Lundi 15 août 2022
Sur ma route pour Poitiers, je me suis arrêté au Parc Oriental de Maulévrier, le plus grand jardin japonais d’Europe.Véritable bouffée d’oxygène , ce parc ne se trouve qu’à une dizaine de minutes de la ville de Cholet et servait jadis d’écrin au Château de Colbert. Fondé à partir de 1680 par Edouard François Colbert, ce château sera détruit durant les guerres de Vendée, puis reconstruit entre 1815 et 1830. C’est alors que sera créé un premier parc romantique derrière l’immense bâtisse.
29 hectares, c’est pas rien. Mais quand il s’agit d’un parc, ce n’est jamais trop vaste. Avant sa destinée actuelle, ce parc fut rattaché au château Colbert. Fin 19ème, la propriété sera rachetée par la famille Bergère, qui restaurera l’endroit puis aménagera un paysage japonais dans le parc du château, entre 1899 et 1913. Architecte orientaliste de talent, et gendre de la famille, Alexandre Marcel participera à la réalisation de ce jardin aux côtés du chef-jardinier Alphonse Duveau. A chacun sa tâche : Alexandre Marcel reproduira des éléments décoratifs à partir de moules provenant de l’Exposition Universelle de 1900, tandis qu’Alphonse Duveau gèrera l’entretien du parc avec l’aide de dix jardiniers.
C’est qu’Alexandre Marcel, architecte parisien de renom, est lauréat de nombreux concours et autres prix internationaux. L’homme est passionné pour l’orientalisme et plus particulièrement pour le japonisme en cette fin de 19ème siècle. En 1899, il aménage une salle des fêtes avec des décors japonais à Paris (rue de Babylone) pour le directeur du « Bon Marché ». C’est cette même année qu’il épouse Madeleine Bergère et aménage pour sa belle famille un jardin à la française, un verger et un potager autour du Château Colbert. Et d’entamer bientôt l’aménagement d’un jardin japonais sur les bords de la rivière « La Moine ».
L’année suivante, Alexandre Marcel réalise trois pavillons pour l’Exposition Universelle qui a lieu à Paris : le pavillon du Cambodge, celui de l’Espagne et celui de la Compagnie des Messageries Maritime, intitulé le Panorama du Tour du Monde. Ce panorama comportait alors quatre édifices dont le plus haut était une tour japonaise à toitures multiples. Le Pavillon du Cambodge, lui, était de style khmer et se dressait au Trocadéro. A la fin de l’Exposition, l’architecte rachètera certains éléments qu’il installera ensuite dans le paysage japonais de Maulévrier. Léopold II, roi des Belges, fera pour sa part l’acquisition de la Tour japonaise qu’il fera installer dans sa propriété de Laeken, au nord de Bruxelles.
Finalement, c’est en 1913 qu’Alexandre Marcel visitera le Japon pour élaborer un projet de construction de l’ambassade de France à Tokyo. Mais la Première guerre mondiale mettra un terme à ce projet et l’architecte quittera ce monde le 30 juin 1928, à l’âge de 68 ans.
Depuis le parc, on peut contempler le Château Colbert qui se dresse toujours aujourd’hui. Ses nouveaux propriétaires ont fait restaurer l’actuel potager Colbert, devenu jardin remarquable depuis 2019.
Après la disparition d’Alexandre Marcel, la famille habitera le château jusqu’en 1945, puis après cette date, le parc sera transformé en exploitation agricole et forestière avant d’être peu à peu abandonné jusqu’en 1980 : la propriété est en effet vendue en 1976 et scindée en trois parties. La commune rachètera bientôt le parc, avant de le restaurer avec l’aide d’une association créée pour l’occasion. En 1987, des professeurs japonais des universités horticoles de Tokyo et de Niigata reconnaitront les douze hectares du site classé comme étant inspirés de jardins japonais de la période Edo.Dès lors, une importante restauration (toujours en cours) sera entreprise, afin d’en faire le plus grand parc d’inspiration japonaise en Europe.
Lors de ma promenade dans le parc, je me remémore mes balades dans certains parcs japonais datant de l’ère Edo. A cela rien d’étonnant puisque le style du parc de Maulévrier s’apparente à ces grands parcs de promenade. La conception du parc est en effet basée sur certains principes :
- L’eau est l’élément principal et occupe près de 3/10è de la surface paysagée. La circulation d’eau traverse le jardin d’est en ouest tandis que la pièce d’eau centrale est considérée comme la pièce maitresse du jardin.
- Deux îles y ont trouvé refuge, sous le nom d’îles du Paradis (ou îles des êtres immortels), aussi appelées île de la grue et île de la Tortue.
- La création de perspectives permet une découverte progressive du jardin.
- On note bien sûr la représentation de paysages naturels ou mythiques avec montagnes et côtes rocheuses.
- L’emprunt de paysages extérieurs au jardin.
Le visiteur à l’oeil exercé relèvera plus de 400 espèces différentes constituant la végétation de ce parc oriental surnommé le « parc des Quatre Saisons) : au printemps, la floraison est maximale avec cerisiers, azalées et rhododendrons. L’été permet quant à lui d’apprécier la diversité des arbres taillés et les différentes floraisons. Suivra l’automne avec ses feuilles lumineuse teintes de jaune, d’orange ou de rouge. L’hiver fera place aux persistants. Un jardin qui se transforme tout au long de l’année afin de symboliser les étapes de la vie d’un homme :
- La jeunesse du printemps (naissance, jeunesse et floraisons)
- L’été adulte (empreinte de maturité, la vie se transmet par les fruits)
- La retraite automnale (vieillesse, sagesse, marqué par l’accumulation des connaissances et le changement de couleur des feuilles
- La mort et l’éternité hivernales (mais aussi période de repos).
Plusieurs éléments marquent cette promenade reposante, à condition d’être attentif et de lire les panneaux d’information répartis sur le parcours :
- La Corne d’or ou « Thoja ». Cet élément recouvert de verre doré représente l’extrémité d’un temple thaïlandais et date vraisemblablement de l’Exposition Universelle de Paris. Cette corne représente le serpent Nâga, esprit protecteur des eaux.
- Le Pont Rouge et les îles des Immortels, avec le torii (portique rouge désignant l’entrée d’un sanctuaire shintoïste, et marquant la séparation entre le profane et le sacré), le Pont rouge (celui-ci permet d’accéder aux îles sacrées), l’île de la Grue (cet oiseau symbolise fidélité et immortalité) et l’île de la Tortue (l’animal représente la longévité et l’immortalité).
- La Pagode (ancien salon de thé réalisé en 1903 par Alexandre Marcel)
- Le Temple (ces éléments proviennent d’un pavillon de l’Exposition Universelle de 1900 et furent remontés ici en 1910). A l’intérieur, se trouve une statue de Bouddha tandis que des apsaras (danseuses et danseurs divins) souriants occupent le fronton de l’édifice.
- Le viaduc (extérieur au parc oriental) réalisé entre 1867 et 1868 par la Compagnie des Chemins de Fer d’Orléans permettra de relier par voie ferroviaire les villes d’ Angers et de Niort. Mesurant 30 mètres de haut, et 117 mètres de long, l’ouvrage reste une prouesse technique érigée en seulement seize mois. De nos jours, les randonneurs ont remplacé les trains.
Mieux vaut prévoir une à deux heures pour effectuer le parcours rouge (jardin historique, aménagé pour les PMR) afin de prendre le temps d’en admirer les éléments : perpective sur l’étang, jardins d’eau et de mousse, la pagode, le jardin d’ombre et de lumière, la fausse ruine et l’escalier aux lions, le pont rouge et les îles du paradis, la colline des méditations, la butte aux azalées et la corne d’or et l’embarcadère.
INFOS PRATIQUES :
- Parc de Maulévrier, Place de la Mairie, à Maulévrier (49). https://www.parc-oriental.com
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Tarif entrée : 8€.
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Parking gratuit à proximité, puis accès au parc par un petit souterrain
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Association du parc oriental : 02 41 55 50 14