Lundi 20 novembre 2023
Et si on prenait le métro ? Un nouveau métro pour un nouveau réseau, au moment où s’achèvent les premières gares du Grand Paris Express, la Cité de l’architecture et du patrimoine et la Société du Grand Paris présentent, jusqu’au 2 juin 2024, une exposition inédite consacrée au métro, à son histoire et aux transformations urbaines qui lui sont liées.
Quinze ans après la présentation de la consultation internationale « Le Grand Pari(s) » en 2009, à la Cité de l’architecture, l’idée s’imposa d’elle-même d’offrir à nos concitoyens une plus grande visibilité au gigantesque chantier d’infrastructure, d’urbanisme et de vie collective (le plus vaste du genre mené en Europe depuis Haussmann). Un projet dont les priorités demeurent :
- la conception des (nouveaux) modèles de déplacement contre le tout voiture
- L’utilisation de technologies novatrices modifiant en profondeur le rapport au travail, à l’habitat et au transport
- La création d’un réseau multipolaire permettant de surpasser l’opposition centre-ville et périphérie
Vaste défi que celui-ci qui consiste ni plus ni moins à reconstruire la Cité.
Le chantier en cours du Grand Paris Express, qui comprend la construction de 68 gares, avant la première mise en service du nouveau métro en 2024, méritait bien une exposition à la hauteur de cet enjeu titanesque, qui se veut avant tout un espace de découverte, des origines du métro à la naissance du futur réseau et aussi un lieu de débat et d’information sur l’essor de la métropole. Le Grand Paris Express redessine en effet la carte et le territoire tout entier à travers la création de nouvelles proximités, de réseaux d’écoles et d’universités, d’équipements culturels et sportifs, de lieux de soins et de pôles économiques.
Cette exposition s’ouvre donc sur un récit, celui de la naissance du métro parisien jusqu’à la construction de la métropole du Grand Paris, laquelle permet de découvrir de nouvelles gares déployées en profondeur, avec intégration de nouveaux espaces publics, et reliées à un réseau en double boucle. Et au-delà, d’illustrer le savoir-faire français en matière de construction plus vertueuse sur le plan environnemental, tout en ouvrant à tous un champ de débat et de réflexion.
Le Grand Paris Express offre une occasion unique de reconsidérer la mobilité à l’échelle d’un territoire de 12 millions d’habitants. Par la double boucle de son parcours, et ses quatre nouvelles lignes de métro, cette nouvelle infrastructure donne naissance à un Grand Paris dont les contours n’ont cessé d’être redessinés depuis un siècle.Tout au long du parcours, le public est ainsi convié à s’intéresser à la mobilité et à l’urbanité. Tel est l’enjeu de cet événement qui croise l’histoire de la technique, les projets visionnaires et l’univers fictionnel lié au métro.
Une aventure urbaine sur les rails entre imaginaire et réalité
Ces deux notions s’éprouvent dans cette séquence centrée sur la genèse et le développement du métro parisien, en relation avec le développement de la capitale, sa perméabilité avec la banlieue et la naissance du Grand Paris. Cette étape illustre le basculement d’une capitale en voie de mutation vers une métropole mouvante d’abord modernisée par Haussmann.
Le bouleversement qui se profile à l’horizon 2030, avec la naissance de 68 nouvelles gares rappelle les grands travaux du Métropolitain parisien. Depuis 1900, la banlieue n’a eu de cesse de se déplacer, en fonction des destructions successives des enceintes et des fortifications parisiennes.
Le métro est alors présenté sous ses multiples facettes : esthétique, avec l’oeuvre de Guimard, conçue pour apaiser la peur sensuelle qui s’empare du citadin prenant pied dans le monde souterrain, et technologique en détaillant les remarquables prouesses géotechniques qui furent mises en œuvre afin d’ordonnancer le monde souterrain (superposition des lignes 3, 7 et 8 à la station Opéra, escalier circulaire plongeant dans les abysses à la station des Abbesses, pseudo-viaduc prenant pied à plus de 30 mètres de profondeur pour la station Danube, passage sous la Seine de la ligne 4 par fonçage de caissons métalliques et congélation des sols) et organiser le réseau de surface.
L’imaginaire du métro au cinéma
Point de bascule dans le parcours du visiteur,un sas cinéma juxtapose une série de scènes cultes qui transformèrent les lieux du métro en un espace de drame. Le septième art, indissociable par sa naissance au métropolitain, fabrique les premières représentations populaires d’une ville. Un tourbillon d’images qui annonce le rôle de la fiction dans la constitution d’une future carte mentale du Grand Paris.
Le cinéma s’ancre ainsi dans le quotidien des passagers pour mieux le faire dérailler. Depuis la vie de tous les jours jusqu’au nouveau départ imminent, ce métro « paradoxal » symbolise à la fois l’aliénation quotidienne « métro, boulot, dodo » et la possibilité renouvelée d’effectuer chaque jour un voyage imprévu. Une séquence du film « Bande à part » en témoigne à travers un exemple éloquent de cette façon de transcender la routine.
Espace claustrophobe, le métro devient le décor d’une course poursuite dès lors qu’il figure sur grand écran, comme dans le film « Le Samouraï » qui superpose une séquence d’espionnage dans un wagon avec un plan montrant le défilement des stations. Dans « Peur sur la ville », le viaduc de Bir-Hakeim devient à lui seul un dispositif cinématographique à part entière...
Du sous-sol à l’espace public
La technique est au premier plan de ce chantier avec ses vingt-trois tunneliers à l’oeuvre, lesquels, lors du creusement de 200 kilomètres de voies nouvelles, remontent des profondeurs du sous-sol du Grand Paris 47 millions de tonnes de déblais par la suite réutilisés. Une séquence qui offre une image synthétique d’un projet hors-norme (le plus vaste projet de génie civil d’Europe) permettant au visiteur de comprendre pourquoi l’infrastructure ne se résume pas à un simple tunnel. C’est aussi l’occasion de s’interroger collectivement sur notre modèle urbain encore marqué par des déséquilibres centre/périphéries. Ce nouveau réseau, qui permet justement les déplacements de banlieue à banlieue, met alors en balance les conditions d’une résilience partagée, une notion qui prend la forme concrète d’une multitude de focus au sein de cette exposition : revalorisation des terres excavées, automatisation des lignes de métro et mise en interconnexion des transports. C’est alors la question de l’habitabilité du territoire qui s’affirme avec force.
Autre enjeu : comment connecter le monde du dessus avec celui du dessous ?
En effet, les nouvelles gares du Grand Paris Express qui ont vocation à devenir des incubateurs d’urbanité, transformeront les quartiers tout en permettant au métro de fabriquer la ville. Quant à l’identité globale du réseau, elle doit faire face à un défi de signalétique avec l’enfouissement des lignes à 90 % et la mise en interconnexion des gares à 80 %.
De son côté, le tunnelier, véritable « train-usine » de 1600 tonnes se déplaçant au rythme de 15 mètres par jour, est exposé en maquette dans l’exposition, sous la forme d’une roue de coupe, grandeur nature, sur l’espace public du Trocadéro avant d’entrer dans l’exposition.
L’Archipel du Grand Paris
Dans le Grand Paris (12 millions d’habitants), la Ville de Paris (2,15 millions d’habitants) ne représente que 5 % du territoire urbanisé. Pour mieux expliquer cette réalité, l’archipel invite le visiteur à ressentir, à la fois mentalement et physiquement, la diversité des lieux métropolitains et l’unicité du réseau qui les unira en 2030.
Un panorama de 16 gares du Grand Paris Express est don présenté au public pour montrer qu’il n’y a pas qu’un modèle unique d’équipement mais une architecture spécifique s’adaptant à chaque lieu.
Maquettes de gares, documents et prototypes sont ainsi exposés tandis qu’un mur dévoile la coupe technique de chaque gare, tout en classant chacune d’entre elles dans l’une des cinq catégories suivantes : les gares « piranésiennes », les plus profondes (descendant parfois jusqu’ à 50 mètres de profondeur), les gares paysages, les gares passages, les gares-ponts et gares aériennes et les gares « hubs » renforçant l’idée de mobilité.
Enfin, on assiste à la naissance d’une double commande architecturale et artistique pour chacune des gares du Grand Paris Express. Chaque gare est donc formée d’un ensemble architectural et d’une œuvre artistique, le tout réalisé par des tandems architecte-artiste et différents échantillons de matériau.
En fin de parcours, deux alcôves invitent les visiteurs à une expérience immersive des futurs quais du métro express, en découvrant le travail de conception du mobilier urbain, et la signalétique. D’autre part, la pièce totem de cette séquence d’exposition, une carte numérique projetée sur un écran de cinq mètres, permet à chacun de visualiser la superposition de tous les réseaux de 1900 à 2030, le rapprochement des villes et la diminution des temps de trajet, et les liens multiples tissés par le réseau en double boucle avec les 656 lieux culturels et les 2022 équipements sportifs des 68 quartiers de gare. Soit au total, 68 gares complétées par 100 nouveaux points de mobilité à l’horizon 2030.
Voix et visages du Grand Paris
Les voix du Grand Paris occupent à elles seules une pièce d’exposition. Non loin de là, des alcôves dédiées ouvrent l’espace d’un face-à-face intime au cœur du grand débat sur les mobilités métropolitaines.Une carte partagée émerge, avec ses potentialités et ses frictions grâce aux témoignages d’artistes, d’architectes, d’ingénieurs, de paysagistes, de philosophes et d’écrivains. Des paroles qui font écho au travail d’illustrateurs renommés dont les œuvres sont exposées pour la première fois à la Cité.
« Qu’est-ce qui fait Grand Paris ? » est la question à laquelle répondent 25 penseurs et acteurs de la ville. Ces échanges nous apprennent que la banlieue ne sera jamais plus comme avant, car nos territoires fabriquent de nouveaux systèmes de communication et de ramification.
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