Mardi 6 avril 2021
Voici une exposition qui, s'il en est besoin, réconciliera les Français avec leur Histoire. En ces temps incertains, il est bon de rappeler que la France eut à sa tête de grands hommes : Napoléon en fit partie et la Grande Halle de la Villette (Paris 19è) a le mérite de consacrer à l'empereur des Français une exposition mettant en scène l'invraisemblable destin d'un personnage complexe, brillant conquérant, qui fut à la fois admiré et controversé, victorieux et défait, héroïque et tragique, cette année même où nous célébrons le bicentenaire de sa mort. Et cet événement de rappeler aux patriotes (et aux autres) ses legs politiques et culturels qui ont durablement marqué certains pays, dont le nôtre, mais aussi les erreurs qu'il a commises.
Vaste entreprise que cette exposition compte tenu de la richesse du sujet : celle-ci s'articule autour de neuf parties et a reçu le concours de plusieurs partenaires dont les musées nationaux, le Grand Palais, le musée de l'Armée, le musée du Louvre, le Mobilier national, la Fondation Napoléon, et autres musées nationaux (Fontainebleau, Malmaison et Bois-Préau, Château de Versailles et de Trianon).
Des invités prestigieux prêtent également leur témoignage pour l'occasion tandis que des reconstitutions spectaculaires évoquent les arts et la vie d'une époque de cour qui ne dura que quinze années mais qui marqua durablement les arts décoratifs. Ainsi le visiteur est-il convié, à la suite de la campagne d'Egypte, à contempler meubles et objets d'art créés dans l'esprit égyptien, avant de découvrir un salon montrant l'évolution du style à l'apogée de l'Empire. Plus loin, une salle du trône côtoie une table dressée avec les plus riches productions voisinant avec vêtements de cour, armes de luxe, décorations, porcelaines de Sèvres, pièces d'orfèvrerie ainsi qu'une monumentale voiture commandée pour son mariage avec Marie-Louise et ...le plus modeste char funèbre qui fut utilisé pour ses obsèques à Sainte-Hélène.
L'endroit offre bien sûr d'admirer des objets personnels de l'empereur et sa célèbre tente de campagne garnie de son mobilier d'origine. La guerre est représentée par un canon, un caisson à munitions, plusieurs mannequins et la projection sur écran géant d'une des plus fameuses charges de cavalerie de l'histoire de France, celle de la bataille d'Eylau. Enfin, de nombreuses autres sculptures et des tableaux (réalisés par les plus grands peintres de l'époque, dont David, Gros et Girard) complètent cette scénographie.
C'est en décembre 1778 que Napoléon quitte la Corse pour se rendre au collège d'Autun (Bourgogne), établissement placé sous l'autorité de l'évêque Alexandre Marbeuf (neveu du gouverneur de la Corse), où l'enfant passera quatre mois à attendre son affectation dans une école formant les fils de gentilshommes aux métiers des armes. De caractère réservé, le jeune Napoléon rejoindra finalement l'école de Brienne au mois de mai 1779 et souffrira des moqueries de ses camarades dues à son accent corse. Eloigné de sa terre natale, ces années seront une épreuve pour ce petit garçon qui s'accrochera malgré tout, travaillant, lisant et apprenant sans relâche, tout en faisant preuve d'une assurance déconcertante face au mépris affiché à son égard par ses camarades. Ces premières années de vie dans l'hexagone sont celles durant lesquelles le futur empereur entreprendra de forger son caractère fait de labeur et de détermination, qui se transformera plus tard en une extraordinaire énergie au service de son ambition. Né à Ajaccio le 15 août 1769, et deuxième fils d'une famille de huit progénitures, l'enfant a de qui tenir. Le père, Charles Bonaparte, descendant de la noblesse toscane, se battra sans relâche pour offrir les meilleures chances de réussite à ses enfants, et son amitié envers le comte de Marbeuf (alors représentant du roi de France en Corse) lui permettra de décrocher une bourse pour envoyer Napoléon et Joseph (le frère ainé) étudier dans les écoles du roi en France.
Ce 15 mai 1779, on imagine le jeune élève Napoleone di Buonaparte, qui n'a pas encore atteint ses dix ans révolus, pénétrer, impressionné, au collège militaire de Brienne au milieu de cette Champagne aux paysages si différents. L'école est récente mais il n'est pourtant pas facile d'y entrer et Charles, le père, aura du longuement échanger avec les autorités militaires tout en faisant valoir ses quartiers de noblesse pour parvenir à faire inscrire son fils dans l'établissement.
Plutôt timide, et ne maitrisant pas la langue française avec autant d'aisance que ses camarades, Napoléon se réfugie dans les livres. Souvent raillé par les autres à cause de son accent, il se défend et écope parfois d'une punition exemplaire. Mais son caractère endurci et son acharnement dans les études révèleront chez lui des prédispositions intellectuelles et des aptitudes au commandement : travailleur acharné, il peut alors passer des heures à étudier d'arrache-pied sans rechigner.
La deuxième partie de l'exposition aborde la carrière de Napoléon comme soldat de la Révolution (1795-1799) : comme pour beaucoup d'autres officiers, notre homme profitera du contexte de la Révolution française pour effectuer une carrière remarquable, au gré des démissions et des renvois des aristocrates de l'armée, dont les postes devenus vacants étaient pris par de jeunes généraux. Napoléon devient ainsi général de brigade à seulement 24 ans, à l'issue du siège de Toulon occupé par les Anglais. Il se fait remarquer en 1795 par le Directoire alors qu'il parvient à disperser les émeutiers et à sauver la République. Pour le récompenser, on lui confie le commandement de l'armée d'Italie. Depuis 1793, la République française subit les monarchies européennes coalisées et combat les Autrichiens au nord de l'Italie. L'armée d'Italie, dont il prend la tête en 1796, est mal équipée et manque de chevaux et de canons. Qu'à cela ne tienne, il remporte des victoires (batailles d'Arcole et de Rivoli) grâce à sa bravoure et à sa proximité avec ses hommes. Et sa réputation de grandir au point de devenir l'un des généraux les plus célèbres de la Révolution et de se voir confier cette fois l'armée d'Orient.
En 1798,Bonaparte part pour l'Egypte avec 40000 hommes. Sa mission est alors de couper la route commerciale des Indes aux Anglais, ces ennemis jurés de la jeune République française. Sur son chemin, il prend l'Île de Malte, début juin, remporte plusieurs batailles (dont celle des Pyramides), s'installe au Caire, mais se heurte aux Mamelouks du sultan Murad Bey, allié des Anglais. A partir de cet instant, le général devient malchanceux : son armée est décimée par la peste et la flotte française est détruite par l'amiral anglais Nelson durant la bataille d'Aboukir des 1er et 2 août. Le futur empereur des Français décide alors de rentrer en France à l'issue d'une nouvelle campagne en Syrie. Cette campagne d'Egypte reste somme toute fructueuse car 170 savants furent du voyage et rapportèrent avec eux objets égyptiens, croquis et relevés dont on tirera un ouvrage fondateur « La Description de l'Egypte ». Et les Français de se passionner pour ces découvertes et stimuler l'égyptomanie.
Le destin du jeune général prendra forme lors de la Convention un temps menacée par les Royalistes et qu'il parviendra à sauver. Devenu commandant de la Division militaire de Paris, l'homme découvre le luxe, loge Place Vendôme et fait l'apprentissage du monde. Ainsi rencontre t-il Rose de Beauharnais (Joséphine) tout en gardant les pieds sur terre: faisant montre de son autorité face à ses soldats, Bonaparte veut vaincre, toujours et encore. Après l'Italie, il règle son compte à l'Autriche, puis est envoyé en Egypte, pays qu'il tente de réformer sans heurter les convictions religieuses, accordant des intérêts contraires et conciliant tradition et modernité sans jamais parvenir à conquérir les esprits. Son départ d'Egypte coïncide avec la reprise de la guerre contre l'Autriche. L'avenir s'annonce prometteur.
Partons maintenant à la découverte du Sauveur de la République, qui modernise la France, de 1799 à 1804. Plus audacieux que jamais, Napoléon prend en effet le pouvoir à la faveur du coup d'Etat dit du 18 Brumaire (9 et 10 novembre 1799) et devient Premier consul pour dix ans. Et de lancer une politique de rassemblement sans précédent depuis le début de la Révolution française, en graciant des prisonniers politiques, en autorisant des émigrés à rentrer en France, en créant la Légion d'honneur et en signant un concordat avec le pape pour pacifier les relations avec le Vatican. Napoléon Bonaparte veut clairement gouverner au-dessus des factions et des partis et met pour cela en place un consulat qui préfigure la France moderne (création de la Banque de France, de la préfectorale, du Code civil, des lycées, du Conseil d'Etat, unification des poids et mesures...)
Bonaparte s'affirme en tant que chef d'Etat et chef de guerre au point d'entretenir la confusion entre pouvoirs civil et militaire. Ainsi la bataille de Marengo témoignera t-elle de la pugnacité de l'homme, de son refus de s'avouer vaincu et de reprendre l'avantage. Plus populaire que jamais, le Premier consul signera même le traité d'Amiens, en mars 1802, avec les Anglais, réinstaurant ainsi une pause dans l'affrontement entre les deux pays depuis la Révolution. Et l'homme de devenir consul à vie en mai de cette même année.
Bonaparte n'est pas du genre à confisquer le pouvoir pour ensuite végéter.Tout le monde ou presque se souvient des principales institutions que le Premier consul mit en place dès les premières semaines de gouvernance. Il créa préfets, sous-préfets, maires et conseils généraux pour en faire la colonne vertébrale de l'Etat organisé centralisé et pyramidal qu'il appelait de ses vœux. La grande loi d'organisation des circonscriptions administratives fera date puisqu'elle existe encore aujourd'hui. La France fut divisée en départements, arrondissements et communes, et chaque circonscription fut dotée d'un exécutif et d'une assemblée délibérante. D'où cette phrase restée célèbre d'Emmanuel Sieyès : « Délibérer est le fait de plusieurs, exécuter est le fait d'un seul ». Le département deviendra la circonscription locale de référence et son chef-lieu accueillera les services de l'Etat (perception des impôts directs, enregistrement et domaines, conservation des hypothèques ou des forêts, postes, droits réunis (impôts indirects), régie des sels et des tabacs, police) tandis que la gendarmerie et l'armée règneront encore sur plusieurs départements. Loin de se replier sur lui-même, l'Empire français comptera jusqu'à 134 départements en 1812.
Chaque département avait à sa tête un préfet dont la mission était de représenter le gouvernement sur le terrain, et de gérer l'administration. Celui-ci dirigeait les services publics, était responsable de l'application des lois et des règlements, ordonnançait les dépenses, surveillait la perception de l'impôt et les levées de troupes (il disposait d'ailleurs de la police et de l'armée lorsque nécessaire). Représentant l'Etat en justice, il était aussi le représentant du département. Cette réorganisation, l'Ancien Régime l'avait un temps envisagé sans toutefois passer à l'acte. Reste une ombre au tableau : le rétablissement de l'esclavage par le consulat de Napoleon en 1802 (celui-ci avait été aboli par la Convention en 1794) peut surprendre et un court métrage explique et contextualise cet épisode tragique.
Qui dit Empereur signifie sacre et faste de cour. Les dernières années du consulat ressemblent beaucoup à un régime républicain,et Napoléon de franchir une nouvelle étape en matière d'exécutif en se faisant sacrer empereur. Deux raisons expliquent ce geste : d'abord, l'homme souhaite ainsi se distinguer des rois, ensuite, il agit dans la continuité car le royaume de France était déjà qualifié d'empire » depuis le 16è siècle.
Le Sénat proclame ainsi Napoléon Bonaparte empereur des Français le 18 mai 1804, initiative plébiscitée par le peuple dans le courant de l'été. La Constitution républicaine, elle, est maintenue, tout comme les assemblées législatives.Cette transition constitutionnelle irréprochable sera en revanche ternie par la négligence des libertés puis par l'instauration d'un régime autoritaire à partir de 1810.
Le sacre de Napoléon a lieu le 2 décembre 1804 en la cathédrale Notre-Dame de Paris. Une cérémonie fastueuse adossée à un protocole, une étiquette et des symboles révélateurs du nouveau régime. On fait référence à Charlemagne, l'un des derniers empereurs d'Occident, puis à Saint Louis, protecteur de la dynastie des Bourbons, et enfin à la République. Cependant, le symbole le plus important est sans doute la présence du pape Pie VII, après des années de lutte entre la Révolution et le Vatican, sous la bénédiction duquel Napoléon placera son règne...tout en se couronnant lui-même afin de rappeler que le (vrai) pouvoir émane de la volonté du peuple.
L'empereur, désireux de faire de notre pays la vitrine de l'Europe, fera de sa cour la plus luxueuse de l'époque, même si l'homme n'est adepte ni du faste ni du raffinement. Et de réaménager les palais vidés durant la Révolution, en se référant aux anciennes manufactures royales (les Gobelins, la Savonnerie ou Sèvres). Quant aux artisans, ils vendent leurs produits aux pays alliés ou soumis à la France. Du bon goût de l'empereur naitra le style Empire bientôt imposé en Europe comme une référence obligée.
La salle suivante aborde Napoléon et les femmes : nous l'avons vu plus haut, l'homme épouse Joséphine juste avant de prendre la tête de l'armée d'Italie, en mars 1796. Joséphine sera sans conteste la personne avec laquelle l'empereur entretiendra des rapports intimes, francs et durables. Malheureusement, faute de pouvoir avoir un enfant d'elle, Napoléon finira par céder à la raison d'Etat pour des problèmes de succession et « divorcera » de Joséphine en décembre 1809, tout en témoignant à celle qui restera à jamais sa confidente les plus grands égards. Faute de ne plus être Impératrice régnante, Joséphine recevra en cadeau de Napoléon le domaine de Malmaison, celui de Navarre (près d’Évreux), l'affectation du palais de l'Elysée pour ses séjours parisiens, et conservera son titre et toutes les attentions de l'empereur, comme par exemple l'octroi d'une pension annuelle de trois millions.
Marie Joseph Rose de Tascher de la Pagerie, plus connue sous le nom de Joséphine, nait à la Martinique en 1763. Après avoir passé ses seize premières années sur son île, elle arrive en France en 1779 pour épouser le vicomte Alexandre de Beauharnais, union de courte durée puisqu'elle aboutira à une séparation du couple en 1785, après que Joséphine ait donné naissance à deux enfants. Egérie de la nouvelle société thermidorienne, la future impératrice rencontre plus tard le jeune général corse, lequel change aussitôt le prénom de la belle, Rose, en féminisant celui de Joseph, d'où... Joséphine. La jeune femme est amusée par Napoléon Bonaparte, qui est plus jeune qu'elle tandis que le jeune général la croit très riche. Elle trouvera en lui un protecteur, et lui, fréquente une femme influente qui contribuera à lui ouvrir bien des portes. Chose inattendue, cette rencontre se transforme en coup de foudre car Napoléon tombe follement amoureux de cette dame pourtant plus âgée que lui. Une fois mariée, Joséphine fera l'apprentissage de son nouveau statut de « Première Dame »en s'investissant dans de multiples tâches et en jouant de son influence, notamment auprès d'une grande partie de la noblesse d'Ancien Régime qui ralliera Bonaparte le moment venu. Devenue impératrice le 18 mai 1804, c'est avec une aisance déconcertante qu'elle se glissera dans ses nouveaux habits impériaux. Et d'effectuer de fréquents voyages avec ou sans l'empereur, tout en plaçant peintres et sculpteurs sous son aile. Seule ombre au tableau, son impossibilité de donner un enfant à Bonaparte, ce qui conduira à la séparation du couple par consentement mutuel (fait alors unique dans notre pays) en 1809. On retiendra surtout cet amour éternel qui liera ces deux êtres à jamais. Respectée de tous, Joséphine « sera la grâce personnifiée « et aura été « une vraie femme», aux dires de Napoléon à Sainte-Hélène.
En second mariage, l'empereur choisira Marie-Louise, fille de l'empereur François d'Autriche. De cette union naitra un fils, qui échappera de peu à la mort le jour de sa naissance, puis deviendra roi de Rome avant de terminer ses jours piteusement après la chute de Napoléon, à la cour de son grand-père, à Vienne. L'empereur connaitra un troisième grand amour en la personne de Marie Walewska,comtesse polonaise qui lui donnera un fils, Alexandre, comte Walewski.
Les femmes sous le Consulat et l'Empire sont le plus souvent boudées dans les études de la Révolution et ne semblent appartenir à aucune époque.Celles-ci seraient réduites à jouer le rôle de figurantes, jusqu'à ce que le siècle ne les assujettisse à la cellule familiale. Le bonheur matrimonial devient alors une ambition.
Intéressons-nous maintenant au chef de guerre. En tant que Premier Consul, puis plus tard comme Empereur des Français, Napoléon dirige le pays tout en commandant l'armée qu'il peut équiper, organiser et entrainer comme bon lui semble pour conduire la guerre à sa guise. Et de déterminer ses objectifs militaires en fonction des buts politiques poursuivis tout en concentrant conduite des opérations et diplomatie. Sur les champs de bataille, c'est lui qui dirige l'armée, en tant que stratège exceptionnel, d'où ces nombreuses victoires lors du Premier Empire : Ulm et Austerlitz en 1805, Iéna en 1806, Friedland en 1807 et Wagram en 1809. L'homme déploie sur le terrain des talents de tacticien hors-pair en conduisant des batailles préalablement préparées et coordonnées. L'Autriche, la Prusse et la Russie sont ainsi vaincues et contraintes de signer la paix, comme à Presbourg (1805), Tilsit (1807 et Schönbrunn (1809). Ces succès sont aussi rendus possibles grâce au dévouement de ses soldats qui payent un lourd tribu à la guerre, victimes des combats, des maladies et de conditions de vie très éprouvantes.
L'argent faisant défaut dans la seconde moitié du 18è siècle, la France s'achemina vers la Révolution puis la faillite, double effondrement qui fut déterminant dans l'histoire de Napoléon Bonaparte. La campagne d'Italie fut décidée afin d'y conduire des opérations militaires mais aussi pour faire main basse sur ses trésors, de l'or des églises aux espèces des municipalités. Et les convois d'or de faire route vers Paris pour le plus grand bonheur du peuple français. De même Napoléon veillera à ce que ses hommes décrochent la part de leur butin, d'où ce lien très fort entre Napoléon et ses soldats. Après 1805, le financement de la guerre évolue : en étendant son influence sur l'Europe, Napoléon rend son régime plus indépendant en matière financière, et évite le recours aux banquiers (tout le contraire de ce qui se fait aujourd'hui) et gardant ses distances avec les financiers suspects. Et de déclarer : « Vous devez avoir pour principe que la guerre doit nourrir la guerre... ».
Premiers conflits de masse, les guerres napoléoniennes mobiliseront des centaines des milliers de jeunes hommes jetés du jour au lendemain sur les routes de l'Europe.Tous ne rêvaient pas d'avancement, de gloire et d'honneurs et beaucoup souffriront d'une vie quotidienne faite d'obéissance et de résignation. Armés, équipés et formés sommairement aux arts de la guerre, ces jeunes soldats devaient s'adapter entre marches et bivouacs quotidiens tout en devant se tenir prêt au combat. La guerre napoléonienne qui était basée sur la mobilité et la rapidité des troupes imposait aux hommes des marches forcées difficiles, avec sur le dos un paquetage d'une trentaine de kilos. Les godillots (chaussures) n'existaient qu'en trois tailles et ne résistaient pas toujours à la rudesse du terrain, imposant à certains conscrits de poursuivre la guerre en sabots ou...pieds nus. Malgré tout, ces courageux soldats avancèrent tantôt sous la pluie, le soleil ou la neige, parcourant à pied ou à cheval plusieurs dizaines de milliers de kilomètres à travers l'Europe. Ces étapes longues se traduisaient parfois par des fractures de fatigue des métatarses (fracture du conscrit) tandis que l'épuisement entrainait certains à déserter leur régiment (des milliers de soldats désertèrent ainsi les rangs de l'armée en Russie) temporairement ou définitivement. A peine imaginables aujourd'hui, ces conditions de vie d'alors pouvaient priver les soldats de toilette des semaines durant, les laissant à la merci de puces et de poux, voire de fièvres typhoïdes.
Napoléon se considère comme un chef de guerre et en occupe toutes les prérogatives : avant chaque campagne, l'homme arrête ses objectifs, détermine les moyens humains et matériels nécessaires à leur réalisation puis transmet ses ordres à son armée (une armée dont la structure de commandement est organisée de manière pyramidale). Il peut compter sur la bravoure, le charisme et la compétence de ses officiers auxquels il confie des missions adaptées à leur sens tactique. Lors des campagnes militaires, il prend place à bord d'une berline aménagée pour dormir, lire et travailler. De temps à autre, il visite ses troupes, allant parfois jusqu'à partager avec elles ses repas. Durant les haltes, sa demeure consiste en une grande tente équipé des commodités nécessaires. Là, il travaille pendant des heures en étudiant notamment le théâtre des opérations militaires, les rapports de ses officiers et les courriers quotidiens qui lui parviennent depuis Paris.
L'armée napoléonienne est évolutive et pas uniforme : formée d'unités d'infanterie, de cavalerie, d'artillerie et du génie, elle affecte à chaque unité une fonction et une position précises durant la bataille et dans la hiérarchie militaire. Et Napoléon de combiner l'ensemble des unités afin d'utiliser la meilleure stratégie sur le champ de bataille. En termes d'effectifs, l'Empereur disposera de la plus importante armée d'Europe (de 150000 à 700000 hommes) entre 1805 et 1812.
Napoléon et l'Europe, c'est une autre histoire car celui que l'on dépeint parfois sous les traits caricaturaux d'un « ogre corse » conquerra l'Europe par des batailles décisives, soumettant ainsi l'Autriche (en 1806), la Prusse (1807) et la Russie. Une fois maitre du continent, il met en place ses sœurs et ses frères ainsi que le fils de Joséphine, même si ces représentants de « famille » n'occupent jamais qu'un rôle de « super-préfet ». Mais, avec le temps, l'Empereur ne pourra empêcher que ne se développe ici et là un ressentiment qui se retournera contre lui au moindre signe de faiblesse. Chez Napoléon, la famille, c'est important et notre homme imagine le « système Napoléon » qui consiste à placer ses proches à la tête d'Etats stratégiques tout en laissant en place les différents monarques avec un rôle limité par la centralisation impériale. Usant de brimades, d'ordres et de contre-ordres envers ses super-préfets, l'Empereur, trop sûr de, lui pense dominer l'Europe une fois pour toutes. Et d'imposer un blocus total aux Alliés de l'Angleterre afin d'asphyxier économiquement les Britanniques avec le temps. Le moment venu, l'humiliation infligée à l'adversaire se paiera au prix fort comme en 1815, lorsque les Alliés chercheront à punir financièrement notre pays lors de la campagne des Cent-Jours (du 20 mars au 28 juin 1815). Evadé de l'Île d'Elbe, Napoléon débarque en Provence et rallie Paris que Louis XVIII quitte précipitamment dans le but de rétablir le Premier Empire. Mais les souverains lui déclarent la guerre et Napoléon est vaincu à Waterloo le 18 juin. Les clauses financières du traité de Paris mirent à la charge de la France plus d'1,4 milliard de francs, somme considérable. Et ces Cent jours, d'avoir été, dit-on, les plus couteux de l'histoire de notre pays.
Dans l'avant dernière salle, l'exposition aborde le déclin de celui qui reste l'un des plus grands héros que la France ait connu. A partir de 1808, les campagnes militaires deviennent de plus en plus onéreuses en hommes et de moins en moins décisives.Napoléon remporte encore des batailles (comme à la Moskova, en Russie) mais pas de manière aussi triomphale qu'à Austerlitz ou à Friedland. De plus, la position agressive de notre pays irrite de plus en plus et les autres pays tiennent tête en faisant bloc.
L'Empereur subira ainsi de graves revers en Espagne et en Russie : En avril 1808, Napoléon contraint le roi d'Espagne Charles IV et son fils à abdiquer au profit de son frère Joseph Bonaparte. Et la population espagnole de se soulever en mai de la même année, obligeant l'armée française et ses alliés à alterner entre batailles rangées et sièges de villes contre l'armée régulière espagnole (soutenue par les Britanniques et les Portugais). Des guérilleros harcèlent les troupes napoléoniennes dans les montagnes et Napoléon s'enlise sept années durant en Espagne sans parvenir à arracher de victoires décisives.
De juin à décembre 1812, Napoléon fait campagne en Russie. Au début, il dispose de la plus puissante armée européenne mais l'armée russe adopte la tactique du repli défensif en pratiquant la politique de la terre brûlée qui conduit la Grande armée de Napoléon jusqu'à Moscou après avoir, il est vrai, remporté la bataille de la Moskova le 7 septembre. A l'approche de l'hiver, Napoléon décide de quitter la ville et son armée, harcelée par les Russes, anéantie par le froid, les maladies et les privations échappera de justesse au pire. Des 440000 hommes de départ, renforcée par 120000 autres soldats, seuls quelques dizaines de milliers seront encore en état de combattre en décembre 1812, après avoir abandonné sur place 200000 camarades morts.
Cette campagne de Russie renforce la détermination des ennemis de la France. Et l'Angleterre, la Prusse, l'Autriche, la Russie et la Suède de former ensemble la sixième coalition antifrançaise. Au lendemain de la bataille de Leipzig (16 au 19 octobre 1813), les coalisés envahissent notre pays, avec pour objectif de vaincre Napoléon et de le chasser du pouvoir. Malgré la résistance de l'empereur, les coalisés entrent dans Paris en mars 1814 et Napoléon est contraint d'abdiquer, laissant la place, quelques jours plus tard, à l'accession de Louis XVIII (frère de Louis XVI) sur le trône. Après des débuts prometteurs, le souverain sera contesté jusqu'à devenir impopulaire. Et Napoléon, ayant noté les difficultés de Louis XVIII, de tenter un coup d'éclat en se rendant au Golfe Juan le 1er mars 1815 tout en ralliant toutes les villes qu'il traverse sur sa route pour Paris. Vingt jours plus tard, l'homme s'installe au Palais des Tuileries alors que Louis XVIII a fui dans l'intervalle. Toujours combattif, Napoléon envahit la Belgique pour surprendre les Alliés, mais il est battu par les Anglais et les Prussiens à la bataille de Waterloo et doit à nouveau abdiquer le 22 juin. Puis il finit en exil au sud de l'Atlantique, dans l'Île de Sainte-Hélène où il mourra le 5 mai 1821.
En avril 1814, Napoléon s'était déjà retrouvé exilé sur l'Île d'Elbe, au large de la Toscane, avant de rentrer en France à la tête d'une troupe d'un millier d'hommes. La bataille de Waterloo lui sera fatale car elle le conduira à abdiquer et à finir isolé de tout et de tous, à l'autre bout du monde. Les Anglais sont à l'origine du choix de cette île perdue de l’Atlantique Sud, Sainte-Hélène. Napoléon y passera six ans en captivité dans une maison appelée Longwood,entouré seulement de quelques fidèles. Souffrant de la maladie à partir de 1817, il ne sera bientôt plus que l'ombre de lui-même. Il mourra le 5 mai 1821 à 17h49, â l'âge de 51 ans et dans l'indifférence générale. La publication du « Mémorial de Sainte-Hélène » deux ans plus tard, un récit écrit par un témoin de première main, le comte de Las Cases, permettra toutefois à l'empereur déchu de retrouver une certaine popularité. Outre l'héritage étonnant que le général corse du début nous légua, le retour des cendres de l'ancien Empereur à Paris, en 1840, à la demande du roi Louis-Philippe n'est que justice, car il repose encore aujourd'hui sous l'Hôtel des Invalides.
INFOS PRATIQUES :
- Exposition « Napoléon », du 14 Avril au 19 septembre 2021, Grande Halle de La Villette, 211, Avenue Jean-Jaurès, Paris (19è). Tarif adulte : 20€. Location d'audioguides sur place : 6€.
-
Une application mobile, en version française uniquement, est disponible gratuitement sur l'App Store et sur Google Play. On y trouve la présentation de l'exposition, des informations pratiques sur la visite et un parcours en audiodescription pour les personnes malvoyantes, et des audioguides payants à télécharger avant la visite.
-
Site de l'exposition : https://expo-napoleon.fr/
-
Un catalogue de l'exposition reprend avec force détails le parcours de l'exposition. 272 pages, 200 illustrations, 25€. Disponible dans toutes les librairies et sur https://www.boutiquesdemusees.fr/fr/boutique/musees/grand-palais/
-
Un Journal de l'exposition est aussi édité (24 pages, 40 illustrations) au prix de 6€. Son auteur est l'historien Xavier Mauduit.
-
Un grand merci à Sarah Liebelin-Manfredi, chargée de presse, pour son aide précieuse.