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Exposition "Sarah Bernhardt. Et la femme créa la star"
(Petit Palais, Paris, France)
Heure locale

 

Lundi 12 juin 2023

 

A l’occasion du centenaire de la disparition de Sarah Bernhardt, le Petit Palais (Paris) convie le public à découvrir l’exposition exceptionnelle « Sarah Bernhardt, Et la femme créa la star », jusqu’au 27 août. Figure emblématique du tournant des 19ème et 20ème siècles, celle que l’on surnommait «  La Divine » était actrice tout autant qu’artiste. Le musée détient l’un de ses plus beaux portraits peint par son ami Georges Clairin tableau offert par son fils Maurice au musée au décès de sa mère, ainsi que plusieurs sculptures qu’elle réalisa elle-même.

 

Ce sont plus de 400 œuvres que le visiteur découvre tout au long du parcours de l’exposition, témoins de la vie et de la carrière de ce « monstre sacré », comme se plaisait à dire Jean Cocteau. L’évènement révèle également des aspects de sa vie moins connus comme son activité de peintre, d’écrivain, et surtout de sculptrice.

Sarah Bernhardt reste l’interprète mythique des plus grands dramaturges comme Racine, Shakespeare...ce qui lui valut de triompher sur les scènes du monde entier. L’exposition évoque ses plus grands rôles à travers ses costumes de scène, des photographies, des tableaux et des affiches. Les spectateurs étaient alors envoutés par sa « voix d’or » et sa silhouette longiligne, au même titre que le monde artistique et littéraire de l’époque qui lui vouait un véritable culte.

Parmi ses amis, on retrouve des artistes comme Gustave Doré, Georges Clairin, Luise Abbéma, Alfons Mucha, mais aussi des écrivains (Victor Hugo, Edmond Rostand, Victorien Sardou ou Sacha Guitry) et des musiciens (Reynaldo Hahn). Elle- même artiste, on la retrouve à travers une section entière de l’exposition qui détaille cet aspect moins connu de son existence, grâce à des photographies et des tableaux qui la montrent au travail ainsi que de nombreuses sculptures.

Sur place, on découvre aussi de nombreux objets lui ayant appartenu et qui illustrent la « Sarah intime », son intérieur, sa garde-robe et ses goûts pour les excentricités et les bizarreries.

D’un caractère bien trempé, Sarah Bernhardt sera sans cesse à l’affût de nouveautés, n’hésitant pas à utiliser sa propre image pour sa publicité. L’exposition consacre un chapitre sur ses voyages dans le monde entier. Autant dire que c’est à cette femme hors-norme, libre, engagée et passionnée, que le Petit Palais a choisi de rendre hommage à travers cet événement.

 

Il suffit de lire Edmond Rostand dans la préface qu’il consacra à l’ouvrage que Jules Huret écrivit en 1899 sur Sarah Bernhardt pour mesurer l’extraordinaire personnalité de cette star infatigable. Extraits : « Un cab s’arrête devant une porte ; une femme, dans de grosses fourrures, descend vite ; traverse la foule, qu’amassa le seul grelot de son attelage, en lui laissant un sourire ; monte légèrement un escalier en colimaçon ; envahit une loge fleurie et surchauffée ; lance d’un côté son petit sac enrubanné dans lequel il y a de tout, et de l’autre son chapeau d’ailes d’oiseau ; mincit brusquement de la disparition de ses zibelines; n’est plus qu’un fourreau de soie blanche; se précipite sur une scène obscure ; anime de son arrivée tout un peuple pâle qui bâillait, là, dans l’ombre ; va, vient, enfièvre tout ce qu’elle frôle ; prend place au guignol, met en scène, indique des gestes, des intonations ; se dresse, veut qu’on reprenne, rugit de rage, se rassied, sourit, boit du thé ; commence à répéter elle-même ; fait pleurer, en répétant, les vieux comédiens dont les têtes charmées sortent de derrière les portants ; revient à sa loge où l’attendent des décorateurs ; démolit à coups de ciseaux leurs maquettes, pour les reconstruire ; n’en peut plus, s’essuie le front d’une dentelle, va s’évanouir ; s’élance tout d’un coup au cinquième étage du théâtre, apparaît au costumier effaré, fouille dans les coffres d’étoffes, compose des costumes, drape, chiffonne; redescend dans sa loge pour apprendre aux femmes de la figuration comment il faut se coiffer ; donne une audition en faisant des bouquets ; se fait lire cent lettres, s’attendrit à des demandes... ouvre souvent le petit sac tintant où il y a de tout ; confère avec un perruquier anglais ; retourne sur la scène pour régler l’éclairage d’un décor, injurie les appareils, met l’électricien sur les dents ; se souvient, en voyant passer un accessoiriste, d’une faute qu’il commit la veille, et le foudroie de son indignation ; rentre dans sa loge pour dîner ; s’attable, magnifiquement blême de fatigue, en faisant des projets ; mange, avec des rires bohémiens ; n’a pas le temps de finir ; s’habille pour la représentation du soir, pendant qu’à travers un rideau le régisseur lui raconte des choses ; joue éperdument (sic) ; traite mille affaires pendant les entr’actes ; reste au théâtre, le spectacle terminé, pour prendre des décisions jusqu’à trois heures du matin ; ne se résigne à partir qu’en voyant tout le personnel dormir respectueusement debout ; remonte dans son cab ; s’étire dans ses fourrures en pensant à la volupté de s’étendre, de se reposer enfin ; pouffe de rire en se rappelant qu’on l’attend chez elle pour lui lire une pièce en cinq actes ; rentre, écoule la pièce, s’emballe, pleure, la reçoit, ne peut plus dormir, en profite pour étudier un rôle... »

 

Le récit de sa vie débute par sa jeunesse, dont une enfance délaissée en province. A la fin des années 1850, la jeune fille rejoint sa famille maternelle à Paris, où elle ne tarde pas à devenir une demi-mondaine auprès du duc de Morny, demi-frère de Napoléon III. C’est à lui qu’elle doit de faire son entrée au Conservatoire. Après divers petits rôles, Sarah Bernhardt est enfin révélée en 1869 au théâtre de l’Odéon dans Le Passant de François Coppée, puis trois ans plus tard, dans le rôle de le Reine de Ruy Blas de Victor Hugo, et toujours dans le même théâtre. Devant un tel succès, elle accepte de réintégrer la Comédie-Française. Compte tenu de sa forte personnalité, on la surnomme « Mademoiselle Révolte » car se faisant remarquer autant par son talent de comédienne que pour ses frasques que défraient la chronique. Nommée sociétaire en 1875, elle reste insatisfaite des rôles qu’on lui confie et le fait savoir. Son cuisant échec dans L’Aventurière d’Emile Augier, une pièce qu’elle ne ressentait pas, la convainc de démissionner de la Comédie-Française et d’en informer la presse.

 

Dans les années 1870, Sarah vit entourée d’artistes, dont Georges Clarin et Louise Abbéma, qui seront particulièrement proches de la star.Tous deux s’attachent à peindre Sarah sur scène mais aussi dans la vie intime. Le portrait que Georges Clarin compose de la Divine la montre dans un somptueux déshabillé blanc qui met en valeur sa silhouette. Un portrait qui reste d’ailleurs l’un des plus célèbres de l’actrice et qui constitue l’un des fleurons de la collection du Petit Palais.

Influencée par ses amis, Sarah se met à peindre et à sculpter. Elle se révèle si talentueuse dans l’art de la sculpture qu’elle expose ses oeuvres de façon régulière au Salon.Aimant mettre en scène ses sculptures, l’actrice se fait bâtir un spectaculaire atelier-salon et invite le Tout-Paris mondain et artistique à venir admirer ses réalisations.

Durant toute sa carrière, Sarah Bernhardt apportera un soin particulier au décor de ses demeures. C’est rue de Fortuny, dans le quartier à la mode de la plaine Monceau qu’elle se fait construire un hôtel particulier en 1875. Un hôtel dont elle devra se séparer onze années plus tard alors qu’elle est criblée de dettes. Et de se réfugier boulevard Péreire, dans un autre hôtel où elle reconstitue une partie de son ancien décor à la fois spectaculaire, bizarre et foisonnant, à l’image de l’artiste. Un décor fait d’objets rapportés de ses nombreux voyages. Pour l’exposition, œuvres, costumes et objets personnels de l’actrice ont été rassemblés afin d’évoquer l’éclectisme de son goût.

Les excentricités font aussi partie du personnage et le goût de Sarah pour le macabre a a largement contribué à sa célébrité. Une morbidité qui remonte sans doute à son enfance, lorsqu’elle frôla la mort à plusieurs reprises. Pour conjurer sa peur de mourir, elle se fait photographier dans un cercueil. Et sa passion pour l’étrange de s’étendre aux animaux effrayants et fantastiques.

 

Le parcours de l’exposition se poursuit avec les grands rôles de Sarah Bernhardt, dont le répertoire comprend aussi bien Racine, Shakespeare que des auteurs du 19ème siècle comme Victor Hugo et Alexandre Dumas fils. Quant au dramaturge Victorien Sardou, un de ses auteurs préférés, il lui écrit des pièces sur mesure dans lesquelles l’actrice se révèlera triomphante. Une galerie consacrée aux grands rôles aborde une sélection des rôles les plus emblématiques de La Divine dont le talent s’exprimait tout spécialement dans ses « scènes d’agonie ».

Sarah Bernhardt s’illustre aussi dans des rôles de travesti, même si elle n’est pas la première ni la seule à incarner des rôles masculins, car le travestissement est très fréquent au théâtre au 19ème siècle.

A la fin de ce siècle, l’image de l’actrice est omniprésente et sa célébrité fait désormais de Sarah Bernhardt un monstre sacré, un terme forgé pour elle par Jean Cocteau. Star de l’Histoire, elle est habituée aux séances d’autographes.De nombreux artistes tentent également de la représenter et son image est déclinée sur de multiples supports, de la carte postale à l’affiche publicitaire. L’actrice, qui ne craint pas la « réclame » n’hésite pas non plus à associer son nom à des produits de consommation courante (biscuits Lu, poudre de riz...

Un chapitre de l’exposition est bien sûr consacré aux tournées de Srah Bernhardt et un espace multimédia permet de suivre l’artiste dans ses tournées internationales: l’actrice débute une série de tournées dès la fin des années 1870. Outre la volonté de faire rayonner la culture et le luxe français, ces voyages effectués à bord de son mythique train Pullman sont un moyen pour l’actrice de fuir un monde théâtral parisien parfois hostile, d’assurer son indépendance financière et d’assouvir un perpétuel besoin de découverte.

Sa grande tournée américaine de 1880-1881, à elle seule, lui vaudra de donner 156 représentations dans 50 villes, et en langue française. Partout, elle est accueillie comme une star.

 

Autre facette de Sarah Bernhardt, son profil de femme d’affaires. Après avoir dirigé le théâtre de la Renaissance de 1893 à 1899, la voici qui prend la tête du théâtre des Nations, Place du Châtelet, à Paris. A peine arrivée, elle le rebaptise à son nom et le hisse au rang des grandes scènes parisiennes. Infatigable, elle cumule les postes de meneuse de troupe, décoratrice, metteuse en scène et programmatrice, et ses spectacles grandioses sont largement financés par ses tournées internationales.

La rencontre entre Sarah Bernhardt et Edmond Rostand en 1894 fera date: l’artiste, conquise par le talent du jeune écrivain, elle joue, un an plus tard l’une des pièces, « La Princesse lointaine », puis « La Samaritaine » créée pour elle, en 1897. Désormais intime de l’écrivain, elle est invitée à séjourner à la Villa Arnaga de Cambo-les-Bains (64) et demande à Edmond Rostand (qui la surnomme affectueusement « la reine de l’attitude et la princesse des gestes ») d’écrire un texte pour son nouveau théâtre.Ce sera « L’Aiglon » et le triomphe assuré en 1900 au théâtre Sarah Bernhardt (avec plus de mille représentations).

Pour Victor Hugo, Sarah Bernhardt est « La Voix d’Or », une voix enregistrée sur des cylindres de cire gravés, dans un studio de Thomas Edison, inventeur du phonographe. L’artiste, friande des nouveautés, lui avait rendu visite aux Etats-Unis.

 

Sarah Bernhardt aura enfin été une citoyenne engagée dans les combats de son temps. En 1870, lors de la guerre franco-prussienne, elle met sur pied une ambulance au théâtre de l’Odéon, puis, au moment de l’affaire Dreyfus, elle se range aux côtés d’Emile Zola lorsque l’écrivain édite « J’accuse ». Lors de la Première guerre mondiale, amputée de sa jambe droite depuis 1915, elle rejoint le « Théâtre aux Armées » avec d’autres artistes pour apporter un peu de réconfort aux poilus. En 1916, elle part pour 18 mois de tournées aux Etats-Unis où elle cherche à sensibiliser l’opinion publique sur le sort de l’Europe. Au théâtre, elle joue des pièces patriotiques.

Ce n’est qu’à 50 ans révolus que le monstre sacré entame un carrière cinématographique, au Phono-Cinéma Théâtre de l’Exposition Universelle de Paris en 1900. Elle tournera en dilettante durant un quart de siècle, jusqu’à son dernier film, « La Voyante » réalisé la veille de sa mort. Ses films seront aussidiffusés à l’étranger.

Sarah, qui jouait à être elle-même, apparaît aussi dans un documentaire tourné chez elle, à Belle-Île-en-Mer (56) en 1912. L’actrice, qui se rendra en Bretagne dans les années 1870, découvrira cette île bretonne en 1893. Enthousiasmée par la beauté des lieux, elle fera l’acquisition l’année suivante d’un fortin militaire désaffecté qu’elle réaménagera en pavillons afin d’y couler des jours heureux entourée de ses amis et de sa famille. Toujours active, elle pratique la chasse, la pêche mais aussi la lecture et surtout la sculpture. Inspirée par la faune et la flore marines, elle réalise d’étranges bronzes aux patines raffinées, moulés sur des algues et des poissons, plus tard présentés avec succès à l’Exposition universelle de 1900.

 

INFOS PRATIQUES :

  • Exposition « Sarah Bernhardt. Et la femme créa la star », du 14 avril au 27 août 2023, au Petit Palais, Musée des Beaux-Arts de la Ville de Paris, Avenue Winston-Churchill, à Paris (8ème).
  • Www.petitpalais.paris.fr

     

  • Catalogue de l’exposition : 256 pages, 250 illustrations, aux Editions Paris Musées. 39€.


 



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