Lundi 4 juillet 2022
L'Oise n'est pas qu'un numéro, en l'occurence le 60, sur notre carte de France, mais un département d'une richesse exceptionnelle, à seulement une heure de la capitale. Avec plusieurs monuments de renom, du Domaine de Chantilly au Château de Compiègne en passant par la forteresse de Pierrefonds, les Isariens jouissent d'un patrimoine architectural et culturel hors norme, avec pas moins de 300 châteaux érigés entre François 1er et Napoléon III. Ce département compte aussi un grand nombre d'édifices religieux qui brillent par leur rareté, leur flamboyance et le génie de leurs architectes. Près de 600 édifices sont ainsi classés ou inscrits au titre de Monuments Historiques. Un manière comme une autre de remonter le temps...
Derrière chaque château se cache une histoire et celle du château de Chantilly nous conduit sur les pas du duc d'Aumale. En partie rasé après la Révolution, ce merveilleux château doit sa remarquable beauté à Henri d'Orléans, cinquième fils du roi Louis Philippe 1er et filleul du dernier prince de Condé, Louis-Henri Joseph de Bourbon dont il hérite, à seulement huit ans. Un an seulement après la prise de la smala d'Abd-el-Kader, le duc d'Aumale se lance dans sa plus belle bataille, laquelle consiste à accroitre ses collections de peintures, de dessins, de livres et de manuscrits dont Chantilly sera l'écrin. Et, dès 1830, de consacrer toute sa fortune et son énergie à la renaissance de son domaine et à son embellissement en reconstruisant et en restaurant le patrimoine des princes de Condé.
Habité depuis le Moyen-Âge par différentes familles (les Orgemont, les Montmorency et les Condé), c'est au duc d'Aumale que le château de Chantilly doit sa splendeur retrouvée. En 1886, l'homme est veuf et sans descendance. Il rédige alors un testament en faveur de l'Institut de France en demandant avant tout de préserver le caractère des parcs, canaux et rivières. Commandé par le Grand Condé à la fin du XVII ème siècle pour épater le roi Soleil, le parc du château de Chantilly est le seul jardin à la française, dessiné par André Le Nôtre, à être décentré par rapport à la gigantesque demeure. S'étirant le long d'une vallée, il se termine par le pavillon de Manse, témoin unique de l'histoire des « Grandes Eaux ». L'endroit, transformé en blanchisserie dernier cri par le duc d'Aumale, abrite encore de nos jours une machine hydraulique du XVII ème siècle, une merveille technologique qui alimentait jour et nuit le réservoir d'eau pour les fontaines, les cascades, les bassins et les jets d'eau du parc.
On s'attardera évidemment sur l'intérieur du château de Chantilly, et plus particulièrement sur les appartements privés du duc d'Aumale, rouverts au public en 2019 après une spectaculaire rénovation. Ceux-ci sont situés dans la partie la plus ancienne de la forteresse, au sein du petit château Renaissance qui avait miraculeusement échappé à la destruction du domaine en 1799. Le duc, tout juste marié avec sa cousine Marie-Caroline-Augusta de Bourbon-Siciles, confiera l'installation de ses appartements privés au décorateur Eugène Lami. L'ensemble consiste en huit pièces en enfilade, qui forme l'unique exemple en parfait état de conservation du style en vogue sous la Monarchie de Juillet. Chaque médaillon, chaque objet est ainsi placé comme il y a un siècle et demi sans n'avoir rien modifié. La visite de ces appartements, entre cabinet de toilette raffiné, boudoir du XVIII ème, salon violet, et chambre de marbre, transporte le visiteur à travers les époques entre dorures, boiseries et mobilier d'exception.
Prince artiste, le duc d'Aumale se servira du château de Chantilly comme le plus bel écrin pour mettre en valeur son exceptionnelle collection. Le Musée Condé, première collection de peintures anciennes de France (avant 1850) après cell du Louvre, abrite plus de 800 peintures et près de 4000 dessins. En 1886, lorsqu'il lègue le domaine à l'Institut de France, le duc d'Aumale pose trois conditions : le musée Condé devra être accessible au public, en conservant sa présentation d'origine, et en évitant de prêter ses collections. En visitant ce lieu, on est assuré d'admirer la muséographie originale de 1897, avec des tableaux présentés sur plusieurs niveaux, bord à bord, en fonction des formats et sans véritable ordre chronologique. Ce musée rassemble des chefs-d'oeuvre comme Les Trois Grâces de Raphaël, le Massacre des Innocents de Nicolas Poussin, le Portrait de François 1er par Jean Clouet, ou le Portrait du Cardinal de Richelieu par Philippe de Champaigne... L'endroit offre enfin une des plus prestigieuses bibliothèque du monde, avec des reliures médiévales orfévrées et 30 000 volumes rares et autres manuscrits.
Autre immanquable du château de Chantilly : les Grandes Ecuries. Chantilly et le monde équestre entretiennent une histoire affective depuis plusieurs siècles. Cette passion commence dès la Renaissance avec les Montmorency, puis au XVII ème et XVIII ème siècles avec les Condé sous le règne desquels Chantilly deviendra la référence en matière de chasse à courre. L'avenir hippique de Chantilly prendra un tournant décisif au temps du 7ème Prince de Condé, Louis-Henri de Bourbon, à l'origine des Grandes Ecuries. Celles-ci deviendront un véritable temple à la gloire du cheval. Oeuvre architecturale construite entre 1719 et 1735 par Jean Aubert, les écuries sont conçues pour abriter jusqu'à 250 chevaux et 500 chiens. Composées de deux nefs de 70 mètres de long autour d'une coupole culminant à 28 mètres de haut, ces grandes écuries sont remarquables. Dès 1830, le duc d'Aumale procèdera à leur réaménagement afin d'abriter les chevaux acquis lors de son séjour en Algérie. Détruisant les stalles de l'aile Est pour y aménager un manège, il fait aussi construire des boxes de 25m2 dans l'aile Ouest. Puis s’attelle à la création d'un hippodrome qui accueillera ses premières courses en 1834, puis le prix de Diane en 1843. Aujourd'hui, on peut toujours admirer la statue du duc chevauchant sa jument Pélagie à l'entrée Ouest, mais aussi les petites plaques noires portant le nom de ses anciens chevaux en passant par le Musée du Cheval.
Dernière étape de cette halte à Chantilly, le Hameau évoque étrangement le Petit Trianon. Dessiné par J-F Leroy pour le prince Louis-Joseph de Bourbon, le hameau est l'une des distractions princières du XVIII ème siècle et également un lieu d'expérimentation pour célébrer le retour à la nature préconisé par Rousseau.
Situé dans le parc du château, en plein cœur du jardin anglo-chinois, les cinq maisonnettes rappellent le Petit Trianon de Versailles. Ce hameau servit en effet de modèle pour celui de Marie-Antoinette. Rétabli par le duc d'Aumale, l'endroit décline indépendamment un salon, une salle de billard, une salle à manger, une cuisine et un moulin. De nos jours, l'une de ces maisons rustiques abrite même un restaurant, « Aux goûters Champêtres », où l'on fouette la crème Chantilly telle qu'elle était servie en collation dans la grande chaumière du Hameau.
Crème fouettée souvent sucrée et parfois aromatisée, la crème Chantilly était déjà connue au XVI ème siècle en Italie sous le nom de « neige de lait ». Il reste néanmoins que l'invention de la Chantilly est attribuée à François Vatel, maître d'hôtel du château de Chantilly de 1663 à 1671. Un siècle plus tard, la baronne d'Oberkirch vantera cette « crème » servie lors d'un déjeuner au Hameau en 1784.
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