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Exposition "Paris, capitale de la gastronomie, du Moyen-Âge à nos jours"
(Conciergerie de Paris, Paris, France)
Heure locale

 

Lundi 17 avril 2023

 

En ce mois d’avril, le Centre des monuments nationaux présente « Paris, Capitale de la gastronomie, du Moyen-Âge à nos jours » jusqu’au 16 juillet 2023.

Cette exposition , installée dans la salle des Gens d’Armes qui servait de réfectoire à l’époque médiévale, propose un voyage dans la légende gastronomique de Paris, depuis le mémorable banquet de Charles V à la Conciergerie, jusqu’au large répertoire culinaire de la capitale actuelle, mêlant haute cuisine, traditions bourgeoises et populaires, et innovations. Une riche rétrospective offrant au visiteur œuvres d’art, manuscrits, enluminures, menus originaux, tableaux, créations culinaires, vidéos et photographies sans oublier une sélection d’arts de la table.

 

Malgré l’évolution sociétale pas très heureuse de notre pays, Paris conserve une vitalité unique sur la scène culinaire internationale: les nombreux chefs qui y exercent ont souvent une réputation mondiale, les apprentis cuisiniers y affluent du monde entier pour s’y former et les gourmets de toutes nationalités considèrent la capitale française comme une destination culinaire de premier plan.

 

A la fois laboratoire et conservatoire de la gastronomie, ce statut de capitale mondiale de la gastronomie est le résultat d’une histoire riche et féconde qui s’étend sur plusieurs siècles.

Mais au fait, pourquoi avoir choisi la Conciergerie pour présenter une telle exposition ?

Le contexte historique du monument s’y prêtait puisque la salle des Gens d’Armes, utilisée comme réfectoire au Moyen-Âge, et les cuisines sont de précieux vestiges du Palais de la Cité, qui reste le première résidence des rois de France à Paris.

Le but de l’exposition est de montrer que Paris, loin d’être un musée de la gastronomie, est une scène bien vivante qui se nourrit en permanence de ce qui vient de l’extérieur, des régions françaises ou du reste du monde, et qui se veut également être à la fois un conservatoire et un laboratoire. En effet, la fonction de la table ne se cantonne pas à l’aspect nourricier mais évoque aussi des liens de sociabilité, des rencontres artistiques et des débats politiques, autant de sujets auxquels le peuple prend part.

L’évènement se veut accessible au public le plus large, d’où la richesse et la variété des œuvres présentées, certaines provenant de grandes institutions et d’autres, de collections privées. De nombreux restaurants sont partie prenante dans ce projet (Tour d’Argent, Ritz, Maxim’s...) au même titre que la Maison Poilâne, qui a accepté de rééditer les meubles en pain réalisés jadis pour Salvador Dali.

L’éveil des sens est, de la même manière, sollicité chez le visiteur en recréant par exemple une épicerie au sein de la section consacrée aux Halles, laquelle présente les productions franciliennes, du champ à l’assiette.

 

L’autre question qui se pose est de savoir comment Paris s’est-il construit un répertoire culinaire unique au fil des siècles. Il se trouve que la ville a toujours été un lieu d’invention propice au développement d’une haute cuisine. La présence des élites du royaume a aussi eu son importance, tout comme l’existence d’une cuisine bourgeoise représentée par Le Ménagier de Paris dès le XIVème siècle et, bien sûr, une cuisine populaire. Dernier détail : le primat gastronomique de la capitale bénéficiera du fait qu’à partir du XVIIème siècle, Paris dominera l’édition culinaire et tous les livres de cuisine inédits y seront imprimés.

 

Il y a enfin les personnages qui firent la gastronomie : Marie-Antoine Carême qui est l’image de la destinée pâtissière de Paris. Guillaume Tirel, dit Taillevent, auteur du Viandier, grand texte de cuisine médiéval français, mais aussi cuisinier des rois Charles V et Charles VI.

 

La visite de l’exposition nous conduit de surprise en surprise: on y découvre que « le ventre de Paris », métaphore inventée par Emile Zola sanctuarise ainsi le marché nourricier de la capitale depuis ses débuts, au marché du Palu de l’île de la Cité, transféré plus tard vers le centre de Paris. Au milieu du 19ème siècle, ce marché prendra de l’ampleur avec la construction des pavillons par Baltard . Des extraits sonores de l’Ina et de magnifiques tableaux convient d’ailleurs le public à plonger dans la bouillonnante atmosphère des Halles.

On apprend également que le restaurant est bel et bien une invention parisienne: ce concept fut une façon de développer l’aura gastronomique de la capitale, même si cela ne s’est fait que progressivement. Dès le Moyen-Âge, Paris propose des produits fins venus de toute la France. Et depuis l’entre-deux-guerres, Paris est devenue une vitrine des cuisines régionales et mondiales. Sur place, le visiteur découvre une reconstitution inédite d’un cabinet particulier du Café anglais, le plus célèbre restaurant de la capitale au 19ème siècle. Cette notion de cabinet particulier est une originalité parisienne qui réintègre la sphère privée au sein d’un espace public. L’endroit était utilisé comme lieu de débats ou ...d’ébats.

Une anecdote pour clore ce chapitre: l’invention du Cheese Nan est française, On la doit à un Alsacien qui, en 1967, de retour de Londres, ouvre un restaurant indien rue de Berry. Pour tenter de faire un Paneer Nan, recette traditionnelle, il remplaça le fromage indien par ...de la Vache qui rit. Cette recette a depuis lors fait le tour du monde. On trouve aussi de faux-amis : le bœuf bourguignon, la sauce béarnaise ou la Sole à la Normande sont en fait parisiens. Encore une preuve de la capacité de la capitale française à absorber et à assimiler des influences venues d’ailleurs.

 

Cette exposition se décompose en cinq parties :

 

Paris reçoit

 

Cette section explore le rôle de Paris, capitale politique, dans le rayonnement de la gastronomie française. Quand Paris reçoit, c’est l’Etat qui reçoit,, et donc ses représentants.

Sous l’Ancien Régime, les festins parisiens sont là pour témoigner de l’hospitalité offerte par les autorités municipales aux rois de France, sous la forme d’un acte d’allégeance de la cité à l’autorité monarchique.

 

Cette première partie met à l’honneur la table médiévale dans l’écrin de la Conciergerie, précieux héritage du palais royal capétien. Comme souligné plus haut, Taillevent a d’ailleurs officié dans les cuisines de la Conciergerie pour le banquet du 6 janvier 1378 qui fut offert par le roi Charles V à l’empereur romain germanique Charles IV. Le menu original est présenté accompagné d’une sélection d’arts de la table du Musée du Louvre et de rares et précieux manuscrits prêtés par la BnF. On peut ainsi admirer le Viandier et le Mesnagier de Paris, témoins respectifs des deux grandes traditions culinaires parisiennes aristocratique et bourgeoise. Un fragment de la table de marbre noir autour de laquelle le festin s’est déroulé est aussi exposé.

Une expérience immersive au sein de ce banquet et dans les cuisines, enrichie de nouvelles reconstitutions en 3D sur l’Histopad, tablette de réalité augmentée de la Conciergerie complète cette première section.

 

Le Ventre de Paris

 

Ce titre tiré du célèbre livre d’Emile Zola dresse le portrait des grandes Halles construites par Victor Baltard sous la forme d’un immense estomac.

Depuis le Moyen Âge, la capitale est vue comme dotée d’un appétit croissant qu’il faut bien satisfaire.

Le visiteur est ainsi invité à plonger dans l’ambiance du cœur nourricier de Paris avec ses métiers, ses figures, son argot,et donc l’écosystème alimentaire sur lequel la capitale a bâti une partie de sa légende gastronomique.

Avant que les Halles ne déménagent à Rungis, en 1969,c’est tout un peuple de travailleurs et de clients qui se presse au centre de Paris pou se fournir en diverses denrées et s’alimenter. Depuis la légendaire gratinée, emblème de la vie nocturne canaille, jusqu’aux mets les plus délicats, les tables parisiennes se ravitaillent abondamment aux Halles et y renouvellent leurs cartes.

Un ventre de Paris également immortalisé par la littérature, les beaux-arts et les photographies, à l’image des célèbres tirages de Doisneau.

 

Cette même section nous invite également à (re)découvrir le terroir francilien, région dont la production demeure dynamique (grâce, entre autres, aux Champignons de Paris, au cresson de Méréville, aux cerises de Montmorency et au brie de Meaux...) Les alentours de la capitale fournissent en effet aux gourmets d’innombrables trésors agricoles de renom comme l’asperge d’Argenteuil pour laquelle les orfèvres parisiens ont conçu des ustensiles de dégustation dédiés, à l’image des pinces et pelles à asperges de la maison Christofle.

Cette histoire et foisonnante production sont illustrées par des objets, des gravures, des tableaux des photographies et des films. Une épicerie reconstituée donne même à voir des productions franciliennes, du champ à l’assiette.

 

Le restaurant, une invention capitale

 

Cette troisième partie nous convie à découvrir le récit de l’invention du restaurant et de son extension, du Palais Royal aux grands boulevards, puis au reste de la capitale. On passe ainsi des grandes tables à celles des bistrots, ou encore par les cabinets particuliers décrits plus hauts, sans oublier le bouillon restaurant. Autant de lieux mythiques de la restauration parisienne.

Fin XVIIIème, le restaurant se distingue par le raffinement des décors et des tables, la qualité des mets et leurs prix, la propreté des lieux et un service personnalisé novateur. L’exposition présente ainsi la carte du restaurant des Frères Very (installé au Palais Royal dès la fin des années 1780). L’utilisation de telles cartes, avec les plats disponibles et leurs prix constituent l’une des innovations du restaurant et l’un de ses traits distinctifs.

Le XIXème siècle permet le plein essor du restaurant, devenu un nouveau rite urbain et un nouveau loisir comme la sortie au restaurant qui voit le jour, y compris pour les femmes.

 

Tableaux, gravures, arts de la table et mobilier, menus et livres fondateurs illustrent cette section, tandis que des services issus des plus prestigieux établissements de la capitale sont, pour certains, présentés au public de façon inédite. Une reconstitution du cabinet du mythique Café Anglais (boulevard des Italiens) est offerte aux visiteurs, et une vitrine est spécialement consacrée à une sélection des arts de la table de la maison Christofle.

 

Le restaurant représente aussi l’un des cœurs de la vie politique, intellectuelle, artistique et littéraire, comme en témoignent par exemple Colette et Jean Cocteau, habitués du Grand Véfour, ou encore Simone de Beauvoir et Jean-Paul Sartre qui avaient leurs habitudes du côté de Saint-Germain-des-Prés.

Cette nouvelle géographie du restaurant est synonyme d’une émancipation sociale et chacun a désormais son établissement : à l’élite citadine les grands restaurants, les pavillons et les tables des palaces et à la clientèle populaire les bistrots, bouillons et brasseries. Et le restaurant d’être ainsi devenu, au fil du temps, le creuset d’une prodigieuse richesse gastronomique mais aussi la vitrine des arts décoratifs et un haut lieu de sociabilité.

 

 

Pain et pâtisserie, Paris sur le devant de la scène

 

Entre millefeuille, croissant, macaron, Paris-brest, opéra et baguette, la capitale française peut se prévaloir d’avoir enfanté bien des spécialités. Celle-ci a aussi vu naître Antoine Carême, « le roi des chefs et le chef des rois », comme grande figure tutélaire de la pâtisserie moderne.

L’histoire d’amour entre Paris et le pain ne date pas d’aujourd’hui. Déjà, sous l’Ancien Régime, les Parisiens avaient une préférence pour le pain blanc. Dès le XVIIème siècle, grâce à la levure de bière et à divers perfectionnements, on assiste à l’apparition de différents petits pains de « mode » (plus de 70 sortes à Paris au milieu du 19ème siècle), la baguette telle qu’on la connait aujourd’hui ne faisant son entrée qu’au début du 20ème.

 

Paris symbolise également le règne du sucre : au Moyen-Âge, les pâtissiers fabriquaient tartes, pâtés garnis de viandes, de poissons, de fromages ou de fruits mais aussi des préparations à base de lait, d’oeufs et de crème. Le pâtissier dans le sens où on l’entend aujourd’hui était chargé du service des desserts dans les grandes maisons aristocratiques.

Cette section dédiée à l’indétrônable capitale du sucre et de la boulangerie offre d’admirer gravures, décors, tableaux, photographies et créations audiovisuelles et culinaires. Une vidéo inédite met ainsi en valeur les gestes pâtissiers et le lustre et le buffet espagnol du XVIIIème siècle en pain, commandés par Dali pour sa femme Gala à Lionel Poilâne en 1971. L’Ecole Valrhona, elle, s’est affairée à reproduire en chocolat la flèche de la Sainte-Chapelle réalisée en sucre au siècle dernier.

 

Paris, terre d’affluences et d’influences

 

La dernière partie de cette exposition met à l’honneur le Paris gastronomique en tant que carrefour propice aux échanges, aux métissages et à la créativité.

La Ville Lumière, arbitre des élégances culinaires, doit la richesse de son offre gourmande au reste de la France, c’est à dire aux produits bruts qu’elle en reçoit, aux restaurants de cuisine régionale qu’elle accueille et aux mets de ses épiceries fines. Et la cuisine française de s’élaborer dans les restaurants parisiens et d’être codifiée dans des ouvrages publiés à Paris.

Dans l’entre-deux-guerres, l’aventure se poursuit avec les cuisines régionales qui acquièrent leurs lettres de noblesse, permettant à la capitale d’ajouter les « restaurants de terroir » à son palmarès. Au même moment, les restaurants proposant des cuisines venues d’ailleurs se multiplient de manière inédite, participant aussi au prestige gourmand de la ville.

Cartes, guides, factures, objets, menus, photographies et vidéos illustrent généreusement cette section qui invite le visiteur à se plonger dans le prestige gastronomique de Paris vu de l’étranger, à travers l’aura médiatique et culturelle dont jouit la capitale. Un rayonnement français qui se présente d’ailleurs sous formes diverses comme ces cuisiniers étrangers qui viennent de former et travailler à Paris, tous participant à leur façon au prestige gourmand de la Ville Lumière.

 

 

INFOS PRATIQUES :

  • Exposition « Paris, capitale de la gastronomie du Moyen-Âge à nos jours » jusqu’au 16 juillet 2023, à la Conciergerie de Paris, 2 boulevard du Palais, à Paris (1er).https://www.paris-conciergerie.fr

     

  • « Paris capitale de la gastronomie » (Editions du Patrimoine), petit journal de 16 pages pour accompagner la visite de l’exposition. Disponible à la boutique au prix de 8€.

     

  • Merci au Pôle presse du Centre des monuments nationaux pour son aide.










 



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