Lundi 16 août 2021
Avant de devenir, en 1991, une manifestation sportive et populaire d'attelage équestre, La Route du poisson fut depuis le Moyen-Âge le moyen de transport permettant d'acheminer le poisson frais des côtes vers les grandes villes et Paris, tout particulièrement. Et Boulogne-sur-Mer de fournir la capitale grâce à ces braves et puissants chevaux de trait qui pouvaient tirer à quatre des attelages pesant jusqu'à 3,5 tonnes. Les temps ont changé et le poisson emprunte désormais des circuits de distribution plus rapides mais il est bon que des compatriotes aient à cœur de contribuer à la sauvegarde des races de chevaux de trait et organisent depuis trente ans déjà La Route du poisson, une aventure humaine d'exception et une épopée historique et culturelle inédite qui prend tout son sens aujourd'hui alors qu'au plus haut niveau de l'Etat, certains souhaitent déconstruire notre passé.
J'ai pour coutume de penser que nous sommes ce que nous avons été. L'Histoire s'inscrit ainsi au plus profond de nous-mêmes et nous sommes le fruit de ce que nos aïeux bâtirent jadis et nous ont légué. La Route du poisson fait partie de ce patrimoine précieux qu'il nous appartient de perpétuer pour les générations futures. Comment ne pas saluer ce groupe d'historiens amateurs passionnés par l'époque des chasse-marées, véritables initiateurs de cette course mythique qui eut cours jusqu'en 2012 avant de sommeiller neuf années durant pour mieux renaitre cette année, du 21 au 26 septembre 2021, à l'occasion du trentième anniversaire de cet événement ? Nous sommes tous impatients d'entendre à nouveau résonner les sabots des chevaux entre Boulogne-sur-Mer et Paris. Cette Route du poisson est admirée non seulement en France mais également à l'étranger et cette course d'être devenue au fil des ans la plus grande course-relais d'attelages de chevaux de trait en Europe. C'est dire...
Cette route fait référence au chemin emprunté par les chasse-marées (nom donné autrefois aux mareyeurs) qui, sous l'Ancien Régime, menaient de Boulogne à Paris des voitures hippomobiles chargées de poissons. De puissants chevaux étaient attelés seuls, en paires, à quatre, voire à cinq à ces voitures et menaient les précieux chargements à bon port en moins de 24 heures. Ces attelages portaient le nom de « ballons de marée » et parcouraient ainsi près de 300 kms en une journée pour livrer le poisson le plus frais possible jusqu'au Boulevard Poissonnière et aux Halles de Paris. Les denrées étaient alors entreposées dans de grands paniers et protégées par des algues auxquelles on rajoutait des pains de glace, ce qui alourdissait considérablement le poids de la voiture. Le trajet s'effectuait par étapes dans les relais de Poste, où toutes les deux heures, les chevaux de trait du Boulonnais étaient changés (tous les trente kilomètres environ). Les chasse-marées parcourront ainsi La Route du poissonn du 13è siècle à 1848, date de l'arrivée du chemin de fer.
C'est en juillet 1990, à l'issue du Concours spécial des chevaux de trait Boulonnais à Wimereux, que Bruno Pourchet, alors directeur du Haras national de Compiègne lança l 'idée de défier les autres races de trait françaises et européennes en organisant la première Route du poisson un an plus tard, et dont l'itinéraire fut tracé d'après le chemin d'anciens relais de Poste aux chevaux. Fort d'un succès immédiat, La Route du poisson biennale se déroula pendant plus de vingt ans, animée par l'enthousiasme croissant des éleveurs et utilisateurs de chevaux de trait qui voyaient dans cette manifestation une formidable opportunité de promouvoir leurs équidés largement délaissés depuis la révolution industrielle et la mécanisation du milieu agricole.
Pas moins de 400 000 spectateurs se pressaient alors le long du parcours, de jour comme de nuit, afin de guetter le passage des attelages dans les villages pour les encourager et les applaudir. L'évènement réjouissait de la même manière ce public avide d'Histoire et de rencontres, de spectacle et de simplicité.
Neuf années passeront avant que La Route du poisson ne renaisse sous l'impulsion de Thibaut Mathieu, un passionné d'équitation depuis le plus jeune âge, qui découvrit l'histoire de cette route et l'épopée des chevaux boulonnais en septembre 2019. Ayant pris conscience que le cheval de trait avait disparu de nos villes et de nos campagnes, mais aussi de la chute du nombre de naissances de chevaux de trait (de l'ordre de près de 50%) au cours des vingt dernières années, Thibaut mobilisa les énergies afin de perpétuer ce formidable patrimoine grâce à l'association La Route du poisson (https://www.laroutedupoisson.com) et permettre l'édition 2021 de cette mythique course relais d'attelages.
Dès 1991, La Route du poisson a toujours associé les neuf races françaises de chevaux de trait (le Boulonnais, le Trait du Nord, le Cob Normand, l'Ardennais, le Trait Breton, le Percheron, l'Auxois, le Trait Poitevin et le Comtois) et les races européennes, d'où cette reconnaissance au-delà de l'Hexagone.
Pour la renaissance de la Route, vingt équipes sont attendues (chacune d'entre elles étant composée de 70 personnes et de onze paires de chevaux), qui parcourront 300 kms en se relayant tous les quinze kilomètres en moyenne, dans vingt villes étapes. Ce seront donc plus de 400 chevaux qui seront engagés sur cette course relais, auxquels s'ajouteront une centaine de chevaux de confort destinés aux attelages des voitures d'invités, des sponsors ou des médias. Pas moins de 6000 bénévoles sont également mobilisés pour garantir le bon déroulé de la compétition et des moyens de communication modernes (balises GPS dans les attelages, applications mobiles pour suivre le parcours...) permettront la retransmission de l'évènement en direct sur internet grâce à un système de géolocalisation et un plateau de télévision mobile.
L'association La Route du poisson a pour objectif d'inscrire son action dans la durée afin de pérenniser cet événement phare au service de la promotion des mondes agricole et maritime, du patrimoine bâti et vivant et de tous les métiers liés à la route. Et de s'être organisée autour de sept piliers pour mener à bien sa mission : faire renaitre la plus grande compétition d'attelage européenne, promouvoir les territoires ruraux traversés, valoriser les patrimoines culturel, historique et artistique, défendre la pratique écologique, défendre la différence et le handicap, promouvoir la transmission des savoir-faire et de la formation, et oeuvrer pour le bien-être animal.
Intéressons-nous maintenant au déroulé de cette Route du poisson qui aura lieu cinq jours durant, du 21 au 26 septembre, même si la course relais entre Boulogne et Paris se déroulera quant à elle sur 24 heures. En marge, et avant la course, les équipes s'affronteront lors de sept épreuves dites spéciales au Touquet-Paris-Plage :
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Reprise de dressage monté
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manianiabilité des chevaux à la voix
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épreuve de débardage
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maniabilité à quatre chevaux
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épreuve de traction
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maniabilité urbaine
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flobart (épreuve de traction)
La dernière épreuve, celle du flobart (ancien bateau de pêche traditionnel utilisé sur la Côte d'Opale jusqu'à la fin du 20è siècle) est une épreuve de traction consistant à tirer un bateau de pêche sur le sable, un exercice phare de cette compétition que tout un chacun rêve de remporter.
La course relais (aussi appelée épreuve du Routier) ne consiste pas à aller vite ou à terminer premier mais à conjuguer endurance et régularité tout en arrivant dans les temps sans que les chevaux soient épuisés. Les épreuves spéciales, elles, sont plus sportives et ont pour objet de départager les équipes participantes. Celles de maniabilité, d'adresse ou de force sont destinées à valoriser les aptitudes des chevaux de trait, lesquels ne présentent pas les mêmes capacités, selon leurs races, les territoires dont ils proviennent et leurs utilisations ancestrales. Ainsi le public pourra t-il observer les différences de taille, de force, de gabarit et de crins...lors de ces journées mémorables.
La Route du poisson promet une belle promenade tout au long des 300 kms à parcourir au gré des routes départementales, chemins escarpés et sentiers forestiers, le tout au rythme du pas des chevaux. Un éloge de la lenteur et une ode à la ruralité lors de cette route traversant deux régions, trois départements, et une centaine de villes et villages. Les vingt villes étapes devenant quant à elles des écuries éphémères.
Pour promouvoir au mieux l'identité des territoires traversés, il a été décidé de faire des villes de départ (Boulogne) et d'arrivée (Paris) des vitrines de savoir-faire, producteurs et acteurs régionaux :
A Boulogne-sur-Mer, l'épreuve du Flobart ouvrira les festivités le vendredi, avant la tenue d'un grand concert sur la plage avec des artistes renommés et la tenue le lendemain d'animations grand public. La ville de Boulogne proposera, au départ de la Route du poisson, une exposition (du 11 septembre au 24 octobre 2021) autour d'œuvres d'artistes de renommée internationale, d'artistes locaux et autres jeunes talents. Chacune de ces œuvres prendra place dans un ensemble ayant écho avec les valeurs de cet événement. Enfin, des lectures tirées d'ouvrages du musée municipal seront aussi données.
Paris accueillera le village d'arrivée Place de la Concorde, où le public pourra rencontrer les équipes, déambuler à travers les stands de promotion des territoires traversés, découvrir les produits, les filières, les savoir-faire et les traditions de chaque région. De leur côté, les Champs-Elysées délaisseront le temps d'une journée les véhicules automobiles modernes pour faire place aux véhicules hippomobiles du début du 19è siècle. Tout un programme !
Une boutique en ligne (https://book-routedupoisson.com) proposera par ailleurs des produits à l'effigie de La Route du poisson avec, pour certains, la collaboration de grandes marques françaises. Tous ces produits seront issus de France, créés et produits dans les Hauts-de-France pour plus de la moitié d'entre eux. Cerise sur le gâteau, une boutique éphémère itinérante circulera sur la Route du poisson à l'intérieur d'un véhicule ancien.
Au-delà de l'édition 2021 de La Route du poisson, les projets ne manquent pas. En effet, l'association souhaite à terme développer un label « Route du poisson » qui permettrait aux voyageurs de parcourir le tracé historique et en découvrir les attraits tout au long de l'année. Par ailleurs, et sur le modèle de la cinéscénie du Puy du Fou, un spectacle équestre est actuellement en cours d'écriture pour conter le destin incroyable d'une jeune héroïne boulonnaise du 19è siècle qui sera amenée par hasard à participer à l'épopée des chasse-marées. Des grands noms du spectacle se sont vus confier la mise en scène de ce futur spectacle, lequel pourra compter sur plusieurs centaines de figurants issus des Hauts-de-France. Celui-ci sera joué durant les périodes estivales et assurera le lien avec le public entre deux éditions de la Route.
Au chapitre écologique, il faut rappeler que le cheval de trait est un travailleur courageux, efficace et respectueux de l'environnement, et l'association La Route du poisson prévoit de communiquer sur les nombreux atouts présentés par la traction animale. Et de prévoir, en marge de la compétition, la mise en place de navettes attelées dans les villes de départ et d'arrivée, et l'entretien et le nettoyage des espaces avec des ânes et des chevaux cantonniers.
Soucieuse de rassembler tout le monde, La Route du poisson accueille depuis sa seconde édition, une équipe de personnes en situation de handicap et partie prenante de la course aux côtés des autres équipes et dans les mêmes conditions. Quinze années durant, les « Hardis mareyeurs » marquèrent ainsi les esprits par leur audace et leur détermination, et c'est avec joie que nous les retrouverons en septembre prochain.
Le bien-être animal, lui, est incontournable dans un événement qui doit tout au cheval, ce noble compagnon de route millénaire de l'Homme. Là aussi, l'association s'engage à garantir à l'animal bienveillance et santé et s'appuie à cet égard sur une commission spécifique dédiée au bien-être animal et composée de professionnels.
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