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Exposition "La Haine des Clans, Guerres de religion 1559-1610"
(Musée de l'Armée, Paris, France)
Heure locale

 

Lundi 8 mai 2023

 

Le Musée de l’Armée nous invite à explorer la part sombre de la Renaissance au 16ème siècle à travers les querelles religieuses, les troubles civils et une profonde remise en cause du pouvoir royal. Un chapitre historique de désordre et de déraison, qui, quarante ans durant et huit guerres de religion plus tard, va embraser le royaume en une succession d’affrontements, de répressions, de scandales et de massacres, bref, une frénésie de violences qui trouveront leur paroxysme avec la Saint-Barthélémy.

 

Le musée de l’Armée consacre une exposition à l’histoire fascinante et excessive des guerres de religion qui pose les bonnes questions : Quels sont les ressorts de ces guerres ? Leurs enjeux? Les temps forts ? Les protagonistes ? Nous y découvrons les troubles qui divisèrent le royaume entre la mort accidentelle d’Henri II en 1559, et l’assassinat d’Henri IV en 1610.

L’un après l’autre sont mis en scène les grands acteurs de l’époque, de la Ligue « ultra » catholique menée par les Guise au clan protestant conduit par les Condé, en passant par le parti plus modéré des Montmorency. Pièces d’équipements guerriers, portraits, documents d’archives et ouvrages anciens font ainsi revivre les destins et les cheminements individuels des grands courtisans, chefs de guerre et chefs de parti. Cette exposition évoque aussi l’écho international rencontré par ces guerres de religion.

Curieusement, cet épisode historique entre en résonance avec notre réalité contemporaine dans ses mécanismes sous-jacents et dans ses représentations (images, pamphlets, placards) qui font de ce conflit le premier conflit médiatique de l’Histoire. Le visiteur pourra ainsi s’interroger sur la place de l’image et de la rhétorique dans les conflits, sur le fonctionnement de notre société en temps de guerre civile, sur les enjeux et les limites de l’action politique et sur la longue maturation de l’Etat.

 

1 – La foi déchirée

 

En 1521, la publication des 95 thèses de Martin Luther trouve des échos en France, où des opuscules du moine allemand sont imprimés et diffusés. A la cour, Marguerite de Navarre, sœur de François 1er et protectrice des « évangéliques » favorables à la réforme de l’Eglise romaine, s’oppose au conservatisme des conseillers du roi. Le souverain, lui, hésite entre tolérance et sévérité lors des attentats commis contre des statues de saints et au moment de l’affaire des placards en 1534 (qui voit fleurir des affiches contre la messe jusque dans les résidences royales).

Alors que le roi négocie volontiers des alliances avec les princes protestants opposés à Charles Quint, le réformateur Jean Calvin dédie au roi son « Institution de la religion chrétienne » en 1536, avant d’organiser depuis Genève, et cinq années plus tard, l’Eglise réformée française (dont les premières communautés ne se mettront en place qu’à partir de 1555, mais avec vigueur puisqu’on en comptera environ 1400 en 1562, soit près de deux millions de fidèles, l’équivalent de 10 % de la population du royaume.

 

2 – La France en ses frontières

 

Sous les règnes de François 1er et de Henri II, on note un renforcement de l’autorité et une centralisation de l’autorité royale. A cette époque, le royaume de France est le plus peuplé d’Europe et possède de nombreux atouts : riches terres agricoles, production manufacturière conséquente et naissance d’un sentiment national.

Cela n’empêchera pas pour autant le pays de vivre un tournant au sortir des guerres d’Italie, en 1559, avec la banqueroute de l’Etat, le décès accidentel d’Henri II (sans héritier en âge de régner) et le début des querelles religieuses qui affaibliront le pouvoir royal durant plusieurs années.

La société, alors confrontée à de nombreuses incertitudes, à la hausse des prix, aux disettes et au retour des épidémies va alors se tourner vers Dieu tout en délaissant ses médiateurs naturels, à savoir l’Eglise romaine et le Clergé. On assiste dans le même temps à l’explosion des conversions à la Réforme.

La signature du traité du Cateau-Cambrésis, le 3 avril 1559 consacre l’hégémonie espagnole, dépossède la France d’une grande partie de ses possessions italiennes (ce qui mécontente certains nobles), laquelle conforte son territoire en récupérant Calais et en gardant les trois évêchés de Metz, Toul et Verdun.

 

3 – De l’art de commencer une guerre

 

L’avènement de François II en 1560 marque l’entrée au Conseil royal des oncles (François de Lorraine, duc de Guise et Charles, cardinal de Lorraine). La même année survient la conjuration d’Amboise, fomentée par les protestants pour écarter les Guise du pouvoir, conjuration sévèrement réprimée ce qui accroitra les dissensions.

Lorsque François II meurt le 5 décembre 1560, son frère Charles IX, encore mineur, est placé sur le trône mais ne peut gouverner. Une période de régence s’ouvre alors avec à sa tête Catherine de Médicis, laquelle conduit une politique de dialogue entre les partis malheureusement couronnée par l’échec.

Aux divisions religieuses s’ajoutent les rivalités politiques entre les grandes familles de la noblesse et plusieurs conflits sociaux dans une période de grave crise financière.

Une première guerre civile est déclenchée en mars-avril 1562. Cette première guerre civile marquera le début d’une période de quarante ans d’affrontements armés en France.

 

4 – La Saint-Barthélémy, ses violences et ses massacres

 

Assassinats et tueries se multiplient au cours de la seconde moitié du 16ème siècle. Et les huguenots d’enchainer actes d’iconoclasme et destructions en s’en prenant aux objets ou aux images liés au culte. Les catholiques ripostent, en massacrant les « hérétiques » à Wassy, Sens, Tour et Orange. Massacrés à leur tour par des protestants (en 1567 à Nîmes, l’enchainement des violences atteint son paroxysme cinq années plus tard, en août 1572, avec la Saint-Barthélémy : enclenchée par l’assassinat de l’amiral de Coligny et des chefs protestants présents à la capitale au lendemain du mariage d’Henri de Navarre, futur Henri IV, et de Marguerite de Valois, le massacre va se généraliser trois jours durant, ensanglantant Paris avant de se répandre dans d’autres villes. On estime alors à 10 000 morts le nombre des victimes de ce triste épisode.

 

5 – La guerre des Esprits, les factions et le régicide

 

Les affrontements religieux et politique se font également par voie de « presse » grâce à l’essor de l’imprimerie : pamphlets, placards et opuscules de propagande contribuent à une guerre des esprits, premier conflit médiatique de l’Histoire.

Très vite, le conflit religieux se transforme en guerre de partis animée par des ambitions politiques ou des haines personnelles. En 1574, les Malcontents s’allient avec les protestants pour contrer l’influencer des Guise,et les catholiques radicaux créent une ligue deux ans plus tard, alliance soutenue par l’Espagne. En 1584, Henri IV devient le seul héritier du trône en 1584 et subira lui aussi les conséquences de ce climat haineux cultivé par la Ligue. En effet, deux régicides ont lieu successivement, celui d’Henri III et celui d’Henri IV.

 

6 – Le monde, théâtre des guerres de religions

 

La royauté française, par le biais de Catherine de Médicis, déploie une diplomatie active avec les cours étrangères, durant les guerres de religion. Les projets matrimoniaux impliquant les enfants royaux en font partie, et les desseins « ultra-marins » formeront un autre pan des relations avec d’autres nations (à travers notamment les expéditions au Brésil et en Floride qui donneront lieu à l’installation d’éphémères colonies perçues comme de possibles menaces pour l’Espagne et le Portugal, mais qui permettront aux catholiques et aux protestants de cohabiter).

Quant aux troubles affectant le royaume de France, ils inquiètent les autres Etats européens qui finissent par s’impliquer en faveur de l’un ou l’autre des partis. L’ancienne alliance avec les cantons suisses fournit à l’armée royale des fantassins certes coûteux mais réputés. L’Espagne, elle, soutient le roi de France contre les protestants et subventionne la Ligue lorsqu’elle s’oppose aux catholiques modérés et au calviniste Henri de Navarre. Quant aux Etats protestants, (Pays-Bas, Angleterre, Palatinat ou Danemark), ils apportent eux huguenots subsides et troupes.

 

7 – Politique en fête

 

De 1564 à 1566, Catherine de Médicis a l’idée d’effectuer un tour de France afin de présente le royaume à son jeune fils Charles IX.Ce voyage valide la nouvelle politique de pacification religieuse et de rétablissement de l’ordre public entérinée par l’édit d’Amboise (1563), mettant ainsi fin à la première guerre de religion.

Ce tour de France est l’occasion de grandes festivités autour de la culture chevaleresque (festins, bals, mascarades, naumachies et tournois).

D’autres fêtes ont lieu en 1572, celles du mariage d’Henri de Navarre et de Marguerite de Valois qui mettent en scène la concorde entre les partis par la musique, la poésie et les tournois.Puis il y aura les spectaculaires réjouissances données pour les noces d’Henri III avec Marguerite de Lorraine-Vaudémont en septembre 1581, avec, pour thème l’apaisement des passions...

Catherine de Médicis, est, à chaque fois, la grande organisatrice de ces festivités qui faisaient de la cour le lieu de l’harmonie retrouvée et de la réconciliation autour du souverain

8 – Gouverner en temps de guerre civile

 

Conflits militaires, dissensions et politique du coup par coup n’empêchèrent pas le royaume de France de mettre à profit cette période de guerres de religion pour bâtir l’Etat monarchique : à la disparition d’Henri II, on observe une érosion de l’autorité royale, dont les Grands (Montmorency, Bourbons, Guise, Châtillon) profitent pour afficher leurs rivalités et leur prétention à diriger le Conseil royal. C’est pourquoi Henri III s’efforcera durant son règne de renforcer l’appareil d’Etat avec un personnel qualifié et spécialisé pour rétablir l’autorité du roi. Mission accomplie si l’on considère que le pouvoir royal parviendra coute que coute à maintenir la paix, quarante années durant, malgré la pression des partis ou des ingérences étrangères.

 

9 – Réconciliations

 

A peine arrivé sur le trône, Henri IV, confronté à une vive opposition intérieure, doit partir à la reconquête de son royaume et de ses sujets, en usant à la fois de la force et de la propagande. Le roi privilégie toutefois les négociations et les concessions pour ramener ligueurs et anciens ennemis dans le droit chemin, celui du parti royaliste.

Henri IV se convertit ainsi au catholicisme et prononce son abjuration à Saint-Denis le 25 juillet 1593 . Ces deux actions vont convaincre les ligueurs de le rejoindre, d’autant plus que le roi établit aussi près de 70 édits de pacification entre 1594 et 1598. Le dernier ligueur s’étant soumis le 20 avril 1598, Henri IV signe peu de temps après l’édit de Nantes qui garantit les libertés religieuses.. Suivra la paix de Vervins (2 mai 1598), laquelle mettra à la fois un terme à la guerre avec l’Espagne, et à près de quarante années de guerre civile.

 

10 – Et après...

 

Avec le temps, on s’aperçoit que l’édit de Nantes de 1598 n’est finalement qu ‘un éphémère répit dans la longue confrontation de la monarchie catholique avec les protestants.

Ainsi l’édit de grâce d’Alès de 1629 du cardinal de Richelieu garantira la liberté de culte aux huguenots, mais leur retirera leurs privilèges politiques et leurs places de sûreté. La révocation de l’Edit de Nantes en 1685 entrainera l’exode massif de ces mêmes huguenots et une résistance armée dans les Cévennes.

Plus tard, en 1787, l’édit de Versailles ouvrira la voie à leur reconnaissance civile (confirmée en 1791 par l’éphémère constitution), leur reconnaissant de cette manière la pleine citoyenneté.

Ainsi la césure définitive entre le politique et la religion, entre l’Etat et la foi, est accomplie par la loi de séparation de 1905, encore en vigueur aujourd’hui.

 

 

INFOS PRATIQUES :


  • Exposition « La Haine des Clans (1559-1610), jusqu’au 30 juillet 2023, au Musée de l’Armée, Hôtel des Invalides, 129 rue de Grenelle, à Paris (7ème).

  • Catalogue « Les guerres de religion », 360 pages, 200 illustrations, 39€.









 



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