Jeudi 19 septembre 2019
Pour cette première découverte de Chambéry, je choisis trois incontournables de ce chef-lieu de la Savoie : sa cathédrale, son château et sa fontaine. Armé d'un simple plan qui m'a été remis par l'hôtel, j'ai du mal à m'orienter. Heureusement, Chambériens et Chambériennes me viendront en aide de manière toujours très sympathique, laissant entrevoir une généreuse tradition d'accueil ancrée au cœur de cette Savoie que je m'apprête à sillonner. Installée dans les Préalpes du Nord, entre les massifs des Bauges (détenteur par ailleurs du fameux label Géoparc délivré par l'UNESCO) et de la Chartreuse, ce chef-lieu de département est appelé la « Cité des ducs » car acquis en 1232 par la maison de Savoie. La ville deviendra ainsi la capitale politique des comtes de Savoie en 1295 à la suite de l'achat du château et de l'établissement officiel du Conseil résident, puis du duché de Savoie de 1416 à 1562 (date de son transfert à Turin).
Ici, tout est Histoire. Ma visite à l'office de tourisme de Chambéry s'avérera fructueuse puisque l'agent d'accueil, manifestement passionnée par son travail et férue d'histoire, m'apprendra bien des choses. Trois lieux incontournables ressortent instantanément : la cathédrale Saint François de Sales, le Château des ducs de Savoie et la Fontaine des Eléphants.
Ma première halte sera pour la cathédrale, édifiée au 15è siècle par les Franciscains. D'abord église, l'endroit ne deviendra cathédrale qu'en 1779, lors de la création de l'évêché de Chambéry. J'avoue être un peu déçu en apercevant cette façade qui manque de majesté lorsqu'on s'attend à une « vraie » cathédrale. Cette apparence s'explique par la modestie naturelle des Franciscains et aussi par l'instabilité offerte par le sous-sol marécageux (qui nécessitera l'installation de 30000 pilotis de mélèze pour soutenir les fondations d'une construction peu élancée). Mais cette première impression sera « trompeuse » et pour cause : l'essentiel, invisible de l'extérieur, se voit à l'intérieur, car l'édifice religieux surprend par sa grandeur et par son style gothique flamboyant très simple. Mieux, ce qui caractérise la cathédrale Saint François de Sales reste avant tout les peintures en trompe l'oeil qui recouvrent ses murs et ses voûtes. Celles-ci furent réalisées en 1834 par un certain Casimir Vicario qui mit en exergue le style gothique troubadour alors très populaire en Savoie. Et la cathédrale d'abriter ainsi le plus grand ensemble de décors peints d'Europe, avec ses 6000 m2 de fresques qui parent les dentelles de pierre et les voûtes de l'édifice.

On doit au duc Charles Félix de Savoie d'avoir fait venir les artistes qui réaliseront ces superbes fresques entre 1810 et 1840. Le choeur, lui, sera décoré en 1809-1810 par le peintre italien Fabrizio Sevesi. Murs et voûtes seront à leur tour revêtus de décors de style gothique de 1834 à 1835 par Casimir Vicario, puis, les gouts changeant au fil du temps imposeront de repeindre le choeur par Bernard Sciolli en 1885, à l'aide cette fois de motifs néo-gothiques tout en recouvrant partiellement le précédent travail de Vicario. Il faudra attendre 1960 pour voir réapparaitre dans le choeur le décor initial du peintre Sevesi. Puis, une restauration de la nef et des chapelles latérales sera entreprise à partir de 1987, grâce aux bons offices de l'atelier parisien Véronique Mourier-Renault, alors chargé de retrouver et de restaurer les peintures en trompe l'oeil de Casimir Vicario dans les chapelles du bas-côté droit. En revanche, on ne conservera que les fresque de la chapelle canoniale exécutées par Sciolli.
A ne pas manquer au passage : l'orgue romantique datant de 1847 et classé monument historique. Il est l'oeuvre du manufacteur Augustin Zeiger , comporte 50 registres parlant sur trois claviers et pédalier et demeure l'un des orgues les plus importants de la région Rhône-Alpes. Enfin, la cathédrale abrite depuis 2010 une réplique du Saint Suaire, qui fut offerte à la ville par l'archevêque de Turin lors du 150 ème anniversaire de la réunion de la Savoie à la France.


Je me rends ensuite au château des ducs de Savoie (ci-dessous) qui abrite à lui seul dix siècles d'histoire. Le premier château-vieux des seigneurs de Chambéry s’éleva dès le 11è siècle autour d'une motte castrale située sur la butte de Montgellaz-Montjay. Il devient plus tard (c'est à dire à partir du 14è siècle) une grande résidence de la maison de Savoie et le siège de l'administration domaniale. Dès 1232, le comte Thomas 1er obtient une partie des droits seigneuriaux sur le bourg et le château-fort, avant que son successeur, Amédée V n'acquiert cette fois la totalité des droits sur la propriété et n'engage d'importants travaux jusqu'en 1320, travaux poursuivis par les comtes suivants, avec entre autres l'érection d'une tour mi-ronde (deuxième photo) par le comte Amédée VIII entre 1398 et 1413. Un ouvrage intégré à l'aile du Conseil général de la Savoie après 1860, et qui renferme un escalier monumental éclairé par de grandes fenêtres à meneaux.
Autre tour, polygonale, mais la plus imposante du château, est celle de la Trésorerie, qui reste mal connue du grand public. Prenant appui sur le mur d'enceinte, elle possède des batteries basses et est liée à l'apparition de l'artillerie vers la fin du 14è siècle. On la surnommera Tour du Trésor car elle abritera chartes, terriers et registres avant d'être rattachée à la Chambre des comptes de Savoie. Son nom actuel date de l'installation en son sein des bureaux de la Trésorerie générale du département en 1726.


La Sainte-Chapelle, elle, sera édifiée entre 1408 et 1430 par les maitres Claus de Werve, Jacques Magnin et Nicolet Robert. Le comte Amédée VIII et son épouse feront appel à des imagiers des cours bourguignonne et flamande pour orner l'ensemble, et des verrières (ci-dessous en photo) seront réalisées en 1413 par le peintre Jehan Coeden, bourgeois de Chambéry. C'est vers 1453-55 que le duc Louis obtiendra de Marguerite de Charny la relique du Saint-Suaire, avant que ne soit instauré un culte public du Saint-Suaire, par bulle pontificale du 26 avril 1506. Et des processions de se dérouler le Vendredi Saint ainsi que le 4 mai de chaque année pour marquer cet évènement. La renommée de la précieuse relique sera aussi entretenue par le pèlerinage auquel participeront de grands personnages comme François 1er, Claude de France, Anne de Bretagne ou le cardinal d'Aragon... Le célèbre Saint-Suaire échappera de justesse à un incendie en 1532 qui laissera toutefois des traces réparées par les clarisses de Chambéry. En 1563, la Cour installera son gouvernement et ses affaires à Turin et le Saint-Suaire sera emprunté par l'archevêque de Milan quinze ans plus tard, contre la volonté des Chambériens. Et le dernier roi d'Italie, Umberto II, alors sur son lit de mort en 1983, de faire don du Saint-Suaire appartenant à la maison de Savoie à l'Eglise. Quant à la Sainte-Chapelle, dédiée à Saint Etienne, elle accueillera mariages princiers et royaux, dont celui de Louis XI.
A retenir surtout qu'il n'est pas possible de visiter le château, la Sainte-Chapelle ou la Tout Trésorerie en visite libre. Vous devrez être accompagné de guides (se renseigner à l'avance auprès de l'office de tourisme).

Mon périple journalier s'arrête enfin à la fontaine des Eléphants. Monument emblématique de Chambéry, cette fontaine fut érigée en 1838 afin de rendre hommage au Général de Boigne (dont la statue figure ci-dessous), grand bienfaiteur envers sa ville natale. Mais pourquoi donc des éléphants ? Enfant du pays, celui qu'on appelait Général comte de Boigne fut un aventurier savoyard qui fit fortune aux Indes. Fils de commerçants bien établis, il entamera tôt une carrière militaire, après avoir suivi une formation au sein de régimes européens puis se mettra au service du Mahadajî Sindhia qui régnait alors sur l'empire marathe (Inde). Et Sindhia de confier au Général de Boigne la création et l'organisation d'une armée de 100 000 hommes d'après le modèle européen. Cette même armée permettra à la Confédération marathe de dominer l'Inde du nord et de rester le dernier Etat autochtone de l'Hindoustan à résister aux Anglais. Homme avisé, Benoit de Boigne exercera également des activités commerciales et administratives, étant titulaire d'un jaghir (fief accordé par un rajah ou un dignitaire indien, à un grand officier ou à une personnalité importante). Notre homme reviendra bientôt en Europe, puis dans sa Savoie natale, cette fois en tant que notable, pour consacrer ses dernières années à des œuvres de bienfaisance au profit de sa bonne ville de Chambéry, jusqu'à son décès en 1830.

Huit années plus tard, on érigera la fontaine des Eléphants (ou Colonne de Boigne) en l'honneur du général comte de Boigne qui fit tant pour Chambéry. Cette fontaine, œuvre du sculpteur grenoblois Victor Sappey, donnera lieu à un concours au cours duquel jusqu'à dix-sept projets verront le jour. Haut de 17,65 mètres et bâti en pierre calcaire de Saint-Sulpice, l'ensemble offre une habile superposition de trois monuments : une fontaine, une colonne et une statue.
Dans son plan, la fontaine présente la croix de Savoie, tandis que quatre éléphants réunis par la croupe et réalisés en fonte de fer jettent l'eau par leurs trompes dans un bassin octogonal. Chaque éléphant porte une tour de combat surmontée d'un bas-relief ou d'une inscription.
Sur ces mêmes éléphants se dresse une colonne symbolisée par le tronc d'un palmier, et coiffée par la statue du général de Boigne. Sa base comporte une grande variété de trophées dont des armes persanes, mogholes ou hindoues, et divers autres objets rappelant les mœurs, les arts et la civilisation des peuples que notre homme combattit ou gouverna.
La statue représente quant à elle le général de Boigne, vêtu de son costume de lieutenant-général de Sa Majesté le roi de Sardaigne. Cette statue en bronze fondue, qui fut fabriquée à Paris dans les ateliers de Charles Crozatier, pèse 750 kg et mesure 2,82 mètres de hauteur.

INFOS PRATIQUES :
- La cathédrale Saint François de Sales est ouverte du lundi au samedi de 8h45 à 12h et de 14h à 18h. Le dimanche, de 9h15 à 12h et de 15h à 20h. Merci d'éviter les visites durant les offices !
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Château des ducs de Savoie : des visites guidées permettent de visiter la porterie, la chambre des comptes, la Sainte-Chapelle et la Tour Trésorerie...Renseignements au 04 79 70 15 94. Par ailleurs des visites libres sont autorisées uniquement dans deux salles, qui abordent respectivement l'histoire du château des origines à nos jours, puis le médaillier de Savoie (collections de monnaies), du mardi au vendredi de 13h30 à 18h00, le samedi et le dimanche, de 10h30 à 18h00. Attention : l'unique accès au château se trouve rue du château
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Office du tourisme de Chambéry, 5bis Place du Palais de Justice, Chambéry, du lundi au samedi de 9h00 à 12h30 et de 14h00 à 18h00. Tél : 04 79 33 42 47. http://www.chambery-tourisme.com