Lundi 12 décembre 2022
Paris, ville lumière, et lieu de multiples activités, d’attraction et de rayonnement a toujours été une capitale en perpétuel mouvement. C’est ce que tente de nous montrer l’actuelle exposition « Circulez ! » présentée jusqu’au 4 mars 2023, au musée de la Préfecture de police de Paris.
La topographie de la cité s’inscrit, dès l’origine, dans la traversée. Les Romains seront les premiers à concevoir deux grands axes permettant d’assurer une circulation transversale de la ville : le decumanus et le cardo maximus :
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Le decumanus représentait un axe Est-Ouest, qui structurait tout camp romain, et généralement toute fondation de colonie romaine. Ce schéma d’urbanisation aurait trouvé son origine dans les rites du bornage étrusque (un bornage des biens instauré par les Augures étrusques, très respectueux du droit de propriété). Toutefois, les points cardinaux pouvaient être plus ou moins respectés, la priorité étant alors accordée à l’orthogonalité des voies.
Quant au Forum, cœur de la vie économique de la cité à cette époque, il était normalement situé à l’intersection des deux axes principaux, voire à proximité. Dans le cas de Lutèce (ancien nom de Paris), le decumanus, au tracé plus ou moins net, correspondrait à la rue Soufflot.
- Le cardo maximus, correspondait à l’axe nord-Sud le plus important d’une ville romaine (cardo signifiant « pivot » ou gond de porte et maximus (le plus grand)) et à l’axe qui structurait la ville dès sa création. Le cardo de Paris (Lutèce) était l’axe qui descendait la pente sud de la montagne Sainte-Geneviève par l’actuelle rue Saint-Jacques, bordé d’une série de bâtiments antiques étagés parmi lesquels les thermes de Cluny (au pied de la colline). Ce cardo franchissait une première fois la Seine par le Petit-Pont, traversait l’Ile de la Cité par la rue de la Cité, enjambait à nouveau la Seine par le Pont Notre-Dame pour emprunter un double cardo formé par la rue Saint Martin. Le second cardo correspondait au boulevard Saint Michel et la rue Saint Denis. Un troisième cardo sur la rive gauche suivait la rue Valette. Notons qu’au sommet de la montagne, les deux premiers cardos encadraient le bâtiment central de la Lutèce romaine appelé Forum.
C’est ainsi que les Romains assureront d’est en ouest et du nord au sud le plan de circulation au temps de celle qui portait alors le nom de Lutèce.
L’Histoire retiendra également le nom du baron Haussmann, l’autre grand concepteur d’une ville axée sur l’idée de circulation. C’est sous le Second Empire, et sur ordre de Napoléon, que le baron Haussmann entreprendra une modernisation globale de la capitale française, entre 1853 et 1870 : ce projet couvre alors tous les domaines de l’urbanisme, tant au cœur de Paris que dans ses quartiers extérieurs.
Rues, boulevards, réglementation des façades, espaces verts, mobilier urbain, égouts et réseaux d’adduction d’eau sont concernés par ces grands travaux. On équipe la capitale de nouveaux bâtiments publics et l’on agrandit la ville par l’annexion de plusieurs communes limitrophes, faisant ainsi passer le nombre d’arrondissements de douze à...vingt.
C’est que Napoléon III est décidé à en finir avec cette capitale médiévale, desservie par un lacis de rues étroites non adaptées à la circulation grandissante (en 1851, on compte 60259 voitures à attelages, l’équivalent de 300 km une fois ces équipages mis bout à bout, alors que la longueur totale de toutes les rues de la ville était de 500 km). La petitesse des rues conjuguée avec la hauteur des maison empêchaient aussi la bonne circulation de l’air et la dispersion des miasmes porteurs de maladies et de mort.
Précédemment, Paris avait déjà connu des tentatives de modernisation : en 1608, Henri IV fait ouvrir une voie devant relier le Pont Neuf à la porte de Buci et au bourg Saint Germain (l’actuelle rue Dauphine, première rue moderne et droite de Paris). Durant le 17ème siècle, la seule véritable percée urbaine est la rue du Roule ouverte en 1689 et reliant le Pont Neuf aux Halles.
Début 18ème, Paris assiste à la percée de son centre (aménagement des quais de Seine, destruction des maisons sur les ponts) dans les années 1780cpour améliorer la circulation urbaine ainsi que les conditions d’hygiène et d’espace. La révolution française poursuivra cette percée en construisant de nouvelles rues (reliant la place de la Nation à la grande colonnade du Louvre, entre autres). De son côté, Napoléon 1er amorce le tracé d’une rue monumentale le long du jardin des Tuileries. Puis apparaissent les arcades de la rue de Rivoli dès 1807. La même année, on perce la rue d’Ulm, première rue ouverte par voie d’expropriation.
Durant les années 1830, le préfet Rambuteau qui constate les difficultés à circuler et les problèmes d’hygiène entreprend de faire percer, en 1836, la rue qui porte aujourd’hui son nom. Conscient, face aux insurrections populaires, de l’insécurité croissante, il isole et agrandit le périmètre de l’Hôtel de Ville. Les deux épidémies de choléra qui ravageront Paris en 1832 et 1848 influeront également sur la nécessité d’agir.
Et Haussmann de prendre le relais au siècle suivant en prenant pour socle une coopération entre la normalisation publique et l’initiative privée. Un cadre juridique est imposé par l’Etat pour permettre la bonne réalisation de ces grands travaux (décret du 26 mars 1852) à savoir facilitation des expropriations, obligation des propriétaires de rafraîchir leurs façades tous les 10 ans, réglementation concernant le nivellement des voies de la capitale, de l’alignement des immeubles et de leur hauteur, et du raccordement à l’égout.
Des voitures à bras ou à cheval du 17ème siècle aux nouveaux engins de déplacements personnels d’aujourd’hui, la mobilité urbaine, piétonne ou automobile, et la sécurité des usagers ont toujours été un enjeu pour la police parisienne. Rattachée à la Préfecture de police, la Direction de l’ordre public et de la circulation a pour mission de gérer les flux de circulation, de s’adapter à l’évolution des moyens de locomotion et d’endiguer les nuisances engendrées par ces différentes mobilités.
Jadis, les déplacements ne se faisaient que grâce à la puissance humaine ou animale. Ainsi Emile Zola décrit-il des milliers d’ouvriers se rendant à pied et chaque matin au centre de la capitale pour trouver du travail. On comptait aussi plusieurs dizaines de milliers de chevaux dans le Paris de 1900, sur lesquels reposaient les grands systèmes de mobilité (omnibus, tramways et fiacres) comme les systèmes individuels privés pour les plus aisés et le transport de marchandises. L’énergie hippomobile supposait une logistique rodée avec des dizaines de petites écuries de quartier en plein Paris pour accueillir plusieurs dizaines de chevaux, parfois en étage, avec terrains et équipements agricoles périphériques pour le repos et la reproduction de ces animaux.
Cependant, les flux que connaissait cette ville pédestre et hippomobile étaient d’ores et déjà ceux de l’ère industrielle. En 1900, des millions de visiteurs se rendirent à l’Exposition universelle par train ou bateau, la vapeur ayant fait son apparition, mais une fois en ville, c’est bien par des systèmes à énergie animale que leurs déplacements étaient assurés.Et les moyens hippomobiles de bientôt révéler leurs limites (capacités faibles dues au manque de puissance des chevaux, encombrement des chaussées par l’augmentation des fréquences, etc...).
Les innovations techniques de la phase d’industrialisation qui marqua la Belle Epoque de la fin des années 1880 à 1914, permettront l’apparition de nouvelles formes de motorisation. Sans pour autant pouvoir prédire quelle serait la future énergie dominante, on distinguait déjà l’électricité comme pouvant jouer un rôle important : énergie phare de l’Exposition universelle de 1900 , où elle propulsa le métro, elle avait permis,un an plus tôt, à la « Jamais contente » d’être la première automobile à dépasser les 100 km/heure avant d’équiper plus tard les taxis new-yorkais. Face à elle, le pétrole souffrait du manque de fiabilité des premiers moteurs à la puissance limitée, et d’une image d’énergie sale.
Des concours seront organisés, aux côtés d’initiatives privées, pour expérimenter diverses sources énergétiques (électricité, pétrole, vapeur, air comprimé...) utilisées sur des systèmes automobiles (voiture individuelle, omnibus) ou ferroviaires (tramway, métro). Des combinaisons furent aussi testées comme les omnibus pétroléo-électriques proposés en 1905 par Krieger pour équiper le réseau parisien.
L’exposition « Circulez ! » présentée par le musée de la Préfecture de Police, à l’occasion des 130 ans de la naissance du permis de conduire, invite le visiteur à se confronter aux dangers de la circulation dans Paris à travers les âges, pour mieux comprendre les missions de la police parisienne qui favorise la mobilité en luttant contre l’insécurité et le manque de civisme.
Ces missions reviennent à la Direction de l’ordre public et de la circulation (DOPC), une des six grandes directions de la police. Chargée du maintien de l’ordre public, la DOPC est aussi responsable de la protection du siège des institutions de la république et des représentations diplomatiques, du contrôle du respect des dispositions du code de la route, et en particulier, de la prévention et de la lutte contre la délinquance et les violences policières. Un défi de taille à relever en cette période de crise.
INFOS PRATIQUES :
- Exposition « Circulez ! La Préfecture de Police au service de la mobilité » , jusqu’au 4 mars 2023, au Musée de la Préfecture de Police, 4 rue de la Montagne Sainte-Geneviève, à Paris (5ème). Www.museedelaprefecturedepolice.fr . Réservation obligatoire au 01 44 41 52 50. Accès gratuit.