Vendredi 30 novembre 2018
Après avoir visité Galle, la ville fortifiée, une petite escale de deux jours est la bienvenue à Hikkaduwa, dans un hôtel *** situé entre la voie ferrée Colombo-Galle et la route. Soma m'affirme que l'endroit est très touristique et que la demande hôtelière est importante. Il est vrai que la petite ville fut la première destination hippie de l'île dès les années 1970. On vient avant tout ici pour surfer et pour la vie nocturne.
Mais qui se soucie de l’étymologie du nom de cette localité ? Il est pourtant intéressant de découvrir qu'Hikkaduwa provient des mots cinghalais ship Kaduwa, avec ship (diminutif de shilpaya, qui signifie connaissance) et Kaduwa (signifiant l'épée). Hikkaduwa serait donc « l'épée de la connaissance ». La question est ensuite de savoir de quelle connaissance il s'agit car mes recherches sur l'histoire de cette localité restent vaines, et je tourne en rond autour des hippies des années 1970 et des surfeurs actuels. Mieux vaut ne pas venir ici pour l'aspect culturel, ni même pour les fonds coralliens (voir plus bas) car il n'y a pas grand chose à se mettre sous la dent.
On me dit pourtant qu'il faut se tourner vers l'océan et son sanctuaire marin, principal pôle d'attraction local. On me promet ainsi coraux et poissons multicolores. J'embarque donc ce matin à bord d'un bateau à fond transparent en espérant avoir la chance de prendre quelques clichés intéressants. Je rentrerai désenchanté car ce qu'on m'avait promis resta invisible, mis à part quelques poissons multicolores. Soma a beau me dire qu'avant 2004, il y avait ici de magnifiques coraux, cela ne me dit pas pourquoi ces mêmes coraux, toujours mis en valeur dans les brochures, ont aujourd'hui disparu. Les massifs coralliens ont semble t-il beaucoup souffert du tsunami de 2004 même s'ils se refont très lentement une santé, en servant notamment d'abris de fortune pour une ribambelle de poissons tropicaux et, plus rarement, à quelques tortues de passage. Il est bien sûr également possible de plonger muni d'un tuba mais j'écarte cette option car je ne suis pas équipé en caisson étanche pour mon matériel photographique. C'est pourtant la seule option que je conseillerai aux visiteurs et cela ne vous coutera pas un sou.
Le conservatoire marin d'Hikkaduwa est l'un des trois parcs nationaux marins du Sri Lanka, et abrite un récif corallien d'une biodiversité incroyable, au point que l'endroit fut déclaré sanctuaire naturel en 1979, puis comme réserve naturelle en 1988. Le récif, qui a une profondeur moyenne de cinq mètres, agit comme une barrière naturelle protégeant le littoral de l'érosion marine. Côté climat, la zone est relativement humide et reçoit en moyenne 2000 mm de pluie par an, principalement entre avril et juin, et entre septembre et novembre. Mieux vaut donc viser juillet et août pour visiter l'endroit en toute quiétude.
Les fonds coralliens sont principalement constitués de coraux montipora foliaires, qui cohabitent avec 60 autres espèces de coraux (de 30 genres différents). Et les coraux de servir d'habitat pour 170 espèces de poissons de récif (de 76 différents genres). Herbiers et algues marines complètent quant à eux les fonds marins entre 5 et 10 mètres de profondeur. Les herbiers sont le principal bol alimentaire des dugongs et des tortues marines, ainsi que de certaines espèces de crevettes. Par ailleurs, huit espèces de poissons d'ornement ont été répertoriées dans la zone qui cohabitent avec crabes, crevettes, huitres et vers de mer. A l'extérieur de la barrière de corail, on a enfin relevé la présence occasionnelle de requins à pointes noires et de trois espèces de tortues de mer.
Aujourd'hui, il y a un risque réel de disparition des coraux, entre les effets du tsunami dévastateur de 2004, l'élévation de la température de l'eau, et les activités humaines. Personnellement, je suis très déçu de ma sortie en bateau de ce matin car je n'ai pas vu grand chose : des fonds marins grisâtres, désertés par les herbiers et les algues. Seuls quelques poissons multicolores vont et viennent dans le petit lagon. On est loin de la carte postale vendue par les agences ! Tout comme il y a douze ans à Cairns (Australie), les coraux semblent désormais être une attraction plus qu'aléatoire mais toujours aussi couteuse. Marché de dupes ou piège à touristes ?
Les environs de Hikkaduwa offrent heureusement quelques points d'intérêt : sur notre route, en rentrant de Galle, Samo fait une halte à Rathgama, un minuscule village de pêcheurs où certains d'entre eux s'emploient à ravauder leurs filets (ci-dessous en photo) avant la prochaine sortie en mer. En regardant de plus près, j'aperçois de gros varans (deuxième photo) le long de la rivière. Ils recherchent ici les restes de poissons capturés en mer pour s'en nourrir. Il ne fait pas bon se baigner à cet endroit.
Si petit soit-il, Rathgama a une histoire :ce village surnommé « village des rois » fut jadis offert par le souverain Parakramabahu II à son ministre Devapathiraja afin de récompenser sa loyauté durant la période Dambadenyia (12è siècle). Ce roi oeuvrera à la tête du royaume de Polonnaruwa entre 1153 et 1186, réunissant à la fois les trois plus petits royaumes du pays et pratiquant une politique de visionnaire en embellissant sa capitale, en développant de savants systèmes d'irrigation, en réorganisant l'armée sri-lankaise, en réformant les pratiques bouddhiques, en promouvant les arts et en conduisant plusieurs campagnes militaires dans l'Inde du Sud et dans l'actuel Myanmar (ex Burma).
Notre chemin nous mène aussi au temple bouddhiste de Kumarakanda Vihara, dans le petit village de Dondanduwa. Le temple, visible de la route, attire l'attention par son architecture coloniale de style hollandais. Un escalier monumental nous déroule son tapis de marches et nous invite à monter jusqu'au temple. En semaine, l'endroit est moins animé, mais si vous débarquez ici un dimanche, vous apercevrez des étudiants en train d'assister aux cours de l'école Dhamma. En cherchant bien je découvre que le temple Kumarakanda signifie « la colline du prince », ce qui correspond bien à l'endroit où est niché ce lieu de culte dont les murs extérieurs s'apparentent franchement à l'architecture batave, faisant de ce temple une sorte de forteresse hollandaise.
Franchir le superbe portail blanc situé en haut de l'escalier est impressionnant, et l'on peut au passage apercevoir de part et d'autre de cette arche un lion et un cheval placés au sommet de celle-ci, un peu comme les armoiries d'un fort batave. Quant aux escaliers, ils sont divisés en deux parties, séparées par des demi-murs ornés jouant en fait le rôle de garde-corps à l'intention des pèlerins qui effectuent l'ascension la plus raide.
Le temple date de 1765 avant JC, bien que des esprits érudits situent ses origines encore plus tôt. Si le temple original aura été détruit par les conquérants européens arrivés ici au 16è siècle, les Hollandais seront plus tendres avec les bouddhistes qu'avec les catholiques romains qui les avaient précédé. Et les pèlerins de Bouddha d'envisager plus sereinement la reconstruction de l'ensemble dès le milieu du 18è siècle.
Non loin de l'entrée du temple, se tient une maison d'images abritant trois pièces, où l'on peut admirer d'anciennes peintures murales plus ou moins en bon état, mais aussi deux statues en marbre dans la pièce du centre. Celles-ci furent offertes au temple par le roi de Myanmar. D'autres peintures, plus contemporaines, décrivent la vie de Bouddha et les seize étapes du pèlerinage de Bouddha au Sri Lanka. La troisième pièce, elle, présente 24 statues de Bouddha tandis que les murs sont recouverts d'une fresque représentant l'histoire du Vessanthara Jathaka.
Plus loin, nous arrivons dans une cour qui mène à un dagoba, en longeant au passage un beffroi de style hollandais, agrémenté de motifs floraux sculptés. Ce beffroi est somme toute différent des autres rencontrés dans les autres temples. Près du dagoba, se dresse une cloche qui servait jadis à alerter les villageois pour qu'ils se rassemblent au temple, comme par exemple en cas de besoin urgent d'assistance de la part des moines. Désormais, celle-ci n'est plus utilisée que lors des rites et des offrandes.
Un autre bâtiment dont le toit est recouvert de tuiles, abrite une bibliothèque contenant des ouvrages précieux, des manuscrits et encore d'autres documents historiques rédigés par les moines du temple lors de la renaissance du bouddhiste fin 19è – début 20è, mais cet endroit n'est pas accessible aux touristes. A quelques pas seulement de l'arbre de Bo, se dresse une salle de prières, lieu de recueillement des pèlerins qui viennent écouter les sermons des moines. Un endroit très spécial, qui fait partie intégrante du patrimoine légué par l'occupant batave et qu'il convient de préserver.
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