Lundi 8 novembre 2021
Le Musée de la Préfecture de Police de Paris invite le public à découvrir les fondateurs de la police moderne, Louis Lépine et Célestin Hennion, à travers une exposition qui vient d'être prolongée jusqu'au 30 novembre prochain. Ce musée a pour vocation de présenter aux visiteurs les riches fonds d'archives de la préfecture de police (plus de 2000 œuvres originales et hétéroclites), pour mettre en valeur l'histoire institutionnelle de la police parisienne du 17è siècle à nos jours et les différents métiers et missions de ces hommes et femmes qui assurent notre sécurité au quotidien.
L'histoire de la police ne date pas d'hier, puisqu'on en relève les traces dès l'Antiquité, puis dans les villes franches (ou communes libres) du 9è siècle. L'Ancien Régime confiait le pouvoir de police aux consuls (ou échevins), excepté à Paris où ce pouvoir sera confié à un officier du roi, le lieutenant-général de police, à partir du 17ème. Un régime qui sera d'ailleurs étendu à Lyon et Marseille (lesquelles seront alors dotées de Préfets de police) au 19è siècle. Quant à la Police nationale, elle sera créée par Philippe Pétain le 14 août 1941. Celle qu'on appelle la police moderne recouvre une réalité très large et désigne des tâches multiples qui aboutissent au même objectif : garantir l'ordre en toute chose dans la cité.
Au 16è siècle, la police reste soumise à la justice du pays et relève de la compétence des baillis, sénéchaux, prévôts et châtelains. Déjà, à cette époque, l'arrivée en masse des « gens sans aveu » (ceux-là même qui, dans la force de l'âge, ne disposaient ni de moyens de subsistance, ni d'un métier, ni de répondants) imposera de créer un lieutenant de robe courte (sous François 1er) qui sera effective sous Henri II, une charge nouvelle placée sous l'autorité des juges mais dont le rôle sera de renforcer la sûreté publique. Jusqu'à la fin de l'Ancien Régime, la police ne représente pas encore une entité nationale et ses pouvoirs sont émiettés entre plusieurs corps, personnes et juridictions. C'est le cas dans la capitale du royaume où Parlement, lieutenants civils et criminels du Châtelet, le lieutenant criminel de robe courte au Châtelet , le prévôt des marchand et les échevins au bureau de la ville, et le chevalier du guet se partagent les pouvoirs policiers dans Paris jusqu'au 17è siècle.
A Paris, le roi confère alors de plus en plus de pouvoirs aux juges royaux, amenuisant ainsi ceux de la municipalité. Et la transformation de la charge de « lieutenant du prévôt et vicomté de Paris » en « lieutenant-général de police » dès 1674, de constituer un véritable tournant dans l'histoire de la police française puisque cette décision vise à renforcer l'appareil policier de la capitale, tout en le distinguant de la justice. La mission de la police est alors de « garantir le repos du public et des particuliers, de purger la cité des désordres générés, de procurer l'abondance et de faire vivre chacun selon sa condition et son devoir ». L'activité policière comporte trois fonctions clés : la police économique, la police du maintien de l'ordre et de la sécurité publiques et la police sociale. On se préoccupait alors de faire respecter édits et ordonnances, d'enfermer dans l'Hopital général mendiants, vagabonds et autres « sans aveu », d'organiser les secours en cas d'incendie, et d'assurer l'hygiène des rues, l'approvisionnement et la stabilité des prix. Le lieutenant-général de police de Paris était aussi chargé de faciliter cette mise en ordre sécuritaire de la capitale en améliorant la voirie, en y installant l'éclairage public et en la faisant nettoyer régulièrement, sans oublier de réglementer la prostitution. L'augmentation des effectifs des commissaires, du guet et des rondes de nuit relevaient aussi de ses attributions.
En 1789, cette ancienne police disparait pour laisser place à une police confiée aux municipalités. Les plus grandes villes des commissaires élus par les citoyens sont nommés à cette charge et secondés par la Garde nationale. Après la chute de la royauté en août 1792, le Comité de sûreté générale et les autres polices révolutionnaires utilisatrices de la guillotine remplacent l'éphémère Garde nationale élue. Une certaine confusion régnera alors jusqu'au Directoire, qui créera le ministère de la Police générale, une police pourtant toujours dépendante des autorités locales. Bonaparte, Premier consul, créera en 1800 la Préfecture de police de Paris, puis le ministère de la Police générale est supprimé en 1818 avant d'être rétabli par Napoléon III. Vidocq s'illustre bientôt à la brigade de sûreté de la préfecture de police, tandis que le poste de « sergent de ville » voit le jour à la fin de la Restauration.
Sous Napoléon III, la police politique prend le pas sur la police judiciaire et l'attentat manqué contre l'Empereur en 1858 est suivi du vote d'une loi de sûreté générale. Durant le Second Empire, les effectifs de police passent de 5000 à 12000 hommes, à une époque où la Révolution industrielle alimente criminalité et esprit de révolte, tout en donnant naissance à la prison moderne. Devant le quadruplement de la criminalité observé entre 1826 et 1880, les Renseignements généraux voient le jour en 1855. Sous la Troisième République, la loi de 1884 modifie la répartition des pouvoirs entre maires et préfets tandis que la police est pour la première fois confrontée au mouvement anarchiste, et de fait au terrorisme. Celle-ci s'adapte à son époque en mettant en place l'anthropologie judiciaire. La Belle Epoque voit l'émergence des Apaches qui narguent la police parisienne, et d'autres bandes organisées qui écument la province. L'arrivée au pouvoir de Georges Clémenceau marque une réforme importante de la police avec, en 1907, la création des premières brigades mobiles de la PJ (police judiciaire), les « Brigades du Tigre ». Et d'assister désormais à une guerre entre la Sûreté générale de Célestin Hennion, devenue autonome depuis 1877 (dont dépendent les Brigades du Tigre mais également les RG et le contre-espionnage) et la Préfecture de police dirigée par le préfet Louis Lépine.
Ce sont ces deux personnages emblématiques qui seront tour à tour préfets de Police. Dans un premier temps, l'exposition présentée par le musée de la Police décrit la figure de Louis Lépine, préfet de Police de Paris de 1893 à 1897 et de 1899 à 1913. Celui-ci passera alors pour l'homme providentiel face à une République fragilisée par les oppositions politiques, la montée du terrorisme anarchiste et la police (déjà) déconsidérée et inadaptée. Louis Lépine assurera le maintien de l'ordre grâce notamment à la création de la brigade cycliste, de la brigade fluviale et de la brigade cynophile. Et de multiplier les innovations en vue d'une meilleure administration policière de la cité. L'homme sera en effet à l'origine de la réorganisation et de la fluidification de la circulation grâce à l'instauration des passages piétons, des sens uniques et des sens giratoires. On le surnommera même le « préfet de la rue » tant il s'efforcera de retisser le lien de confiance entre la police et la population, jusqu'à ce qu'une nouvelle forme de criminalité (braquages de banque en automobile) incarnée par la Bande à Bonnot vienne rompre cet équilibre. A l'origine de la brigade criminelle et du concours Lépine, Louis Lépine sera aussi le créateur du musée de la Préfecture de Police. C'est à la suite des émeutes de 1893, au Quartier latin, que l'homme est nommé préfet de police de Paris. Cette même année, il crée un service centralisé de collecte des objets trouvés, puis, attaché aux traditions festives de la police parisienne, il comptera bientôt parmi les donateurs, à hauteur de 200 francs tirés de sa cassette personnelle, pour la restauration de la Promenade du Boeuf Gras (ou Fête du Boeuf Gras, célébrée chaque année en février ou mars lors du Carnaval de Paris) en 1896. Les émeutes anti-juives qui affecteront l'Algérie à partir de 1895 le contraindront à partir dans cette colonie quelques temps, en temps que gouverneur général d'Algérie, puis de réintégrer à son retour son poste de préfet en 1899. Jamais à court d'idées, Louis Lépine créera un concours-exposition (futur concours Lépine) en 1901 pour lutter contre la crise qui touche alors les petits fabricants parisiens de jouets et de quincaillerie. En tant que préfet, il sera celui qui créera les permanences dans les commissariats, équipera les gardiens de la paix d'un bâton blanc et d'un sifflet à roulette, et fera installer 500 avertisseurs téléphoniques pour alerter les pompiers en cas d'incendie (avertisseurs de couleur rouge) ou pour prévenir police-secours (avertisseurs bruns). Il est aussi à l'origine de la création de la police scientifique, puis de la brigade des chiens sauveteurs. Il sera même celui qui donnera naissance aux agents Berlitz (ces agents, portant un brassard mentionnant la langue étrangère maitrisée et formés à l'Ecole de langues Berlitz, seront chargés de renseigner les touristes). En 1909, il crée le musée de la Préfecture de Police et les collections historiques qui y sont rattachées, en utilisant les pièces qu'il avait fait réunir pour l'Exposition universelle de 1900. Objet des détracteurs de presse, ce serviteur de l'Etat créera en 1912 la « Brigade du chef », section criminelle de la Sûreté de Paris (future brigade criminelle), en réponse aux mécontentements grandissants des Parisiens face aux agissements des Apaches et de la Bande à Bonnot.
La seconde partie de l'exposition souligne le rôle de Célestin Hennion, le successeur de Louis Lépine. Préfet de Police de 1913 à 1914, il avait préalablement été nommé directeur de la Sûreté générale le 30 janvier 1907 par Georges Clémenceau et est considéré comme le père de la police moderne, étant à l'initiative de la création des brigades mobiles « Brigades du Tigre », et de la modernisation de l'équipement et des méthodes d'investigation de la police. Il est l'homme qui a structuré la police afin de lui permettre d'affronter la criminalité nationale et internationale, étatisé les polices municipales et développé la formation technique et morale des policiers.
Ayant débuté sa carrière dans la police comme inspecteur de deuxième classe en 1886, au sein de la brigade des chemins de fer, il devient bientôt commissaire de police et réalise des missions et des enquêtes très politiques, avant d'accéder à la direction de la Sûreté générale.
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