Revoir le globe
Top


Exposition "Hiroshige et l'éventail, Voyage dans le Japon du 19ème siècle"
(Musée national des Arts asiatiques - Guimet, Paris, France)
Heure locale

Lundi 20 février 2023

 

Une fois de plus, le Musée Guimet nous comble en nous présentant, pour la première fois dans notre pays, un ensemble unique d’estampes d’Utagawa Hiroshige vouées à orner des éventails. Réalisées entre les années 1830 et 1850, ces estampes comptent parmi les plus rares et les plus recherchées de l’oeuvre de l’artiste qui fut l’un des derniers grands imagiers du Japon, à l’époque Edo.

Inventivité graphique et travail méticuleux caractérisent ces feuilles d’éventails, lesquelles décrivent les sites célèbres de la ville d’Edo, les paysages des provinces japonaises, des compositions de fleurs et d’oiseaux, des portraits féminins, des scènes historiques et littéraires, ou des images parodiques.

Les œuvres ici présentées proviennent de la Fondation Georges Leskowicz, heureux propriétaire de l’une des plus belles collections de ce genre au monde.

 

A la fois saisonnier et éphémère, cet accessoire plat en bambou qu’est l’éventail (uchiwa) devint populaire au pays du Soleil levant durant l’ère Edo et fut l’un des supports d’expression de la créativité des maitres de l’école picturale japonaise ukiyo-e.

D’abord écoulés en saison estivale par des colporteurs ou dans des échoppes provisoire lors de fêtes, l’éventail d’Edo s’afficha par la suite à la devanture des marchands d’estampes et de livres illustrés, lorsqu’il commença à porter la signature d’artistes célèbres, et ce, dès la fin du 18ème siècle. Objet jetable, l’éventail a souvent disparu. Quant aux estampes qui nous sont parvenues à ce jour, non découpées et dans leur premier tirage, elles font partie de celles qui n’ont jamais été montées sur leur armature et qui furent préservées par les éditeurs d’estampes ou les collectionneurs. Ces œuvre uniques et rares sont d’autant plus précieuses.

 

Utagawa Hiroshige réalisa plus de 650 estampes destinées à orner cet accessoire du quotidien. Et l’exposition installée au deuxième étage du Musée Guimet convie le visiteur à admirer la grande créativité graphique et les thèmes de prédilection de cet immense artiste, à travers une sélection de quelques 90 œuvres.

Certaines de ces œuvres représentent des sites célèbres de la ville d’Edo (l’actuelle Tokyo) : vues urbaines, jardins d’agrément, temples, lieux de distraction et d’excursion ou le quartier des plaisirs de Yoshiwara. Chaque représentation est marquée par les saisons, des instants particuliers de la journée, des rituels ou des fêtes et toujours animée par des personnages (souvent) féminins.

Les paysages des provinces du Japon, eux, décrivent avec force détails stations thermales, vues maritimes, lieux de pèlerinage ou encore la traversée des fleuves et ses scènes pittoresques.

Les éventails d’Hiroshige illustrent également les monde des plaisirs et les sujets de fiction à la mode et appréciés par le peuple d’Edo, comme les personnages féminins élégants, dans leur vie quotidienne ou dans des sites célèbres, et les thèmes littéraires ou classiques issus du répertoire contemporain du théâtre kabuki, voire du roman burlesque.

Enfin, les thèmes bucoliques illustrés de fleurs, végétaux, oiseaux et animaux occupent aussi une place non négligeable pari les estampes exposées.

 

Artiste majeur de la première moitié du 19e siècle, Utagawa Hiroshige apparaît comme l’un des derniers grands imagiers du Japon de l’époque Edo. Dessinateur, graveur et peintre japonais, il sera un artiste prolifique qui réalisera une œuvre de plus de 5400 estampes, entre 1818 et 1858.

Il se fera connaître notamment avec la série des « cinquante-trois stations du Tokaido », œuvre révélatrice d’un talent certain pour la production d’estampes paysagères. L’homme qui fait preuve d’inventivité et de diversité dans son œuvre excellera dans la réalisation d’estampes pour éventails plats, des pièces malheureusement éphémères, dont un certain nombre ont été rassemblées au Musée Guimet pour notre plus grand plaisir, grâce au concours de Georges Leskowicz, collectionneur hors-pair et ami du musée.

Mr Leskowicz est aujourd’hui reconnu mondialement comme l’un des plus grands collectionneurs d’estampes japonaises au monde avec plus de 2000 estampes, une collection qui ne cesse de croitre grâce aux œuvres de Hiroshige, Hokusai et Sharaku.

 

Quant à la Fondation Georges Leskowicz, elle entame un nouveau chapitre pour l’histoire de cette collection si précieuse. Notre collectionneur tient sa passion de son père, Aleksander, architecte à la réputation d’ardent collectionneur, qui rassembla en son temps l’un des plus beaux ensembles d’ouvrages rares et de manuscrits en langue polonaise. Une collection qui sera regrettablement dispersée lors de la Seconde guerre mondiale.

Après avoir vécu en France depuis 1973, Georges Leskowicz retourne dans son pays natal en 1989 et entreprend de reconstituer la collection paternelle. Les nombreuses recherches effectuées feront de lui un collectionneur pointu, au goût sûr et au jugement averti.

Au fil des ans, les thèmes de la collection s’élargirent aux costumes, encyclopédies, herbiers et bestiaires agrémentés de superbes illustrations. Des volumes sur l’histoire et la culture du Japon trouvèrent aussi leur place dans cet ensemble. C’est après avoir rencontré Hayashi Tadasama, commissaire général du Japon, qui deviendra plus tard marchand d’estampes, que Georges Leskowicz s’intéressera à ce pays, et plus particulièrement aux estampes japonaises reflétant la vie de la période Edo. Et de découvrir, lors de son premier voyage au Japon, Utagawa Hiroshige à travers un univers largement ouvert, qui lui fera prendre conscience de l’influence de l’ukiyo-e sur l’impressionnisme.

Depuis, un long chemin a été parcouru, et c’est pour partager la beauté et la richesse culturelle de ces œuvres que la Fondation Georges Leskowicz vit le jour en 2015.

 

Parcourons maintenant cette exposition :

 

  • Hiroshige et l’éventail. Voyage dans le Japon du XIXème siècle

    Grand imagier japonais, Utagawa Hirodhige est célèbre pour ses séries sur les routes du Tokaido et du Kisokaido, grâce auxquelles il introduisit le paysage dans l’estampe au début des années 1830, de pair avec Hokusai.

    Il transposa son talent au service de l’éventail, à travers plus de 650 œuvres, même si la plupart d’entre elles ont depuis disparu. Seules ne subsistent de cet art éphémère qu’une partie des feuilles, non découpées et miraculeusement préservées par les éditeurs d’estampes ou les collectionneurs.

    Après une courte introduction à l’art de l’éventail, l’exposition nous fait découvrir les thèmes de prédilection de Hiroshige, à savoir les sites célèbres d’Edo, les paysages des provinces japonaises, les compositions de fleurs et d’oiseaux, ou encore des portraits féminins, des scènes historiques ou littéraires et les images parodiques.

 

  • L’éventail plat et sa confection

    L’éventail plat (uchiwa) est typique de la région d’Edo et sa confection ne comporte pas moins de 20 étapes. Le manche et l’armature sont réalisés à partir d’une seule canne de bambou, un matériau choisi pour sa légèreté et sa robustesse.

    La canne est d’abord fendue verticalement pour former de 60 à 80 brins. Le manche rond, lui, mesure une dizaine de centimètres. Une ouverture latérale y est percée afin de faire passer une tige fine de bambou de renfort en forme d’art de cercle, qui constitue la partie basse de l’éventail. En effet, les éventails d’Edo ont pour la plupart une forme en ellipse (forme adaptée aux estampes) et plus rarement en trapèze, sans encoche à la base et avec un manche plat. Les deux faces sont recouvertes d’estampes, le revers étant imprimé avec peu de couleurs et dans des teintes légères.

 

  • Le commerce des éventails

    D’abord vendus à la criée, par de jeunes colporteurs qui les transportaient dans des hottes, ou enfilés sur deux tiges de bambou, ces éventails trouvèrent leur place au devant des devantures des marchands d’images ou à côté des estampes et des livres illustrés jusqu’à la fin du 18ème siècle dès lors qu’ils furent signés par des artistes célèbres. Ces accessoires saisonniers étaient également écoulés durant l’été dans des échoppes provisoires lors de fêtes, ou sur des étals de rue.

    Jusqu’au 18ème siècle, le prix d’un tel éventail était modeste (de l’ordre de 12 à 16 mon, soit l’équivalent du prix d’un bol de nouilles, à l’époque). Les plus onéreux représentaient des portraits d’acteurs des pièces de théâtre kabuki à succès.

    La production d’éventails se poursuivra à l’époque Meiji puis ces objets deviendront des produits d’exportation qui fascineront les artistes européens, dont les impressionnistes comme Whistler ou Monet, qui reproduiront cet objet exotique dans leurs tableaux dès les années 1860.

 

  • L’éventail dans l’estampe japonaise

    L’éventail plat sera fréquent dans l’estampe japonaise dès le 18ème siècle, chez Harunobu tout particulièrement, en tant qu’accessoire féminin élégant, dans des scènes estivales. L’objet devient alors un marqueur de saison, surtout le sixième mois (juin) qui est le mois le plus chaud de l’année. Il est alors orné d’un blason ou d’un motif décoratif imprimé et souvent végétal. Si son utilité première était de rafraichir, il servait aussi à des tâches domestiques ou lors de divertissements estivaux (chasse aux lucioles).

    Quant aux portraits réalistes d’acteurs de théâtre kabuki, dans leur rôle favori, ils constitueront un motif majeur des éventails à partir de la fin du 18ème. Ainsi, des estampes de Hokushû et de Kunisada représenteront-t-elles ce type d’éventail circulaire utilisés comme support pour des portraits en trompe-l’oeil.

 

  • Les sites célèbres d’Edo

           Hiroshige en a représenté de nombreux (meisho) de cette ville d’Edo, une métropole abritant à l’époque plus d’un million d’habitants et ville native de l’artiste.
          La Sumida, fleuve bordant la ville à l’est, et d’où étaient tirés les feux d’artifice en été, mais aussi d’autres endroits du grand Edo formaient d’autres lieux de divertissements pour         les citadins lors notamment de la floraison des cerisiers. Beaucoup de ces paysages sont déclinés dans des séries contenant jusqu’à huit vues.

 

  • Les paysages des provinces

    Ils représentent plus de la moitié des sujets des feuilles d’éventails de Hiroshige et sont le pendant des séries consacrées aux grandes routes de communication du Tokaido et du Kisokaido, qui reliaient Edo à la capitale impériale, Kyoto.

    L’artiste fait preuve d’une fidélité sans failles dans la représentation de ces scènes paysagères comme par exemple les stations thermales d’Hakone, les sites de pèlerinage comme Enoshima, Oyama et Ise, ou la traversée des fleuves. Vues maritimes et sites lacustres font l’objet de remarquables séries comme celle des « Huit vues d’Ômi » autour du lac Biwa. On retrouve enfin Kyoto et ses sites remarquables (Arashiyama, fête de Gion...) parmi les thèmes favoris de Hiroshige.

 

  • Du monde des plaisirs à la fiction

    Les éventails de Hiroshige donnent aussi à admirer des personnages féminins élégants, dans leur cadre quotidien ou associés à des sites célèbres. L’artiste y développe des thèmes littéraires, classiques ou issus du répertoire contemporain du théâtre kabuki, voire du roman burlesque. Autant d’images appréciées par le public populaire d’Edo et qui font écho à des œuvres fictionnelles à la mode.

 

  • Fleurs, oiseaux et animaux

    Ces thèmes figurent dans près de 90 œuvres connues de l’artiste, sans parler des centaines d’estampes réalisées à partir de ces sujets apparus dans les années 1830, c’est à dire au tout début de l’oeuvre de Hiroshige dans ce genre. On trouve ainsi des feuilles d’éventails parmi les plus élaborées graphiquement avec un grand nombre de couleurs et de nuances, ce qui en fait aujourd’hui des œuvres rarissimes voire uniques.

 

 

 

INFOS PRATIQUES :


  • Exposition « Hiroshige et l’éventail, Voyage dans le Japon du 19ème siècle » », du 15 février au 29 mai 2023, au Musée national des arts asiatiques – Guimet, 6 Place d’Iéna, à Paris (16è).

           https://www.guimet.fr/event/hiroshige-et-leventail-voyage-au-japon-du-19e-siecle/


  • Catalogue de l’exposition « Hiroshige et l’éventail. Voyage dans le Japon du XIXème siècle », 96 pages, 70 illustrations. 13,50€.

 



Retour aux reportages







Qui Suis Je - Reportages - Médiathèque - Calendrier - Pays - La lettre - Contact
Site réalisé par Kevin LABECOT
Disclaimer - Version mobile