Lundi 18 septembre 2023
Du guet royal du XIIIème siècle au gardien de la paix d’aujourd’hui, les agents de Police ont toujours eu pour mission première d’assurer la sécurité de la cité et du citoyen. L’exposition « La Police d’hier et d’aujourd’hui » présentée au Musée de la Préfecture de Police de Paris jusqu’au 18 novembre prochain montre l'évolution de l’équipement et les modes opératoires du policier, en passant par ses moyens de locomotion ou les accessoires devenus incontournables comme les menottes ou le gilet pare-balles.
Administrer, prévenir, secourir...la Police dont l’origine du terme remonte au mot grec politeia, est chargée de gouverner la Cité pour assurer une vie collective harmonieuse. Elle doit par conséquent accompagner l’évolution de la société pour répondre à ses besoins.
Au sein de la République, elle prévient la contestation en amont grâce à sa fonction d’administration (délivrance des autorisations et autres permis), gère la manifestation légalement admise en encadrant les mouvements populaires et réprime les débordements susceptibles de mettre en péril la communauté.
De l’Ancien Régime à nos jours, la Police parisienne a du s’adapter pour garantir la protection de la cité. Une police dont l’acte de naissance est symbolisé par la création de la lieutenance générale de police en mars 1667.
La nécessité d’une police dédiée à la capitale du royaume de France s’impose compte tenu de l’essor démographique que connait Paris (près de 500 000 habitants à la fin du 17ème siècle, et plus de 600 000 en 1790) et cette obligation est énoncée en 1567 par Charles IX, puis confirmée par ses successeurs dont Louis XIV.
Cette police parisienne existe ben avant 1667 mais elle se caractérise par une absence d’organisation institutionnelle. On apprend ainsi que le Châtelet, institution du prévôt de Paris dispose de « commissaires examinateurs » dans les quartiers de la capitale. D’après un mémoire daté de 1718, on en comptait 8 en 1320, 32 en 1516 et 48 en 1635. Il faudra attendre la création d’un second châtelet sur la rive gauche de Paris en 1674 pour voir le nombre des commissaires passer à 55.
En 1702, le lieutenant général de police d’Argenson divise Paris en vingt quartiers (contre 17 auparavant) face à l’inégalité de peuplement liée à l’accroissement démographique depuis la dernière division de l’espace urbain effectuée en 1642. Désormais, le roi de France suit avec attention tout ce qui touche à la police : on assiste alors à la création de 500 offices de police à Paris, tous dépendants de l’Hôtel de Ville, entre 1633 et 1646. A cette époque, l’objectif est de contribuer au financement des guerres royales et pas de bâtir une institution policière cohérente.
Depuis le 16ème siècle, les commissaires se plaignent du poids des tâches policières qui les empêchent de mener à bien leurs missions et 40 offices d’inspecteurs de police voient le jour en février 1708. Leur mission consiste à inspecter le nettoiement des rues et à s’assurer du bon respect des règlements de police. Ces dispositions permettent ainsi de mieux encadrer l’espace urbain par une action plus mobile des agents de police qui sont dès lors davantage sur le terrain.
C’est Colbert qui propose à Louis XIV, en 1667, d’envisager une approche globale de la criminalité en constituant l’acte fondateur de la police sous l’Ancien Régime : le magistrat Nicolas de La Reynie devient alors le premier lieutenant général de police, en charge de la propreté de la capitale, du contrôle du port d’armes, de la gestion des incendies et des inondations, de l’approvisionnement et de l’activité des corporations. Doté de pouvoirs quasi illimités, l’homme dirige aussi le Bureau des lettres de cachet et des prisons d’Etat.
De l’Ancien Régime à nos jours la police parisienne devra s’adapter pour garantir la protection de la cité et l’on assiste peu à peu à la création de brigades spécialisées tandis que l’équipement des policiers se transforme progressivement pour assurer la sécurité des citoyens sur terre, sur l’eau et dans les airs.
Au fil de l’exposition, des évènements historiques charnières sont évoqués pour illustrer cette adaptation de la police : l’affaire de la bande à Bonnot en 1911 est ainsi évoquée car elle est à l’origine de la dotation en armes à feu de poing et en automobiles de la police parisienne. Jules Bonnot et ses acolytes ne sont pas des enfants de choeur. Opérant en France et en Belgique à la fin de la Belle Epoque, ce groupe qu’on surnommait « les Auto Bandits » utilisait pour ses méfaits des technologies de pointe dont des automobiles et des armes à répétition que la police française ne possédait pas encore.Mais face à la virulence de cette bande, la police et la troupe, qui savaient que Bonnot s’était réfugié à Choisy-le-Roi dans un garage, se résigneront à faire sauter à la dynamite le repaire du bandit pour ne pas exposer inutilement la vie des soldats et des agents de police.
Autre exemple : les débordements des manifestations du 6 février 1934, dus pour leur part à l ‘origine de l’abandon de l’utilisation de la brigade équestre dans la gestion des mouvements populaires à caractère houleux afin de préserver l’intégrité physique des chevaux qui avaient été gravement mutilés lors de cet épisode. Pour rappel, la crise du 6 février 1934 fait référence à une manifestation antiparlementaire qui tournera à l’émeute faisant 12 morts et des milliers de blessés.Touchée dès 1931 par la Grande dépression, la France souffre alors d’une grave crise économique et sociale à laquelle les gouvernements successifs échoueront à trouver des solutions. Ces manifestations de février 1934 compteront parmi les émeutes les plus sanglantes étant survenues sous la IIIème république.
A la suite de mai 1968, la tenue des agents chargés de l’encadrement des mouvements populaires a du être renforcée afin de garantir la protection des policiers confrontés aux jets d’objets contondants. Enfin, l’incendie de la cathédrale Notre-Dame de Paris, en 2019, a montré l’importance des drones, nouvelle technologie aérienne permettant notamment de cibler les foyers pour mieux poster les lances à eau et optimiser ainsi la lutte contre du feu.
Ces quelques exemples parmi d’autres sont mis en exergue par des objets, des illustrations ou des documents d’archives qui racontent le cheminement d’une institution au service de ses citoyens dans l’administration et la gestion de la collectivité sur la voie publique.
Uniformes, gilets pare-balles, boucliers de protection, casques, menottes, armes et drones mais aussi photographies et documents du service des Archives de la Préfecture de Police font voyager le visiteur dans le temps pour illustrer l’histoire de l’évolution des équipements du policier.
À l’heure où l’équipement des policiers, notamment les LBD et leur usage, suscitent questionnements et polémiques, il n’est pas sans intérêt de revenir sur le problème de l’armement individuel des policiers à travers son évolution historique.
L’arme administrative dite de service est l’arme à feu confiée aux fonctionnaires de la Police nationale à titre individuel pour les besoins du service. Depuis 2002, il s’agit d’un Sig Sauer 2022 semi-automatique conçu en Suisse par SIG (Schweizerische Industrie Gesellschaft) et produit en Allemagne par Sauer, de 9 mm parabellum, 10 ou 15 coups. Depuis les attentats terroristes de 2015, les policiers sont autorisés à le garder en permanence au lieu de le déposer à la fin de leur service comme cela se faisait depuis 2006. La raison d’être de ce port d’arme qui caractérise le policier est la légitime défense – la sienne ou celle d’autrui – et elle symbolise le monopole de la force légitime confié à la police. Ce qui paraît aujourd’hui une évidence n’est pas toujours allé de soi et l’armement individuel des policiers a une histoire à la fois longue et complexe qui correspond à la multiplicité des statuts des différentes polices (préfecture de Police, Sûreté générale puis nationale et polices municipales) et aux missions des policiers (maintien de l’ordre, sûreté publique, police judiciaire, renseignement général…).
C’est que les polices d’avant l’étatisation de 1941 étaient pour la plupart des polices municipales, dépendant des maires et des municipalités. Obligatoires dans toutes les villes de plus de 5 000 habitants depuis vendémiaire an IV, elles comportaient, sauf dans quelques grandes villes, des effectifs si largement insuffisants en nombre et en qualité qu’il n’était pas question d’armer.
Si les premiers sergents de ville en uniforme mis en poste par le préfet Debeyllème en 1829, portaient une épée, celle-ci servait essentiellement à afficher leur qualité et leurs pouvoirs aux yeux du public. L’armement de leurs successeurs ne s’est que peu à peu imposé avec la multiplication des émeutes, explosions populaires et révolutions – 1830, 1848, 1851, 1870, 1871 – et la disparition de la Garde nationale jusqu’alors chargée – avec l’armée – de la répression des mouvements séditieux.
A partir de la IIIème République, l’armée, via la Garde républicaine (corps de gendarmerie spécifique à Paris) et ce qu’on appelait la police municipale c’est-à-dire les gardiens de la paix, ont le monopole du maintien de l’ordre à Paris. Sous son préfectorat, le préfet Lépine privilégiera toutefois « ses » policiers, auxquels il cherchera à conférer une allure militaire – recrutement, uniforme, discipline – et dont le nombre et l’efficacité lui permettent de garder l’armée en réserve.
Comme on peut le voir, la police d’hier a beaucoup évolué au fil du temps et au fur et à mesure des changements de la société française et de ses nouvelles exigences en matière de sécurité. L’exposition actuellement présentée aidera sans aucun doute le public à mesurer les efforts d’adaptation d’une institution policière à laquelle nous sommes tous attachés.
INFOS PRATIQUES
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Exposition « La Police d’hier et d’aujourd’hui, une histoire d’actions », jusqu’au 18 novembre 2023, au Musée de la Préfecture de Police, 4 rue de la Montagne Sainte Geneviève, à Paris (5ème).
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https://www.prefecturedepolice.interieur.gouv.fr/musee
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Réservation obligatoire au 01 44 41 52 50