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Exposition "Le Paris de la Modernité, 1905-1925"
(Petit Palais, Paris, France)
Heure locale

 

Lundi 11 décembre 2023

 

En cette fin d’année, le Petit Palais (Paris) consacre une exposition au « Paris de la Modernité, 1905-1925 ». De la Belle Epoque aux Années folles, la capitale attire plus que jamais les artistes du monde entier. Paris, la Ville-monde, est à la fois une capitale au cœur de l’innovation et le foyer d’un extraordinaire rayonnement culturel.

Ambitieuse, inédite et trépidante, cette exposition qui traite de la créativité durant ces années 1905-1925 à travers la mode, le cinéma, la photographie, la peinture, la sculpture, le dessin, la danse, le design, l’architecture et l’industrie, présente près de 400 œuvres mais également des tenues de Paul Poiret et de Jeanne Lanvin, des bijoux de la maison Cartier, un avion du Musée de l’Air et de l’Espace du Bourget et une voiture du musée national de l’automobile de Mulhouse.

 

Cette exposition, dont le parcours est chronologique et thématique tire son originalité du périmètre géographique qu’elle déploie, à savoir les Champs-Elysées. Un périmètre qui s’étend de la Place de la Concorde à l’Arc de Triomphe et à l’Esplanade des Invalides, et qui englobe le Petit Palais, le Grand Palais, le Théâtre des Champs-Elysées ou la rue de la Boétie.

A l’époque, le Grand Palais accueille la toute dernière création aux Salons d’Automne et des Indépendants tandis que le Petit Palais joue un rôle patriotique important durant la Première guerre mondiale en exposant des œuvres d’art mutilée et des concours de cocardes de Mimi Pinson. Et de se retrouver, en 1925, au centre de l’Exposition internationale des Arts Décoratifs et Industriels Modernes où l’on retrouve des pavillons traditionnels, Art Déco et avant-garde internationale. Non loin de là, avenue d’Antin (actuelle avenue Franklin Roosevelt), s’est installé le grand couturier Paul Poiret à l’intérieur d’un magnifique hôtel particulier, dans lequel il organisera la fête de la « Mille et Deuxième Nuit » qui fera date.

L’exposition évoque aussi le foyer de Picasso et de son épouse Olga, rue de la Boétie, l’ouverture après la guerre de la Galerie Au Sans-Pareil à Dada et au Surréalisme. Le Théâtre des Champs-Elysées accueille les Ballets russes puis les Ballets Suédois jusqu’en 1924. Un an plus tard, Joséphine Baker débarque à Paris et y fait sensation dans la Revue Nègre. Quant à Jean Cocteau, il attire le Tout-Paris au Boeuf sur le Toit qui s’installe rue Boissy d’Anglas en 1922.

 

Certains évènements font scandale comme la « cage aux fauves » et « e Kubisme de Braque et Picasso, la création du « Sacre du Printemps » par la (très) érotique Nijinsky, le ballet « Parade » de Cocteau en pleine guerre durant laquelle il expose les costumes conçus par Picasso. Que voulez-vous, c’est la modernité qui pardonne ces aberrations puis s’attarde sur les progrès de la technique et de l’Industrie : tout s’accélère grâce au développement des cycles, de l’automobile et de l’aviation qui ont leur propre pavillon au Grand Palais. L’essor du cinéma, les machines et la vitesse transforment la capitale française en un spectacle urbain.

 

La femme est bien entendu mise en valeur au moment où elle se libère du corset. Des artistes comme Marie Laurençin, Sonia Delaunay, Jacqueline Marval, Marie Vassilieff ou Tamara de Lempika jouent un rôle d’avant-garde. N’oublions pas l’immortalisation de la silhouette de la garçonne en 1922 par Victor Margueritte, symbole d’émancipation féminine. Joséphine Baker, métisse de Saint-Louis, séduit par son exotisme et son grand cœur. L’Antillaise Aïcha Goblet, célèbre modèle d’artiste, est quant à elle immortalisée par Vallotton.

Les plus pauvres croisent les plus riches à Montparnasse et les plus chanceux retiennent l’attention de généreux mécènes. Venant du monde entier ‘Europe de l’Est, Brésil, Etats-Unis, Russie...) artistes et touristes font de Paris la « capitale du monde "

 

 

 

Le parcours de la visite , structuré en treize salles, est conçu comme une promenade architecturale dont chaque espace accueille une section de l’exposition. Les couleurs retenues renvoient le visiteur à la thématique de chaque section, et la scénographie a vocation à sortir le public du quotidien afin de l’immerger dans une ambiance propice à la découverte des œuvres présentées. Quant à l’éclairage, il varie selon les thèmes abordés, au même titre que la signalétique dont les choix typographiques sont révélateurs des trois grandes sections de l’exposition : avant, pendant et après la Grande guerre.

Ce parcours débute avec le sympathique Lapin agile et s’achève avec l’Ours immaculé fr Pompon, œuvre d’une intemporelle modernité.

 

 


 

Montmartre et Montparnasse, viviers de la création

 

En début du 20ème siècle, C’est d’abord à Montmartre et à Montparnasse que se concentrent la majorité des ateliers d’artistes, sans doute à cause du cadre animé des endroits, ses cafés et ses réseaux d’entraide.

Dès la fin du 19ème siècle, Montmartre attire les « rapins », artistes en devenir, venus de Paris ou de Province, ou encore d’Espagne ou d’Italie. Ceux-ci s’installent dans des ateliers peu coûteux, comme, par exemple, ceux du Bateau-lavoir, qui accueille dès 1904 la « bande à Picasso ». Une bande qui expérimente la modernité,, sous la forme d’un atelier collectif animé par de passionnantes discussions esthétiques et artistiques.

Tous se retrouvent au Lapin agile, célèbre cabaret où les artistes côtoient poètes et écrivains mais aussi la pire des « canailles crapuleuses ». Avec le temps, les chantiers incessants, l’arrivée des touristes, l’insécurité, et l’augmentation du prix des loyers, ces artistes quittent Montmartre pour ...Montparnasse, sur la rive gauche de la Seine.

 

 


 

Salons parisiens au cœur de l’échiquier artistique

 

Rendez-vous incontournables du début du 20ème siècle, les salons parisiens sont en fait de célèbres expositions artistiques héritières d’une tradition académique. Organisés par des sociétés d’artistes, ces endroits qui revêtent une grande importance pour les artistes, ont toujours accueilli les femmes. On y présente et l’on y vend bien sûr des œuvres tant au public qu’aux amateurs.

A partir de 1884, le Salon des artistes indépendants s’oppose au Salon des artistes français hébergeant jusqu’alors les tendances officielles.

Le Salon d’automne, lui, est créé en 1903, et s’installe dans un premier temps au Petit Palais avant de s’établir juste en face, au Grand Palais, dès l’année suivante. Malgré son but louable qui est d’offrir des débouchés aux jeunes artistes, et de faire découvrir les nouveaux courants artistiques à un large public, ce salon est marqué, dès 1905, par le scandale des œuvres fauves, et expose entre autres les néo-impressionnistes et les cubistes, accompagnant ainsi l’avènement de l’art moderne.

 

 


 

Boom des salons du cycle, de l’automobile et de l’aviation

 

C’est tout naturellement que les nouveaux moyens de transport qui émergent inaugurent leurs propres salons à Paris.

Ainsi le Grand Palais accueille t-il en 1901 le Salon international de l’automobile, du cycle et des sports qui deviendra rapidement annuel (excepté en 1909 et 1911).

C’est par centaines de milliers que les visiteurs affluent pour découvrir les automobiles Serpollet, la première voiture Renault et bien d’autres véhicules encore.

En 1908, une petite partie du salon est réservée aux aéroplanes et aux ballons : les visiteurs s’extasient devant l’avion de Clément Ader, l’Antoinette de Levavasseur ou La Demoiselle de Santos-Dumont. Le succès est si grand que l’on envisage de créer un salon dédié à l’aviation. L’année suivante, en 1909, est inaugurée la première Exposition internationale de la locomotion aérienne, par le président de la République Armand Fallières.

 

 


 

Poiret le magnifique

 

Fils de drapier, c’est en 1903 que Paul Poiret crée sa maison de couture. Même si l’histoire retient au passage qu’il est l’homme qui a libéré les femmes du corset en 1906, il est surtout celui qui a insufflé de la souplesse à ses modèles tout en s’inspirant des artistes fauves et de l’esthétique orientale.

Doué en marketing, notre homme invente le concept de produit dérivé en lançant le premier parfum de couturier dès 1911. Cette même année, il fonde aussi la Maison Martine(arts décoratifs inspirés de la libre création de jeunes apprenties, sur le modèle des ateliers viennois, les Wiener Werkstätte).

Fréquentant très tôt les milieux artistiques, dont les actrices Réjane et Mistinguett, il utilise le cinnéma, la presse et la photographie pour diffuser ses modèles. Et est l’un des premiers couturiers à s’installer sur les Champs-Elysées. Son hôtel particulier sera le lieu de fêtes mémorables dont les déguisements contribuent aux mises en scène spectaculaires.

 

 


 

Ouverture du Théâtre des Champs-Elysées

 

Voilà un théâtre qui figure à la pointe de la modernité lors de son ouverture en 1913. L’édifice, bâti par Auguste et Gustave Perret, est faut de béton armé incluant matériaux nouveaux et technologies innovantes dans un style épuré annonçant l’Art déco.

La décoration de la façade du théâtre ainsi que la décoration intérieure sont confiées au sculpteur Antoine Bourdelle, lequel supervise des artistes comme Maurice Denis, Edouard Vuillard ou Jacqueline Marval.

La nouvelle salle de spectacles offre de surcroit une programmation novatrice inaugurée par les Ballets russes, dont les costumes inspirés du folklore traditionnel russe suscitent un véritable engouement et influencent la mode et la joaillerie de l’époque.

 

 


 

La France en guerre

 

L’Allemagne déclare la guerre à la France le 3 août 1914, faisant basculer l’existence du peuple français : 72 millions d’hommes sont alors mobilisés et beaucoup subiront l’enfer des tranchées. Les 10 millions de morts et les 21 millions de blessés feront de ce conflit l’un des plus meurtriers de l’histoire.

A Paris, les taxis entrent dans la légende en acheminant des soldats jusqu’au front de la première bataille de la Marne. Le Grand Palais servira de caserne, puis d’hôpital militaire dépendant du Val de Grâce, pour accueillir soldats estropiés et « gueules cassées », victimes de cette guerre scientifique et moderne aux armes nouvelles.

Autre spécificité de ce conflit : films et photographies réalisés sur le champ de bataille contredisent les images de propagande.

Même les civils parisiens ne sont pas épargnés par cette guerre à cause des frappes allemandes effectuées depuis les Zeppelins (dirigeables), les avions et les canons ennemis. Quant aux femmes, elles s’engagent comme infirmières ou remplacent les hommes aux postes laissés vacants en gagnant notamment leur vie dans les usines d’armement, à des salaires bien plus bas que ceux des hommes. Les enfants, eux, sont aussi sollicités pour travailler et bon nombre d’entre eux deviendront orphelins, « pupilles de la Nation ».

 

 


 

Loin du front, la vie reprend

 

En août 1914, lorsque Paris est déclaré en état de siège, on assiste alors à une brusque interruption de la vie culturelle parisienne, jusqu’à fin 1915, avant de reprendre lentement. L’association Lyre et Palette propose des lectures, des concerts, mais également la première exposition française d’art africain et océanien, en novembre 1916, dans l’atelier du peintre Emile Lejeune. Quelques mois auparavant, Paul Poiret présentera avec la galerie Barbazanges l’exposition « L’Art moderne en France », où Picasso expose pour la première fois ses « Demoiselles d’Avignon ».

Peu à peu, théâtres et salles de spectacle rouvrent et le public fréquente les cinémas pour se divertir. Si l’on rajoute la tenue du ballet « Parade », en 1917, au Théâtre du Châtelet, on conviendra paradoxalement d’une effervescence culturelles et d’innovations artistiques majeures malgré le contexte de guerre du pays.

 

 


 

Montparnasse, carrefour du monde

 

Une fois l’armistice signé et la paix retrouvée, voici qu’apparaissent celles qu’on appelle les « Années folles » caractérisées par une forte activité artistique, sociale et culturelle.

Des myriades d’artiste venus du monde entier se ruent bientôt dans le quartier de Montparnasse, et constituent l’Ecole de Paris. Salons, galeries, marchands et académies libres se réorganisent. Quant aux cafés, ils deviennent des lieux d’expositions et de rencontres. Et des artistes comme Chaïm Soutine et Tsuguharu Foujita y rencontrent un vrai succès.

Kiki de Montparnasse est l’égérie de ce Paris nocturne des années 1920, avec les premiers dancings. Le jazz, largement importé par les Américains nombreux à venir en Europe pour échapper à la prohibition sévissant chez eux ou aux lois ségrégationnistes.

La multiplication des bals aboutit à « l’union des arts », et le Bal colonial (qu’on appellera aussi le Bal nègre) attire le Tout-Paris, avec ses biguines martiniquaises.

 

 


 

Paris plus vite, plus haut, plus fort

 

C’est dans une grande soif de vivre que les Années folles célèbrent la paix retrouvée entre 1920 et 1929. La génération qui a connu les combats de la Grande Guerre tente de chercher l’oubli en se noyant dans l’alcool et la débauche, tout en participant à sa manière à transformer Paris en capitale festive.

Les tenues reflètent d’ailleurs ce nouvel art de vivre avec les robes de cocktail, paillettes et plumes, qui se prêtent volontiers aux nouvelles danses échevelées. Tout s’accélère et la vie devient plus trépidante que jamais à l’heure où la vitesse est portée par toutes les nouveautés : le jazz et le charleston venus d’outre-Atlantique, le cinéma, l’automobile, le train, les paquebots...

C’est dans ce contexte qu’apparait la figure ambivalente de la garçonne, cette femme nouvelle aux multiples facettes qui fascine et dérange. Erigée en héroïne par Victor Margueritte, elle se diffuse dans la littérature, puis dans la presse féminine, la publicité et l’industrie cosmétique.

 

 


 

Les Suédois et la Revue nègre au Théâtre des Champs-Elysées

 

En 1920, le célèbre théâtre renouvelle son répertoire grâce aux Ballets suédois, avec la collaboration financière du collectionneur Rof de Maré, lequel conçoit ses spectacles comme une œuvre d’art totale mettant en scène sa propre collection. Jean Börlin assurera la chorégraphie des Ballets suédois jusqu’en 1925, en repoussant les limites de la danse dans ses interactions avec les arts plastiques.

De leur côté, les compositeurs du groupe des Six (Georges Auric, Louis Durey, Arthur Honneger, Darius Milhaud, Francis Poulenc et Germaine Tailleferre) s’activent autour de Jean Cocteau en participant à certaines saisons.

La Revue nègre succède aux Ballets suédois en octobre 1925, avec le concours de Joséphine Baker arrivée des Etats-Unis avec ses danses trépidantes. Superbement accueillie à Paris non régi par des lois ségrégationnistes, l’artiste adoptera la France comme sa patrie de cœur.

 

 


 

L’Exposition internationale des « arts déco » de 1925

 

Après avoir été reportée à trois reprises, cette exposition ouvre enfin ses portes le 28 avril 1925 et pour six mois durant. A l’heure du bilan, l’évènement aura attiré plus de 15 millions de visiteurs et généré un immense succès populaire.

Cette manifestation d’envergure s’étend alors de la place de la Concorde au pont de l’Alma et du rond-point des Champs-Elysées à l’esplanade des Invalides, en passant par le pont Alexandre III. Pas moins de 21 nations (à l’exception de l’Allemagne et des Etats-Unis) sont représentées par 150 galeries et pavillons éphémères et le Grand Palais, pour une manifestation à l’enjeu économique et culturel puisqu’il s’agit pour la France de faire valoir l’excellence de ses traditions face à une Allemagne vaincue et une concurrence internationale grandissante. Notre pays, fragilisé par l’inflation, a un besoin vital de relancer sa production industrielle et son commerce de luxe.

Dédiée à l’art, à la décoration et à la vie moderne, cette grande fête va marquer la naissance de l’expression « art déco », un style qui connaitra un rayonnement mondial, de l’Asie à l’Océanie et jusqu’aux Amériques, avec le Christ rédempteur de Rio de Janeiro, plus grande sculpture art déco du monde

 

INFOS PRATIQUES :

  • Exposition « Le Paris de la modernité, 1905-1925 », jusqu’au 14 avril 2024, au Petit Palais, Musée des Beaux-Arts de la Ville de Paris, Avenue Winston Churchill, à Paris (8ème). Www.petitpalais.paris.fr
  • Catalogue de l’exposition « 1905-1925, le Paris de la modernité » relié, 368 pages et 280 illustrations. 49€.

  • Cycle de conférences :

    Les Américains de Paris à la recherche de la modernité ? Le 15 décembre 2023 à 12h30. L’architecture parisienne à l’heure des choix: comment être moderne ?, le 19 janvier 2024, à 12h30.

    Paris comme épicentre de l’automobilisme à l’aube du XXème siècle : la coïncidence des modernités, le 2 février 2024, à 12h30.

    Paris en guerre(1914-1918). Une capitale reconquise par la nature, le 22 mars 2024, à 12h30. Paris 1924 : les Jeux de la modernité sportive, le 5 avril 2024, à 12h30.

  • Accès gratuit aux conférences dans la limite des places disponibles. A l’Auditorium.











 



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