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Insolite Buenos-Aires
(9) (Argentine)
Heure locale

 

Lundi 1er avril 2019

 

Me trouvant aujourd'hui à Buenos-Aires (Argentine), je poursuis la découverte de cette capitale portègne insolite et secrète avec l'ancienne ambassade d'Israël (en photo ci-dessous). L'endroit offre une place grise et dépouillée avec 29 prénoms inscrits sur un mur et quelques arbres symbolisant la vie. Là se trouve le mémorial situé à l'emplacement même où se dressa la fameuse ambassade quarante années durant. C'est en effet en 1948 que l'ambassade d'Israël s'installa à Buenos-Aires à l'intérieur d'un luxueux petit hôtel de trois étages situé en plein cœur diplomatique non loin du palais San Martin, siège de la Chancellerie argentine. Cet hôtel appartenait alors à une riche famille, les Mihanovich.

Le siège diplomatique de l'Etat d'Israël était alors situé au croisement des rues Suipacha et Arroyo, et ce, jusqu'en 1992. Tout au moins jusqu'au 17 mars de cette année-là, lorsqu'une voiture piégée fera exploser l'édifice à 14h50 précises, fauchant au passage la vie de 29 personnes et faisant plus de 200 blessés. L'actuelle place Ambassade d'Israël, elle, sera construite par les architectes Gonzalo Navarro, Hugo A. Gutiérrez, Patricio M. Navarro et Hector Farina. Elle est formée de deux grandes plaques entrelacées, l'une en roche de Jérusalem, et l'autre en roche de Patagonie, et bordée d'une rigole. Ces plaques de roche représentent la solidarité entre les communautés juive et non juive face à l'intolérance et à l'incompréhension. Au centre, se dressent deux rangées de tilleuls parfaitement symétriques en hommage aux victimes. Un morceau de béton posé sur le mur latéral porte les noms des victimes décédées lors de l'attentat et un rappel sur cet acte terroriste toujours resté impuni à ce jour, bien qu’Israël aurait tué lui-même la plupart des organisateurs de ces attentats (celui de l'ambassade en 1992 et celui perpétré en 1994 contre la mutuelle juive AMIA) d'après Itzhak Aviran, ex-ambassadeur de l'Etat hébreu en Argentine dans un entretien au journal Le Monde (3 janvier 2014). Un autre témoignage, plus parlant celui-là, se trouve sur la partie haute du mur mitoyen, à savoir le relief de l'ancienne ambassade qui s'élève encore aujourd'hui comme une plaie béante.


 

Dans le quartier du Retiro, et Place du Canada, se dresse un objet insolite : un totem, surnommé de nos jours le totem de Retiro. Cette sculpture fut installée en 1964 sur cette place faisant face au terminal d'autobus de Retiro. L'objet, qui fut offert par l'ambassade du Canada aux autorités de Buenos-Aires, symbolise l'amitié entre les deux pays. Et la ville portègne de rebaptiser en retour ladite place du nom du Canada. Le totem désormais visible n'est pas l'original, trop dégradé au fil du temps par manque d'entretien, mais un nouveau totem, haut de treize mètres (contre plus de 20 mètres pour l'ancienne sculpture) qui fut taillé dans un tronc de bois de cèdre peint, par Stanley Hunt, le fils de l'artiste qui avait réalisé le premier. Ce totem-là, installé en 2012, est orné d'images d'animaux mythologiques du peuple kwakiutl, à savoir le lion de mer, la loutre, l'aigle, la baleine, le castor et un oiseau cannibale, sans oublier l'homme, qui est à l'origine des rites, de la philosophie et des légendes fondamentales de la culture aborigène canadienne. Placée au pied du totem, une plaque offre de lire un extrait du livre de Jorge Luis Borges, Atlas, écrit aux côtés de Maria Kodama : « Notre imagination se complait avec l'idée d'un totem en exil, d'un totem qui représente des mythologies, des tribus et parfois des sacrifices ».

 

Mieux vaut lever la tête pour observer avec attention la tour de l'ancienne compagnie italo-argentine d'électricité. Le sommet de cette tour abrite en effet un cadran solaire dont la présence surprend à l'heure des écrans tactiles et de l'heure digitale. Construite au début du 20è siècle, et située dans la rue Tres Sargentos (passage piétonnier d'une longueur de deux pâtés de maisons seulement!), cette ancienne bâtisse est l'oeuvre de l'architecte italien Juan Chiogna, qui voulut ainsi reproduire le style gothique européen dans les constructions industrielles de Buenos-Aires. On peut encore admirer l'élégance néo-médiévale de la façade de l'édifice de cette compagnie d'électricité qui alimenta en courant électrique et sans grands bouleversements les proches quartiers résidentiels. Quant au cadran solaire, c'est ici l'un des seuls exemplaires encore visibles de cet instrument de mesure du temps existant dans la capitale argentine et encore en bon état. Les autres cadrans, eux, sont en mauvais état par manque d'entretien : celui de la place Lavalle (face au Palais de Tribunales) n'offre plus que son socle en ciment, celui qui faisait partie de la colonne météorologique du jardin botanique a lui aussi été vandalisé tant de fois que la ville a finalement renoncé à le réparer. C'est dommage car le cadran en question donnait non seulement l'heure locale mais également celle de huit autres villes du monde. Enfin, le cadran solaire qui se trouve face au Planétarium est plus moderne, en marbre et en acier inoxydable, et mérite une visite.


 

Au nord de la capitale, un pâté de maisons attire l'oeil avec sa forme en forme de...cercueil. Cette construction se trouve sur l'avenue Cabildo, peu avant General Paz et est due au tracé de la ville au niveau de la jonction de l'avenue San Isidro Labrador avec Cabildo, un tracé plus facilement observable sur un plan. Il s'agit là d'un minuscule espace tout juste assez vaste pour accueillir un local commercial comme l'actuel marchand de pneus qui occupe aujourd'hui l'emplacement. Dans les années 1920, un bar « El Cajon » (la Caisse) s'y était installé, et pour certains, la forme de l'édifice aurait été prémonitoire par rapport à ce qui arrivera au propriétaire de ce bar : celui-ci, surnommé « le revenant » aurait préalablement été déclaré mort alors qu'il ne l'était finalement pas. Notre homme se réveillera en effet à l'intérieur de son cercueil alors qu'on l'emmenait au cimetière de la Chacarita pour regagner sa dernière demeure. Le curé fit ouvrir le cercueil et découvrit l'homme bien vivant qui se trouvait en fait dans un état de catalepsie (perte brutale et ponctuelle de la contraction volontaire des membres). Et l'homme en question de faire plus tard construire ce bar en forme de cercueil , en signe de reconnaissance envers le curé qui l'avait sauvé. Puis de donner au bar le funeste nom de « Cajon » (Caisse). L'histoire de cet établissement, resté depuis dans les annales, est même racontée par Edmundo Rivero, célèbre chanteur de tango argentin, dans son livre « Una luz de almacen » (Une lumière d'épicerie). Le lieu est alors décrit comme une auberge ouverte deux fois par semaine et essentiellement fréquentée par les ouvriers des mines avoisinantes. « El Cajon » était populaire pour ses prix abordables et pour sa poule au pot servie par « le revenant » et sa famille, un havre de paix dans un quartier surtout connu à l'époque pour sa dangerosité, ses tripots et ses maisons closes.

 

Bien en retrait du centre-ville, se dresse encore la cheminée d'aération de Coghlan (en photo ci-dessous), au numéro 2900 de la rue Washington, dans le quartier de Coghlan. Il s'agit là d'une tour de briques qui s'élève comme un second obélisque. Erigée en 1914, elle mesure 35 mètres de haut et appartenait autrefois aux anciens travaux sanitaires de la Nation argentine. Malgré les apparences, cette tour n'est pas une cheminée réelle mais un conduit d'aération pour le deuxième plus grand égout de la ville qui passe sous le quartier de Coghlan. Son style architectural britannique avec ses briques apparentes se retrouve aussi dans les constructions du quartier, comme par exemple l'église San Patricio, les écoles municipales, les bureaux publics ou l'hôpital Pirovano. D'où le souhait de la municipalité de déclarer la zone formée par les rues Tronador, Rivera (qui fut d'ailleurs la première rue pavée de Buenos-Aires en 1907) et Washington (où se trouve la fameuse tour), »aire de protection historique ».


 

INFOS PRATIQUES :

  • Ancienne ambassade d'Israël, Place Ambassade d'Israël, Arroyo 190, à Buenos-Aires. Pour s'y rendre : Métro ligne C (station San Martin)
  • Totem du Retiro, Place Canada (au niveau des avenues Antartida Argentina et San Martin), Quartier du Retiro, à Buenos-Aires. Pour s'y rendre : Métro ligne C (station Retiro). Attention, l'endroit est actuellement difficile d'accès car la zone est en cours de travaux.
  • Cadran solaire de l'ancienne compagnie italo-argentine d'électricité, Tres Sargentos 352, Quartier Retiro, à Buenos-Aires. Pour s'y rendre : Bus 6, 28, 56, 61, 93, 130, 132, 143 et 152

  • Une maison en forme de cercueil, au niveau des avenues Cabildo et Pico, à Buenos-Aires.

  • Tour d'aération de Coghlan, Washington 2900 et Avenue Congreso, à Buenos-Aires. Pour s'y rendre : Ferrocarril Mitre (station Coghlan).





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