Dimanche 19 mai 2019
Je quitte Greytown pour rejoindre Wellington, la capitale du pays, en traversant les montagnes de Remutaka via une route de bonne qualité mais extrêmement sinueuse et étroite par endroits. Mon arrivée à Wellington se passera sans problème mais il sera plus difficile de trouver une place de stationnement pour mon encombrante maison. Et de me rendre au Musée d'histoire de Wellington, qui a l'excellente idée de conter l'épopée de la ville un siècle durant sous la forme d'anecdotes. J'en apprendrai davantage ici qu'au Musée Te Papa Tongarewa pourtant vanté comme l'un des plus hauts lieux culturels de l'île.
Pas de place pour l’égoïsme sur la portion de la Highway 2 entre Featherston et Upper Hutt, qui traverse la chaine montagneuse de Remutaka. La circulation y est dense en ce dimanche matin et il m'arrivera très souvent de me ranger sur la gauche pour laisser filer les voitures qui me suivent. Celles-ci me remercieront par des coups de klaxon. C'est en effet une règle ici que de partager la chaussée le mieux possible car le relief accidenté ne permet pas toujours d'offrir lignes droites et doubles files de circulation. Par contre, des emplacements de dégagement ont été aménagés à intervalles plus ou moins régulier sur ces routes sinueuses. Mieux vaut donc constamment jeter un oeil dans son rétroviseur. Déjà, en 1843, lorsque cet axe avait déjà été jalonné entre la rivière Pakuratahi et Featherston, les pionniers d'alors décrivaient l'endroit comme dangereux, surtout en hiver. La route de Remutaka Hill, comme on la surnomme, fut ouverte en 1856 et facilita grandement le transport de marchandises dans cette région. Et point de bitume en ce temps-là, celui-ci n'arrivant qu'à partir de 1935, sur une portion de deux kilomètres seulement. Aujourd'hui, le col de Remutaka (ci-dessous), situé à 555 mètres au-dessus du niveau de la mer voit passer environ 6700 véhicules chaque jour (voire 14000 les weekend!) dans des conditions de sécurité bien meilleures qu'autrefois, celles-ci ayant nécessité l'excavation de 231000 m3 de rochers de la colline en question pour rendre le site praticable. Depuis l'aire de repos « South Wairarapa », la vue est magnifique. Il est possible d'y stationner sereinement et d'effectuer l'une des randonnées disponibles en montagne. Mais prudence, des panneaux rappellent que la météo peut se détériorer rapidement, y compris en été, avec de fortes pluies, des vents violents et glace et neige en hiver. Sur place, un panneau rappelle aux visiteurs que 30 000 à 35000 soldats de l'infanterie néo-zélandaise effectuèrent à cet endroit la «marche de Rimutaka » en guise d'entrainement, et en 1915, avant de rejoindre les troupes alliées en Europe. La plupart de ces hommes partiront de Featherston et mettront trois jours et deux nuits pour parcourir la distance. Alic Foreman (deuxième photo) sera l'un de ces courageux marcheurs, qui partira ensuite en France pour combattre sur le front. Il perdra la vie lors de la bataille de Bapaume le 26 août 1918 et sera inhumé au cimetière de la colline de Vaulx (Pas de Calais).
Wellington ressemble à tout sauf à ces villes tentaculaires et c'est ce qui fait son charme. Ensuite, les musées y sont gratuits, du moins ceux que je convoiterai : le Musée Te Papa Tongawera et le Musée de Wellington. Le premier se dresse face au port de Lambton et offre de belles expositions où l'on apprend pas grand chose en matière d'histoire. Il s'agit davantage de galeries ludiques pour celles et ceux que ne veulent pas (ou ne savent pas) lire. Dès l'entrée dans ce gigantesque bâtiment, point de bureau d'accueil (celui-ci se trouve au 2è étage, et non au rez-de-chaussée). Ensuite, les expositions sont certes variées mais n'autorisent pas toujours la prise de photos. Ainsi, la galerie « Mana Wherua », magnifiquement réalisée, préserve jalousement ses trésors de l'objectif des photographes. J'y verrai aussi peu de textes. C'est dommage !
N'étant plus un pigeon de l'année, et étant davantage à la recherche de contenu historique plus que d'habillage virtuel, je me rendrai au Musée de Wellington, qui a trouvé refuge à l'intérieur de l'ancien « Bond Store » (ci-dessous) du port. Pas moins de quatre expositions sont offertes au public : le rez-de-chaussée reconstitue les anciens entrepôts du Bond Store (ou Queen's Bond), un bâtiment érigé par Frederick de Jersey Clere en 1890 qui sera tantôt utilisé comme entrepôt douanier (pour retenir les marchandises jusqu'au paiement des taxes), tantôt comme bureaux. Ma visite me conduit ensuite à l'exposition « Telling Tales », qui décrit l'évolution de la ville de Wellington, de 1900 à 2000, au travers d'une centaine d'anecdotes. L'approche me semble suffisamment originale pour vous en raconter quelques-unes : « Faisons de cet endroit la plus belle ville de la colonie » clamait John Aitken, alors Maire de Wellington en 1904. Sous son mandat débuté dès 1899, auront effectivement lieu d'importants travaux (installation du tramway électrique et construction de la mairie). L'inauguration du tunnel Karori en 1901 ouvrira une ère nouvelle pour la ville et ses quartiers excentrés, qui seront désormais reliés grâce au tramway (celui-ci fonctionnera jusqu'en 1954).
En 1913, Wellington connaitra, comme d'autres ports néo-zélandais, huit semaines de grève des dockers, et les violences qui les accompagneront. On se battait alors dans les rues, laissant un temps craindre une guerre civile. Les grévistes les plus radicaux (Red Feds) rejetteront l'arbitrage des Libéraux face aux tentatives orchestrées dans le but de casser le mouvement (on avait remplacé les dockers par des fermiers qu'on avait fait venir de l'extérieur) mais devront finalement plier devant l'intransigeance patronale. Et les leaders syndicaux de prendre plus tard leur revanche à la tête du pays. Les choses étant allées de « pis en pis » avec les dockers, la municipalité d'alors votera en 1919 le « Wellington Milk Supply act » afin de contrôler l'approvisionnement et la distribution du lait. Les élus ayant découvert que durant la guerre, les fermiers avaient trouvé plus rentable de vendre leur beurre à la Grande-Bretagne plutôt que leur lait à la capitale. Et les conditions de transport du lait en question de laisser parfois à désirer, au point de livrer parfois un produit vicié et de contraindre les élus à revoir leur copie. Cela prendra du temps car, jusqu'en 1956, le lait de la capitale sera toujours livré par des chariots tirés par des chevaux. Et cette même année, les camions viendront peu à peu remplacer les pauvres bêtes, mises d'office à la retraite au point de choquer certaines âmes sensibles.
En 1923, Wellington pleurera la disparition d'un de ses enfants et l'une de ses meilleures plumes : Katherine Mansfield (ci-dessus) mourra cette année-là de la tuberculose, en France, et à l'âge de 34 ans. Enfant du pays, elle avait embarqué pour l'Angleterre en 1908 dans l'espoir d'y promouvoir ses écrits « In a German Pension » et « The Garden Party ». Elle parviendra à ses fins en se créant une notoriété mondiale malgré sa courte carrière. Les Kiwis s'en souviennent encore.
En 1928, la capitale néo-zélandaise donnera un écho favorable à la proposition du légendaire aviateur Charles Kingsford Smith de construire un terrain d'aviation sur les dunes de sable de Rongotai. Onze hectares de matériaux seront ainsi déblayés afin de créer le premier aéroport de la ville. La première compagnie nationale, Union Airways of New Zealand ne verra le jour qu'en 1935, mais aucun axe de circulation ne relayant encore Rongotai à Wellington, le terrain sera fermé en 1947. Et l'aéroport le plus proche de se trouver à Paraparaumu, sur la côte de Kapiti. Quant à Wellington, elle devra attendre 1959 pour disposer enfin de sa plate forme aéroportuaire. Incroyable !
Il y a pourtant des domaines où Wellington excellera , comme par exemple l'organisation du centenaire de la signature du Traité de Waitangi, en 1940, qui donnera lieu à une grande exposition, sur 25 hectares, et à Rongotai. On y circulait sur de larges avenues menant à la cour des Pionniers, ou à la cour du Progrès, ou conduisant jusqu'à la Tour Art déco, haute de 60 mètres. La nuit, rues, bassins, fontaines et bâtiments étaient illuminés, laissant un moment inoubliable aux visiteurs.
Nous sommes déjà en 1955, et l'après-guerre a fait place aux Baby boomers. La population locale avait déjà augmenté de moitié depuis 1935, mais les logements se faisaient rares par manque de terrains disponibles. Et le maire de l'époque, de déclarer en 1955 « il faut voir plus haut » (comprenez, construire des immeubles à étages). Et des immeubles de fleurir les années suivantes dans les quartiers de Brooklyn, Mount Victoria, Newtown et Thorndon. Onze ans plus tard, en 1966, surviendra un terrible ouragan qui dévastera les Îles Tokelau, contraignant presque mille insulaires à trouver refuge à Wellington, du côté de The Hutt et de Porirua. Cette immigration, et plus largement celle provenant d'autres îles du Pacifique, sera la bienvenue à un moment où Wellington manquait de bras. Et la capitale de compter aujourd'hui plus de 50000 habitants issus de ces îles (parmi lesquels les Îles Samoa, les Îles Fidgi, les Îles Cook, les Îles Tonga...) qui enrichissent la capitale par leur apport culturel.
La fermeture des débits d'alcool, en vigueur depuis 1918, sera enfin abolie en 1967. Depuis cette date, les assoiffés (hommes et femmes) peuvent désormais boire de l'alcool après 18h00. Ouf ! De même, l'arrivée du premier porte-conteneurs dans le port de Wellington le 19 juin 1971, attirera la foule sur les quais où 10000 résidents viendront regarder le déchargement du « Columbus New-Zealand ». Durant ces années 1970, le Queens Wharf, autrefois port historique, avait perdu de sa superbe, au profit du nouveau terminal de Thorndon, plus adapté au trafic des porte-conteneurs.
Pendant ce temps, les Maoris perdaient leurs terres et une certaine Whina Cooper conduira une marche pour la préservation des territoires autochtones en 1975. Cette marche de plus de 5000 participants débutera dans le Northland pour se terminer à Wellington trente jours plus tard, où une pétition de 60000 signataires sera remise par une délégation au Premier Ministre de l'époque, Bill Rowling, qui promit alors aux marcheurs que leur manifestation ne serait pas vaine. Rassurée par cette vague promesse, Whina Cooper ainsi que les groupes traditionnels (Te Ropu o Te Matakite) s'en retournèrent chez eux tandis que seuls quelques radicaux choisirent de camper sur place. Ce campement sera encore là lors de la défaite travailliste et sera évacué par la police. La justice est souvent longue à la détente et Sir Ralph Love, Maori d'origine et fervent soutien des Travaillistes en savait quelque chose. Notre homme assistera, impuissant, et durant toutes ces années, à l'occupation massive de terres appartenant à des réserves maories, tant par le gouvernement que par les colons eux-mêmes, sans que le justice ne réagisse promptement, tout du moins jusqu'au jugement de 2003, date à laquelle Sir Ralph Love était mort et enterré.
Concédons à Wellington l'arrêt de la destruction systématique des anciens édifices à l'aube du 21è siècle et l'octroi par le conseil municipal d'une enveloppe financière pour restaurer l'édifice de la Old Bank of New Zealand, en 2000, l'un des plus beaux bâtiments du centre-ville. D'autres bâtiments furent également restaurés de la même manière. Ce sera le thème d'un prochain article.
INFOS PRATIQUES :
- Musée Te Papa Tongawera, 55 Cable Street, Te Aro, à Wellington. Ouvert tous les jours de 10h00 à 18h00. Entrée libre. Site internet : https://www.tepapa.govt.nz/
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Wellington Museum, 3, Jervois Quay, Queens Wharf, à Wellington. Tél : 04 472 8904. Ouvert tous les jours de 10h00 à 17h00. Entrée libre. Site internet : https://www.museumswellington.org.nz/wellington-museum/
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Quelques places de parking sont disponibles en surface tout près du Wellington Museum mais prévoir des pièces de monnaie de 2NZ$ pour le parcmètre (4NZ$ l'heure)