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Insolite Buenos-Aires
(8) (Argentine)
Heure locale

Mardi 5 février 2019

 

Parmi les endroits insolites de la capitale portègne, je découvre aujourd'hui la citerne de la rue Guido (ci-dessous), qui se trouve à l'angle des rues Guido et Uruguay, dans le quartier de Recoleta. Cette citerne , qui a l'apparence d'une fontaine, et qui est installée sur le trottoir rappelle le Buenos-Aires du 18è siècle, alors que l'eau n'était pas courante à l'époque coloniale. Même si la citerne en question est la seule encore visible ici, elle n'est qu'une réplique de l'original qui approvisionnait jadis une habitation du quartier du temps où Recoleta n'était encore qu'un quartier constitué de fermes et de maisons campagnardes. Peu à peu, les terrains seront divisés et la physionomie de l'endroit bouleversée pour permettre à des générations de Portègnes de s'y succéder. Et puis, le moment viendra où l'apparition de l'eau courant dans la capitale rendra inutile et illégale l'utilisation des citernes en 1880, même si celle de la rue Guido restera en place. En 2001, la ville, désireuse de protéger son patrimoine décidera de transférer la citerne de Guido à l'intérieur du patio de la Société argentine des Ecrivains du côté de San Telmo, mais la protestation véhémente des habitants obligera la municipalité à en installer une copie dans la rue d'origine.

Même si ces citernes se font rares, certaines sont encore visibles à Buenos-Aires, comme par exemple au musée Fernandez Blanco, au musée d'Histoire nationale et dans le patio intérieur de la Casa Rosada. On en trouve aussi une à la Casa de Ejercicios Espirituales, un couvent jésuite de Buenos-Aires, et une dernière au patio du Cabildo qui est restée intacte. Enfin, outre la citerne de la rue Guido, le quartier de Recoleta possède deux autres citernes, l'une située dans le Centre culturel, et l'autre dans le patio arrière de l'église del Pilar.

Le clou de la visite de la rue Guido : la luxuriante végétation installée au dernier étage de l'édifice devant lequel se trouve la citerne. Ce paysage boisé perché au septième étage de l'immeuble, qui me sera malheureusement inaccessible, fut sans doute inspiré par le toit-jardin de Le Corbusier.


 

Toujours dans le quartier de Recoleta, le Café Bogota (Montevideo 1300) réserve une surprise à ses visiteurs : une fresque de Marta Minujin, artiste avant-gardiste, figure en effet sur l'un des murs de l'intérieur de l'établissement et offre une histoire étonnante. Minujin, qui, en 2011, consommait une vingtaine de cafés par jour proposa au propriétaire du café de réaliser une fresque murale en échange d'une gratuité à vie de ses cafés. Une fois le marché conclu, une sorte d'esquisse représentant sept profils (quatre de femmes et trois d'hommes) prit place sous des traits de couleurs rouge, violet et noir. L'artiste, toujours en vie, décrivit alors son œuvre comme une seule personne face à elle-même, à l'intérieur d'un monde multidirectionnel et paranoïaque. Cette fresque fait partie d'une série de visages fragmentés , un concept que Marta Minujin développa dès 1986 alors qu'elle travaillait à l'aéroport d'Ezeiza, le jour où le boxeur Carlos Monzon lui demanda un autographe qu'elle peignit sur une assiette faute de disposer d'une feuille de papier. Née à Buenos-Aires en 1943, Marta Minujin est une artiste plasticienne argentine célèbre pour ses œuvres avant-gardistes produites essentiellement dans les années 1960, 1970 et 1980. L'artiste, qui ne manque pas d'humour, réalisa son premier happening parisien, « la destruccion », en 1963, lorsqu'elle brûlera toutes ses œuvres. En 1978, elle créera une réplique de l'Obélisque de Buenos-Aires en pan dulce (sorte de panettone italien façon argentine) d'une hauteur de 36 mètres, dont elle offrit ensuite les brioches au public. En 1981, de passage à Medellin, elle embrasse la statue métallique de Carlos Gardel de 17 mètres de haut. Généreuse, elle acquittera également symboliquement la dette extérieure de son pays en offrant des épis de maïs à Andy Warol dans sa Factory. En 2017, Marta Minujin construira un Parthénon avec 100 000 livres interdits à un moment de l'Histoire, sur la Friedrichsplatz de Cassel (Allemagne) à l'endroit même où les Nazis brûlèrent 2000 ouvrages dans le cadre des autodafés de 1933. Sa plus grande œuvre selon l'artiste. Enfin, le 8 avril 2017, elle paiera la dette extérieure grecque en offrant des olives à un sosie d'Angela Merkel. Un sacré personnage !

 

Le numéro 1445 de l'avenue Santa Fe arbore une plaque métallique indiquant la présence de la boutique de vêtements Kevingston Teatro depuis 2010. Et tous les précédents locataires du lieu de s'être pliés à cette obligation car l'endroit abrita autrefois le théâtre Versalles, jusqu'au coup d'Etat de 1955 qui mit fin au mandat de Juan Domingo Peron ...et à l'activité dudit théâtre (dont la salle, trop associée à l'esthétique péroniste, dut alors fermer ses portes!). L'endroit, rebaptisé La Scala, rouvrit durant les années 1960, sans toutefois utiliser ses guichets. Il s'agissait alors d'une boutique de vêtements féminins qui occupait les derniers rangs de la salle, permettant de conserver intactes les installations d'origine d'un théâtre qui vit défiler sur sa scène des grands noms comme Angel Magana ou Tita Merello.


 

A quelques encablures, sur la même avenue mais au N°1243, se dresse la Maison du Théâtre (ci-dessous), qui a trouvé refuge dans le théâtre Regina. Sur place, on trouve un petit musée consacré à Carlos Gardel, une salle de spectacle et une résidence pour artistes. L'édifice de dix étages fut conçu dans les années 1930 à la demande de la chanteuse lyrique Regina Pacini qui fut l'épouse du président Alvear. Son objectif était alors de créer un lieu pour les artistes retraités sur l'idée de la maison de retraite, La Casa Verdi, fondée par Giuseppe Verdi à Milan (Italie) et destinée à abriter les chanteurs d'opéra à la retraite et dépourvus de moyens financiers. La Casa del Teatro, elle, sera inaugurée en 1938 avec l'arrivée de ses huit premiers pensionnaires. Et ce centre d'héberger une centaine d'hommes et de femmes du spectacle depuis son ouverture, dont certains artistes qui ont fait les beaux jours de la scène argentine.

La résidence en elle-même n'est pas accessible au public contrairement à la bibliothèque et au musée. L'endroit tire ses ressources d'aides financières accordées par la municipalité, divers partenaires et autres acteurs qui apportent aussi leur obole. Les entreprises et les organisateurs d'évènements et de festivals participent enfin à la survie de cette initiative en accordant des dons. Parmi ces évènements, on soulignera l'existence du Marché des artistes (Feria de los Artistas) qui offre aux visiteurs l'opportunité d'acquérir une foule d'objets (costumes, chapeaux, gants, bijoux...) à prix bradés et dont les propriétaires furent les artistes eux-mêmes. Ce marché qui a lieu tous les ans se tient un mois durant entre juillet et août et l'intégralité de ses recettes est versée à la Casa del Teatro.


 

La Maison des Aucha attire quant à elle le regard par sa façade en trompe-l'oeil (en photo ci-dessous) sur la Place Catalunya, formée par Arroyo et Cerrito et voisine de l'ambassade de France. L'arrière de cette demeure est en effet orné d'un trompe-l'oeil imitant à la perfection les fenêtres et la maçonnerie d'un mur mitoyen. La Place Catalunya de Buenos-Aires (contrairement à celle de Barcelone) n'est pas une étape touristique où l'on peut s'attarder mais plutôt un lieu de passage oublié par l'urbanisme. C'est peut être pourquoi l'on chargea le peintre catalan Joseph Niebla de réaliser une illusion d'optique en dotant ce mur de tuiles noires et de lucarnes plus vraies que nature. Le résultat est impressionnant.


 

INFOS PRATIQUES :

  • La citerne de la rue Guido, à l'angle des rues Guido et Uruguay, à Buenos-Aires.
  • Fresque de Marta Minujin, Café Bogota, Montevideo 1300 ( au coin de la rue Juncal), Buenos-Aires. Métro : ligne D (station Callao). Site internet de Marta Minujin : http://www.marta-minujin.com/

  • Vestiges de l'ancien théâtre Versalles, 1445, Avenida Santa Fe, Buenos-Aires. Métro Ligne D (Station Callao)

  • Maison du Théâtre, Santa Fe 1243, Buenos-Aires. Tél : +54 11 4811 7678. Site internet :http://casadelteatro.org.ar/

    Métro ligne D (Tribunales) et C (San Martin).

  • La façade en trompe-l'oeil de la maison des Aucha, Plaza Catalunya (entre Arroyo et Cerrito), Buenos-aires.

 

 



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