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Costumes traditionnels en Pays de Maurienne
(Musée des Costumes, Arts et Traditions populaires, Saint-Jean-de-Maurienne, Savoie, France)
Heure locale

 

Jeudi 10 octobre 2019

 

Je ne pouvais pas passer à Saint-Jean-de-Maurienne sans m'arrêter au Musée des Costumes, Arts et Traditions populaires de la ville. Le plus compliqué est d'y avoir accès actuellement car celui-ci est fermé hors-saison, excepté pendant les vacances scolaires. L'aide précieuse de l'office du tourisme et de la mairie me sera fort utile pour visiter en VIP ce lieu chargé d'histoire, accompagné de Bénédicte, la guide de la ville qui commentera fort heureusement pour moi cette exposition d'habits n'offrant aucun panneau explicatif. Je vous rassure, la municipalité est en train de travailler sur une refonte de ce musée et offrira très bientôt les informations adéquates. Pour l'heure, la lourde tache me revient d'écrire un article sur ce thème du costume en Maurienne, en partant de rien, ou presque.

 

Pour cette fois, je me concentrerai sur la partie du musée consacrée aux costumes. D'autres salles existent, je les ai vu, concernant les objets du quotidien, l'histoire de la Savoie et l'art religieux. Le costume traditionnel, en Maurienne ou ailleurs, est formé par l'ensemble de vêtements que portaient jadis les populations de chaque pays et de chaque village, avant que le prêt-à-porter n'envahisse les mœurs et ne détruise finalement la richesse costumière, comme en Savoie où chaque village ou groupe de villages des montagnes possédaient un costume avec ses caractéristiques propres. Il s'agissait là de l'identité de ces lieux de vie, et d'une manière de vivre forgée au fil des siècles. La Savoie est l'un des départements français qui possède la plus grande variété de costumes traditionnels reconnus pour leur beauté, leur originalité, leurs couleurs et leur richesse en bijoux, soieries et broderies. Le vêtement lui aussi fait partie intégrante du patrimoine et contribue à conserver la mémoire des villages. Il est par contre difficile de remonter à l'origine des modes et des costumes qui préfigurèrent ceux que nous dénommons costumes traditionnels, même si ceux-ci existaient dès le 18è siècle, que ce soit en Maurienne, en Tarentaise ou dans d'autres vallées (Val d'Arly, Beaufortain). A côté des costumes princiers, des nobles et des bourgeois, les vêtements populaires anciens avaient également leur place.

 

Le vêtement aux modes gauloise et romaine dura presque mille ans, puis survint l'allongement des robes pour les femmes au 12è siècle. Et la façon de s'habiller, en constante évolution, de dépendre du contexte local, des époques et des endroits, des conditions économiques du moment, du degré d'évolution de la technique et des péripéties historiques (invasions et occupations).

La laine et le chanvre étaient les principales matières premières servant à la confection des costumes anciens. Pour cette raison, chaque commune de montagne possédait son élevage de moutons et pratiquait la culture du chanvre. Et le tisserand d'être dans le village même ou de venir d'un autre patelin. La rareté des étoffes dans les montagnes, conjuguée à la pauvreté des habitants obligeait même les plus démunis à s'habiller en peaux de bêtes. Le 14è siècle apportera des progrès notables en matière de métiers à tisser et de rouets à filer la laine. Plus tard, au 15è siècle, le phénomène de l'émigration temporaire vers les grandes villes françaises, l'intensification des échanges commerciaux entre pays d'Europe et l'apparition de produits manufacturés meilleur marché rendront possible le choix d'étoffes nouvelles, modifiant au passage la confection des costumes. Cela sera surtout notable dans le choix des tissus de la robe et dans la confection des coiffes. On abandonnera ainsi la coiffe blanche (Montricher) ou on remplacera celle-ci par un bonnet rond (canton de Saint-Michel) à quelques exceptions près. D'autres villages (Albanne, Albize le Jeune, Montdenis) conserveront leurs coiffes d'origine tout en la mettant au goût du jour pour un entretien facilité.

Les hommes, eux, ne possédaient pas réellement de costume traditionnel lorsqu'ils vivaient à la campagne. Ils se protégeaient du froid hivernal grâce à des « chausses « (sorte de caleçon recouvrant pied et jambe), revêtant aussi une chemise, une blouse grossière, et enfilant des « socques » à semelle de bois pour marcher. Quant aux femmes, elles portaIent aussi une chemise, une robe longue (cotte), des « bas-de-chausses » et une coiffe sur leurs cheveux tressés. Le tablier utilitaire fait ensuite son apparition au 15è siècle chez la femme, pour laquelle on assiste à l'apparition, dans de nombreux villages , de couturières locales qui taillent chemises et robes.

De son côté, Amédée VIII, duc de Savoie, avait établi en 1430 des lois somptuaires qui réglaient les costumes de toutes les classes sociales mais aussi les dépenses des mariages et des festins, des inhumations et des deuils. Les paysans ne pouvaient se vêtir mieux qu'un artisan, et les artisans devaient s'habiller plus simplement que marchands et bourgeois. Ces lois somptuaires faisaient suite à un certain dévergondage observé chez certains princes qui portaient des pièces de vêtements trop excentriques, d'où la réaction du duc de Savoie Emmanuel Philibert qui interdira aux gens du peuple de porter soie et drap de couleur pour privilégier la simple bure ou le drap de pays sans teinture. Nous sommes alors en 1561.

 

Le 17è siècle sera essentiellement celui de la couleur car jusque là, laine, chanvre et lin n'offraient que leur attrait naturel. L'apparition de la teinture constituera une formidable avancée avec d'abord des couleurs noire, bleue, puis bleu-violet. Les femmes portaient une « gorgière » ou « collet » orné parfois de dentelles, et un tablier appelé « foudar » ou « devantier » en toile grossière. Les coiffes occupent alors une place de choix et sont en tissu de chanvre, ou en drap. Cette coiffe de toile est portée dans toutes les vallées, avec quelques distinctions ici et là comme en Haute-Tarentaise où l'on note parfois l'existence de coiffes appelées « frontières » avec rubans et « cornettes » de satin. En Haute-Maurienne, on trouve des « tuailles » ou des « barbettes », ces genres de coiffures en vogue dans les villes aux 16è et 17è siècles présentant des similitudes avec les coiffes frontières précédemment citées.

Au 18è siècle, les contrats de mariage ne donnent pas tant le descriptif des costumes que la matière, le nombre, l'usure, la couleur, le tissu et même quelquefois l'usage de ceux-ci. On cherche avant tout à déterminer la valeur marchande de l'objet. On suppose ainsi une certaine uniformité dans les vêtements féminins d'alors à la campagne, contrairement aux bourgeoises et aux nobles qui disposaient d'un grand nombre de toilettes. Et la coiffe de rester encore un bon indicateur dans ce domaine. Ce siècle reste celui des parures avec la généralisation du mouchoir de cou ou « châle », des dentelles, des rubans divers, broderies et bijoux, en ce qui concerne les costumes de fêtes. Teintures et tissus sont de bien meilleures qualités et le bleu, noir et rouge deviennent des couleurs à la mode. Les rubans participent également à la décoration de l'ensemble, à un moment où vont naitre les costumes traditionnels pour se développer au 19è siècle avec des spécificités propres à chaque village ou canton.

Diversité et originalité seront le maitre-mot en ce 19è siècle. Un curé du Val d'Arly n'avait -il pas noté que les femmes étaient « paysannes la semaine...et princesses le dimanche » ? On tentait en effet de se distinguer ce jour-là par de jolis atours : les coiffes évoluent de façon notable après 1840 avec des ornements plus riches et colorés. Entièrement blanche au début du siècle, la coiffe de Moûtiers (et celle d'Alberville) s'orne d'une dentelle plus ou moins importante autour du visage. Du côté de la Haute-Maurienne et dans quelques villages de Moyenne Maurienne, on adopte la coiffe noire tuyautée, la « berette ». Puis, après 1860, apparaît la mode des bonnets ronds, puis des bonnets montés pour les citadines. Ceux de Tignes et du Val d'Isère sont les plus significatifs, de forme triangulaire et à trois pointes. A Saint-Martin-de-Belleville, on conserve en revanche la coiffe à une seule dentelle à l'avant, alors qu'en Basse Maurienne et dans certains village, on adopte le bonnet rond. Quant aux bijoux, ils constituèrent les parures ayant le plus marqué ce siècle, avec plusieurs croix (croix Jeannette, la plus courante, croix trèfle de Saint-Maurice, croix bâton, croix à l'Os en Haute Maurienne), des broches et des sautoirs en or...

 

La Belle époque donnera toute sa splendeur aux costumes locaux, avec, dans certains villages, des exubérances de couleurs et abondance de soies dans les tabliers, les châles, les ceintures et les rubans, sans oublier une grande variété de bijoux et de clinquants, surtout dans les villages de Basse Maurienne où les femmes opteront pour le bonnet rond et abandonneront rapidement le costume traditionnel. La guerre 14-18 sera déterminante dans l'abandon rapide de ce costume dans les villages de montagne, là où, dans certaines communes, le nombre élevé de décès parmi les hommes imposera le port du deuil. Et les veuves de porter alors des couleurs plus sombres comme en Haute-Maurienne. L'essor de la société industrielle, l'abandon de l'agriculture, l'émigration de la population rurale vers les villes et la baisse de la pratique religieuse ainsi que l'évolution des mœurs feront le reste. Quant au premier conflit mondial, il marquera le début d'un changement de mentalité et de comportement des habitants des vallées.

Terminons cette approche du costume traditionnel avec les vêtements masculins qui ne présentent pas autant d'intérêt, les hommes n'ayant pas développé comme ces dames de spécificité villageoise. Certes, selon les siècles, le paysan savoyard sera de mieux en mieux vêtu, en portant, selon ses moyens des habits de fête qu'il transmettra à ses fils. Taillés dans du drap aux couleurs naturelles avant la Révolution, ces vêtements étaient constitués d'une veste ample et longue, sans col et à manches étroites. Selon les régions, l'homme portait aussi un gilet assez long avec boutons et ornementation. En Tarentaise et en Haute Maurienne, les couleurs dominantes étaient le bleu et le brun, tandis que la veste blanche écrue s'imposait en Basse Maurienne. Les culottes (haut de chausses) s'arrêtaient aux mollets et étaient enfilées dans des longs « bas de chausses ». L'hiver, pour se protéger de la neige, on entourait les jambes de guêtres. Cet accoutrement sera peu à peu remplacé par le pantalon dès le début du 19è siècle. Quant à la longue chemise, elle était portée à même la peau. Côté coiffure, ces messieurs se coiffaient avec les cheveux longs nattés (cadenette) dans le dos et un chapeau tricorne, ou un bonnet de laine durant la semaine, et ce, dès le début du 19è siècle. Ce chapeau évoluera ensuite jusqu'à devenir le chapeau de feutre que nous connaissons, puis viendra la mode du béret, un emprunt fait aux Chasseurs Alpins.

Le gilet « maille », différent selon les villages, reste cependant l'élément le plus significatif de ce costume masculin : en Haute Tarentaise, le gilet habillé était taillé dans une toile imprimée de couleurs vives, et était orné de deux rangées de boutons, tandis que dans le Val d'Arly, la maille n'apparaitra que fin 19è-début 20è siècle. Elle sera de couleur écrue, tricotée et garnie de broderies, de bordures de laine marron et de nombreux boutons de nacre. Dis-moi ce que tu portes et je te dirai qui tu es...

 

INFOS PRATIQUES :

  • Musée des Costumes, Arts et Traditions populaires, Palais Episcopal, Place de la Cathédrale, à Saint-Jean-de-Maurienne. Tél : 04 79 83 51 51. Entrée gratuite pour les individuels.
  • Remerciements à Bénédicte Viallet, guide de la ville de Saint-Jean-de-Maurienne et à Laurent Pavis, directeur des services de la DESCA, pour leur aimable collaboration.

  • Un ouvrage prolonge cet exposé sur le costume de Maurienne : « Maurienne d'hier et d'aujourd'hui-Costumes et coutumes (1980) de Daniel Déquier.

 





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