Lundi 4 octobre 2021
C'est par un beau dimanche ensoleillé de juillet que j'enfourche mon vélo pour parcourir la baie du Mont Saint-Michel. Mon itinéraire, constitué de routes départementales puis cantonales me mène successivement à Dol-de-Bretagne et à Saint-Broladre avant de m'enfoncer (et de me perdre!) dans les polders pour atteindre finalement Beauvoir et le mont, une heure trente plus tard.
Le plus pénible n'est pas la circulation sur la D676 en ce début de matinée car les voitures se font rares et la chaussée a été refaite à neuf au niveau de Vildé-Bidon. Quant au relief, il est raisonnablement accidenté et mon vélo électrique remplit parfaitement son rôle. Non, ce qui me fait le plus pester est l'état déplorable de la chaussée dès l'entrée dans Dol-de-Bretagne : la rue de Dinan , mal entretenue, est cabossée, rapiécée ici et là avec des pièces de bitume tandis que des trous (ou dénivellements soudains) surprennent le cycliste que je suis et mettent à rude épreuve mon vélo. De plus, l'endroit n'offre même pas de piste cyclable. Bref, cette ville de 5000 habitants est à fuir pour les amoureux de la petite reine. Malheureusement, je n'ai guère le choix et je dois traverser coute que coute la cité afin de prendre la direction de Saint Broladre, ma prochaine destination.
Dol-de-Bretagne n'est pourtant pas une ville désagréable et dénuée d'intérêt. Située à seulement 25 km de « la Merveille de l'Occident », cette ville offre à ses portes plus de dix hectares d'espaces naturels dans la vallée du Guyoult. En ce qui concerne l'aspect culturel, il y a fort à faire puisque cette ville médiévale, créée au 5è siècle, offre encore aujourd'hui de belles maisons à pans de bois, des ruelles singulières, des remparts, des douves et ...un menhir !
Son joyau reste toutefois la cathédrale Saint-Samson érigée entre les 12è et 13è siècles et de style roman et gothique. Le musée Le Cathédraloscope, situé à quelques mètres seulement de l'édifice religieux offre de découvrir l'histoire de ce trésor architectural (https://www.leglobeflyer.com/reportage-2-1443-le-cathdraloscope-ou-le-mystre-des-cathdrales-dol-de-bretagne-ille-et-vilaine-france.html) et reste une à ce titre une attraction incontournable de l'endroit.
Dol-de-Bretagne est née il y a plus de 1500 ans. Tout d'abord, 70000 ans avant notre ère, la région alors recouverte par une toundra (mousse, lichens, bruyères et autres graminées) lors de la période glaciaire, servit d'abri à l'homme de Néandertal et à de nombreux animaux. Plus tard, la civilisation mégalithique sera particulièrement développée. Celle-ci nous a laissé le menhir du Champ-Dolent. De ses 9,30 mètres de haut, l'énorme pierre, qui est le plus grand menhir d'Ille-et-Vilaine, témoigne de cette période en se dressant à seulement un kilomètre au sud-est de Dol.
Dol-de-Bretagne sera fondée au 5è siècle sous l'égide du moine-évêque Samson, et avec l'appui du roi breton Judual. Cette fondation intervint à l'époque d'une importante migration de personnes chassées de Grande-Bretagne par les barbares. Ces nouveaux arrivants constituèrent alors de petits royaumes indépendants qui formeront la petite Bretagne.
Incluse autrefois dans la doyenneté de Dol, la paroisse de Saint-Broladre était connue sous le vocable de Saint-Brandan mais le nom de l'actuelle commune proviendrait de Saint Brévalaire, d'origine galloise (connu sous cette appellation aux Pays de Galles et sous le nom de Saint Breladre à Jersey). Plusieurs lieux d'intérêt sont offerts aux visiteurs comme le chemin Dolais, une ancienne voie côtière aménagée au Moyen-Âge sur le cordon dunaire dont la chapelle Sainte-Anne des Grèves marque la limite orientale. Le site de ladite chapelle constitue un lieu de pèlerinage avec le pardon organisé chaque année, le quatrième dimanche de juillet. Cette chapelle, qui émerge au milieu des herbus, ces prairies naturelles recouvertes par la mer lors des grandes marées et qui servent de pâture aux agneaux de prés-salés, tient ses origines du 11è siècle, à l'époque de la construction de la digue de la Duchesse Anne. Détruite par une inondation en 1630, celle-ci sera rebâtie en 1684, puis restaurée en 1818. Quant au site sur lequel étaient encore visibles les lagunes avant les années 1960, il fut réaménagé en 2005 et 2006 pour lui redonner son apparence du début du 20è siècle. Aujourd'hui, libellules et batraciens ont colonisé cet endroit agrémenté d'une riche zone aquatique.
Après avoir suivi la D80 depuis Dol-de-Bretagne, puis la D797 à partir de Saint Broladre, en direction de Pontorson, je prends sur ma gauche quelques kilomètres après ce village, au lieu-dit Colombel (carrefour), en apercevant un petit panneau symbolisant une piste cyclable menant au mont par les polders. Mais que diable vais-je donc faire dans cette galère ?
De longue date, la baie du Mont-Saint-Michel fit l'objet de travaux de poldérisation, c'est à dire de récupération de terres gagnées sur la mer pour en faire des parcelles agricoles. Entre les 8è et 17è siècles, les cordons coquilliers déposés par la mer avaient servi à endiguer les marais de Dol. Ce site, dont la formation débuta au Quaternaire par la façonnement des paysages tels que nous les connaissons aujourd'hui, a traversé bien des étapes : au plus fort de la dernière période de glaciation, l'endroit était gelé et le niveau de la mer se situait alors à 120 mètres au-dessous du niveau actuel (la Manche n'existait pas à cette époque). Lors de la fonte des glaces, le niveau d'eau remonta, jusqu'à envahir l'actuelle baie il y a 8000 ans.
On distingue encore la digue marquant la limite sud des polders, que l'on appelle digue de la Duchesse-Anne. Un ouvrage impressionnant construit au 11è siècle, en granit, et sur plus de vingt kilomètres de long, du sud de Cancale jusqu'à Saint-Broladre. Cette digue, destinée à protéger les terres de l'envahissement de l'eau, était alors surmontée d'une chaussée. C'est son prolongement et son renforcement au fil des siècles qui transformeront peu à peu les anciens marais du sud en polders, ces terres asséchées dont l'homme se servira pour cultiver ce dont il aura besoin. Un système de drainage est aussi mis au point pour évacuer le trop-plein d'eau. Ce travail d'assèchement sera une tache de longue haleine qui mobilisera les moines du Moyen-Âge. Et c'est au milieu de ces anciens marais domestiqués que je pédale cette fois, ne sachant trop où tourner. Le terrain est plat et les petites routes carrossables mais il manque des panneaux indicateurs pour orienter le voyageur que je suis. Une fois de plus, le GPS de mon téléphone viendra à mon secours en m'aidant à retrouver le bon chemin.
J'arrive bientôt à Beauvoir (50), petit village de 500 Beauvoisins situé sur le canal du Couesnon (l'une des trois rivières se déversant dans la baie du Mont-Saint-Michel). Et me voilà, par la même occasion, dans le département de la Manche (Normandie). Le célèbre mont, lui, domine le paysage (ci-dessus). Petit fleuve côtier à cheval sur trois départements (Ille-et-Vilaine, Manche et Mayenne), le Couesnon, au cours irrégulier, mesure 97,4 kilomètres de long et finit sa course nonchalamment au pied du mont après avoir inspiré Chateaubriand lequel, dans ses Mémoires d'outre-tombe, écrivit que « Le Couesnon en sa folie a mis le mont en Normandie ».
Située entre la Bretagne et le Cotentin, la baie du Mont-Saint-Michel s'étend sur 500 km2 environ et est inscrite au patrimoine mondial de l'UNESCO depuis 1979. Refuge d'une grande variété d'oiseaux et de phoques veaux marins, la baie est largement découverte à marée basse, ce qui me permettra de me promener sur la grève et de faire (presque) le tour du mont, du moins jusqu'à la chapelle Saint-Michel. Dans ma jeunesse, je me suis rendu à plusieurs reprises sur place, en famille ou en voyage scolaire. Il était alors possible de se rendre en voiture jusqu'au pied du mont. Aujourd'hui, ce n'est plus possible puisque l'endroit a été réaménagé il y a quelques années afin de rendre à l'endroit sa vocation maritime : un parc de stationnement de 4000 places est désormais placé à 2,5 km du Mont-Saint-Michel sur le continent et les visiteurs, guidés par un centre d'informations touristiques peuvent ensuite se rendre au mont à pied, à cheval ou en navette. En ce qui me concerne, je pourrai accéder librement (et gratuitement) au mont à vélo, puisque ce moyen de locomotion est autorisé. Un pont-passerelle, sorte de jetée harmonieuse, permet l'accès à la merveille des merveilles tout en jouissant d'une superbe vue. Au pied du mont, un gué de 120 mètres permet de faire le lien entre le pont-passerelle et la porte de l’Avancée (entrée principale du site historique).
Un nouveau barrage a également été mis en service sur le Couesnon pour redonner à la rivière suffisamment de force pour chasser les sédiments vers le large et abaisser le niveau des grèves. Stockant un volume d'eau conséquent à chaque marée, l'ouvrage libère cette masse d'eau de manière progressive à la fin de la marée descendante.
Plusieurs navettes conduisent au mont mais la plus originale reste sans conteste « la Maringote » qui part du parking de stationnement. Autrefois simple voiture hippomobile à deux roues, cette carriole attelée transportait les visiteurs du Mont-Saint-Michel, précédée d'un marcheur qui sondait le sable afin d'éviter les lises (sables mouvants). Originaire de la commune de Maringues (Puy-de-Dôme) où elle fut fabriquée pour la première fois, la maringotte faisait ainsi partie du paysage (ci-dessous). Bien entendu, les maringotes actuelles sont plus conséquentes et sont tirées par deux chevaux pour parcourir le trajet en moins de trente minutes.
Je ne m'étendrai pas cette fois sur la longue histoire du mont mais rappelons tout de même que l'endroit était à l'origine connu sous l'appellation de mont Tombe. Celui-ci aurait abrité deux oratoires, l'un dédié à saint Symphorien et l'autre à saint Etienne, à l'initiative d'ermites des 5è et 7è siècles. Ce ne fut qu'après cette première christianisation du mont Tombe que sera érigé un oratoire en l'honneur de l'archange saint Michel, en 708. Le rocher accueillera tout d'abord les premiers villageois fuyant les raids vikings, puis sera surnommé dès 710 et durant tout le Moyen-Âge « mont Saint-Michel au péril de la mer ». Et ce rocher de fasciner toujours et encore les pèlerins qui traversent les grèves depuis lors pour se rendre à l'abbaye du Mont-Saint-Michel. De nombreuses voies montoises se rejoignaient à Genêts, petit village situé non loin de là, sur la rive nord de la baie, point de départ du pèlerinage vers le mont depuis le bec d'Andaine. Loin d'avoir disparu, ces pèlerinages sont redevenus très populaires depuis une vingtaine d'années et la traversée des grèves avec un guide a encore de beaux jours devant elle.
INFOS PRATIQUES :
- Le Cathédraloscope, 4 Place de la cathédrale, Dol-de-Bretagne. Tél : 02 99 48 35 30. http://cathedraloscope.com
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Cathédrale Saint-Samson, 5bis, Place de la cathédrale Dol-de-Bretagne.
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Mairie de Saint-Broladre : www.saint-broladre.fr
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La Maison des Polders, 3 rue des Mondrins, Les Quatre Salines à Roz-sur-Couesnon (35). Tél : 02 99 80 37 31. www.ccdol-baiemsm.bzh
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www.bienvenueaumontsaintmichel.com : toutes les informations nécessaires vous sont données en neuf langues pour vous permettre de préparer votre visite au mont. L'office de tourisme local (www.ot-montsaintmichel.com
) se tient aussi à votre disposition.
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Biscuiterie de la Baie du Mont-Saint-Michel, le long de la D275, à un kilomètre des parkings de stationnement : l'Atelier St Michel Ardevon & Café est le lieu de pause idéal après la visite du mont. Je vous conseille la madeleine à la vanille et crème brûlée. Un vrai régal !