débit de sortie en l'état des connaissances technologiques de l'époque. Et le gaz de jaillir de manière incontrôlée puis, de partir ici ou là au gré du vent et finissant par mettre le feu à la station de forage voisine en embrasant la machine à vapeur qui alimentait la station. L'incendie durera sept semaines avant de pouvoir enfin être circonscrit en utilisant une hotte de métal suspendue pour étouffer le brasier.
Vint bientôt le forage QG N°4, à Hospital Hill, qui utilisera une plate-forme de percussion munie d'un derrick en bois. Ce chantier subira de nombreux revers, avec notamment des outils mal adaptés et le projet sera finalement abandonné, bien que celui-ci avait mis le doigt sur un important gisement gazier. Le prochain forage de poids aura lieu entre 1923 et 1926, et à Orallo (situé à 60 kilomètres de Roma), grâce à la Lander Oil Company qui creusera simultanément trois puits. Malheureusement, aucun de ces puits ne permettra de trouver des nappes de pétrole significatives. Et l'équipement de forage d'être installé à Roma en 1927, sur Hospital Hill, et d'être exploité par la Roma Oil Corporation : le premier forage, qui portera le nom de ROC N°1 sera le bon puisqu'il permettra de remonter un pétrole brut si pur que les automobiles pourront s'en servir tel quel. L'année d'après, Roma Oil Corporation fit venir sur place une usine de traitement de l'hydrocarbure qui permettra la vente locale du produit ainsi obtenu. Ce puits ROC N°1 sera le premier forage suffisamment concluant pour que l'Australie puisse à l'époque parler de « boom pétrolier », mais sa production cessera en 1931. Et les forages ROC N°2 et ROC N°3 de connaître un succès mitigé.
C'est alors que la Lander Oil Company va se mettre à creuser le puits Lander N°4 dans le même coin, en vain. D'autres sociétés de prospection pétrolière ayant entendu parler du succès du forage ROC N°1, se mettaient elles aussi à forer dans différents endroits et ce, jusqu'en 1941, date à laquelle beaucoup lâcheront l'affaire face à des investissements trop couteux et des résultats aussi médiocres. Il faudra attendre la fin de la seconde Guerre mondiale pour que les recherches reprennent, mais cette fois, avec une nouvelle technologie appelée exploration sismique, une technique qui consistait à repérer avec un relatif succès les poches d'hydrocarbures dans le sous-sol. Les nouveaux derricks avaient beau être plus modernes et utiliser des moteurs diesel, les gisements effectués ne détecteront que du gaz et pas de nappe d'hydrocarbure d'importance notable. La première expérimentation aura lieu en 1959 à Roma, et la découverte du premier gisement de gaz significatif aura lieu en mars 1960 sous la houlette des compagnies associées de prospection australienne (AA0). Dans le même temps, on venait de découvrir un important gisement de pétrole à Moonie (à 200 km au sud-est de Roma) et l'excitation était à son comble. On se fit alors à l'idée que le gaz naturel constituerait bien la ressource énergétique d'avenir pour Roma. Au total, plus de 300 forages seront creusés autour de la ville par l'AAO, en quinze années, et la question de l'écoulement de cette énergie ne tardera pas à se poser : dès 1961, la centrale électrique de la petite ville deviendra le premier consommateur industriel de gaz, suivi par le Royal Hospital, trois ans plus tard. Un pipeline de 450 km sera construit en 1969 de Wallumbilla à Brisbane. Pipeline d'ailleurs toujours en état de fonctionnement et qui apporte aujourd'hui le gaz jusqu'à Brisbane et Gladstone.
L'office de tourisme se trouve au pied du grand derrick (The Big Rig) et propose de découvrir l'histoire de la découverte de gaz et d'hydrocarbure dans la petite ville de Roma. Derrière le bâtiment, un circuit a été aménagé avec une dizaine de stations permettant d'en apprendre davantage sur une découverte somme toute inattendue. On revient sur la première découverte de gaz, à défaut de mettre la main sur la nappe d'eau espérée depuis 1881 grâce aux travaux de prospection de H.Maclachlan & Co. Les découvertes de gisements de pétrole ne provoqueront pas l'enthousiasme général parmi les habitants de Roma, qui se préoccupaient plus de la protection de leurs terres que de la spéculation sur les futurs gisements d'hydrocarbure. Mais le gouvernement, lui, y crut, et fut rapidement partie prenante dans l'affaire en contrôlant les opérations de prospection dès 1915 pour éviter la possible future main-mise des multinationales sur ces ressources.
Roma saura tout de même tirer partie de la situation grâce à sa compagnie pétrolière, Roma Mineral Oil Company, qui fut formée avec l'appui financier du gouvernement (soit 2500£) et qui effectuera son premier forage en juillet 1907. Plus d'un an de travaux seront nécessaires avant d'annoncer la découverte d'une nappe de gaz naturel le 27 octobre 1908, à une profondeur d'environ 1200 mètres. Mais quelques secondes suffiront avant que le désastre ne se produise, en laissant jaillir le gaz de manière incontrôlée, ce qui finira par provoquer un gigantesque incendie. Sept semaines de brasier devront être subies par la population locale, très inquiète, jusqu'à ce qu'un certain Mr Schooley mette au point cette grosse cloche de métal qui permettra d'étouffer le feu une fois posée à l'entrée du trou de forage. Notre homme avait tiré l'expérience de plusieurs feux similaires qui étaient survenus sur des puits de pétrole nord-américains.
L'annonce de la découverte d'énergie à Roma servira très vite de déclencheur économique: les bourses de Sydney et de Melbourne s'emballèrent aussitôt et les actions de Roma Oil Corporation prirent 1000 pour cent de hausse d'un coup. Et le fait d'avoir trouvé du pétrole brut aussi pur, ici, en octobre 1927, apparaissait comme un heureux présage, d'autant plus que le Ministre australien des Mines, alors en visite à Roma, avait fait son plein de carburant en pompant directement depuis le derrick, et était rentré chez lui sans encombres.
Tout au long de ma visite, je fais attention où je marche car on m'a averti que je pourrais rencontrer quelques serpents ici et là. Pas très rassuré, je m'efforcerai de marcher bruyamment pour effrayer les éventuelles bestioles. Je m'arrête un instant devant le magnifique camion de John Prentice (ci-dessous) : John Prentice fut en quelque sorte une légende locale à Roma, étant décrit comme un homme gentil et toujours prêt à rendre service. Ironie du sort, notre homme décédera lors d'un accident de voiture en 1989, lui qui avait toujours piloté de si gros camions. Et tout particulièrement ce beau camion rouge auquel il était très attaché.
L'exposition aborde bien sûr le fameux T-32, un derrick américain rotatif, qui creusera quelques 200 forages autour de Roma. Avant l'arrivée de cet équipement, il fallait tout acheminer en pièces détachées sur le lieu du forage tandis que le derrick T-32 emporte tout avec lui et peut être facilement déplacé, en moins d'une journée. D'autre panneaux d'information décrivent les opérations techniques de forage, puis abordent le problème du raffinage, du stockage puis du transport de l'énergie en question. J'apprendrai ainsi que l'Australie possède à l'heure actuelle près de 14000 kilomètres de pipelines sur tout le continent, un chiffre forcément en hausse, compte tenu des nouveaux champs pétrolifères qui sont régulièrement découverts à travers le pays. Les gisements de gaz et de pétrole australiens couvrent pratiquement 100% de la demande intérieure, car du pétrole brut est toujours importé d'Arabie Saoudite, du Vietnam, d'Indonésie et des Emirats Arabes Unis pour des utilisations spécifiques (comme la fabrication de lubrifiants). D'autre part, l'Australie exporte son pétrole dans de nombreux pays (Etats-Unis, Espagne, Turquie, Indonésie, Corée, Taïwan, Philippines, Chine, Malaisie, Japon, Nouvelle-Zélande, Singapour, Polynésie française, Iles Fidji, Samoa, Papouasie Nouvelle Guinée et Nouvelle Calédonie). Les réserves de pétrole australiennes, elles, sont évaluées à environ 1200 millions de barils (un baril équivaut à 160 litres). Chaque jour, l'Australie produit près de 700 000 barils de pétrole et 77 millions de mètres cube de gaz. Ce qui rapporte annuellement au pays 8 milliards de dollars (en valeur de production), un milliard de dollars (exportations nettes) et 2 milliards de dollars (taxes sur la production de gaz et de pétrole), soit un total de onze milliards de dollars de recettes pour l'économie nationale.
L'aventure ne s'arrête pas pour autant puisque des découvertes sont toujours réalisées : 200 gisements pétroliers sont actuellement en exploitation mais 170 autres ont été découverts et sont toujours en cours d'évaluation. Sans parler des découvertes potentielles rendues possibles grâce aux dernières innovations technologiques. Si l'on rajoute à cela les gisements de minerais, l'Australie est décidément un pays très riche.
INFOS PRATIQUES :
- Office du tourisme, 2 Riggers Road, à Roma. Tél : 07 4622 8676. Site internet : http://www.mymaranoa.org.au
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The Big Rig (le grand derrick) est une exposition qui retrace la découverte de gaz et de pétrole à Roma. Accessible tous les jours de 8h30 à 17h00, elle propose un parcours de visite constitué d'une dizaine de stations avec photos et informations détaillées, puis la projection d'un film de 20 minutes à la fin. Un plan vous est remis lors de l'achat du ticket (12AUD$ pour un adulte). Attention : des serpents peuvent se promener dans les alentours. Faites attention où vous marchez et déplacez vous bruyamment. Par ailleurs, une attraction nocturne, le Night Show (entrée adulte, 10AUD$) est également proposée à 19h00 (d'avril à octobre) ou à 19h30 (de novembre à mars). Celle-ci retrace en film l'épopée de l'aventure énergétique de la petite ville. Un ticket combiné à 17,50AUD$ (par adulte) permet de participer aux deux attractions.
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Roma Big Rig Caravan Park, 4 McDowall Street à Roma. Tél:07 4622 2538. Situé à 200 mètres seulement de l'office du tourisme. Accès internet gratuit. Piscine. Emplacement avec électricité : 35AUD$ par jour. Ce parc est le plus proche du centre-ville.