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Exposition "La Régence à Paris
(1715-1723), l'aube des Lumières" (Musée Carnavalet, Paris, France)
Heure locale

 

Lundi 25 décembre 2023

 

Lorsque Louis XIV s’éteint, en ce 1er septembre 1715 à Versailles, il laisse derrière lui une France endettée, et, comme héritier, un enfant de 5 ans, Louis XV, trop jeune pour monter sur le trône. Dès le lendemain, 2 septembre, le duc Philippe d’Orléans prend la régence du royaume.

L’exposition « La Régence à Paris (1715-1723), l’aube des lumières », que nous présente le musée Carnavalet-Histoire de Paris est consacrée à cette période oubliée de l’histoire (qui marque le retour du roi, et de la vie politique, économique et culturelle à Paris) et se situe précisément dans le contexte de commémoration du tricentenaire de la disparition du Régent.

 

Outre le décès du roi soleil, l’année 1715 est marquée par son effervescence : la population française s’accroit fortement, la cour, le pouvoir et toutes les administrations se réinstallent à Paris. L’intensité de la vie culturelle donne par ailleurs naissance à un monde d’innovations philosophiques, économiques et artistiques, à l’origine d’une nouvelle liberté, celle de critiquer, ou esprit des Lumières.

Ces innovations sont volontairement mises en évidence sur le parcours de l’exposition pour mieux mesurer leur portée politique tandis que plus de 200 œuvres (peintures, sculptures, œuvres graphiques, éléments de décors et pièces de mobilier)issues de collections publiques et privées invitent le visiteur à plonger dans cette période historique à un moment où Paris se métamorphose durablement en capitale culturelle de la France.

 

La Régence, ou le retour de la cour à Paris

L’immense règne de Louis XIV et sa disparition tardive font que tous ses héritiers sont morts avant lui, excepté son arrière-petit fils, le duc d’Anjou, et futur Louis XV, âgé de cinq ans seulement. Le pouvoir est donc confié à son neveu, le duc d’Orléans, jusqu’à ce que Louis XV n’atteigne ses 13 ans. Cette période est appelée Régence. Une Régence qui va entrainer trois changements :

 

- le départ du roi, du gouvernement et de la cour de Versailles à Paris. Une mesure souhaitée par Louis XIV mais sur une brève durée alors que celle-ci durera sept années.

 

- l’incarnation du pouvoir en la personne impénétrable, attachante et scandaleuse de Philippe d’Orléans est aux antipodes de celle de Louis XIV qui était libertin.

 

- la cohabitation retrouvée du pouvoir politique et du pouvoir culturel à Paris. On baigne alors dans une effervescence enjouée entremêlée de scandales, conspirations et banqueroute.

 

Le testament de Louis XIV puisqu’il accorde les fonctions de chef du Conseil de régence à son neveu, le duc d’Orléans, réserve également un rôle politique important au duc du Maine, son fils légitimé qu’il a eu avec Madame de Montespan. Or, contre toute attente, le duc d’Orléans obtient le soutien du Parlement de Paris le 2 septembre, qui ignore le testament royal et confie la régence de plein exercice à Philippe d’Orléans tout en réduisant les prérogatives du duc du Maine. Le Régent va user de sa grande habileté politique pour s’occuper des affaires urgentes : atténuer les ambitions des princes cherchant à déstabiliser son pouvoir, réinstaurer la paix aux frontières, apaiser les conflits religieux et restaurer les finances du royaume.

 

La Régence assimilable à un nouveau régime ?

Le jeune Louis XV s’installe au château de Vincennes dès le 9 septembre, puis effectue sa première apparition publique trois jours plus tard lors de la séance solennelle du Parlement de Paris.

Un système de sept conseils est alors mis en place sous l’autorité d’un conseil principal, ou conseil de Régence. Et Louis XV de s’installer le 30 décembre au palais des Tuileries, pour y étudier l’histoire, la politique, la géographie, la botanique, la danse, l’équitation et la tactique aux côtés des meilleurs instructeurs. Il arrive aussi que l’enfant se promène seul dans les rues de Paris à la rencontre de la population.

 

Préservation de la paix aux frontières, conspirations et ambassades à Paris.

L’épuisante guerre de succession d’Espagne a poussé la France à chercher la paix avec ses voisins. L’abbé Dubois encourage Louis XV à se rapprocher de ses anciens ennemis (Angleterre, Hollande et empire germanique). L’Espagne, elle, est pour l’heure isolée, et c’est la France qui devient le centre de la diplomatie européenne. Notre pays reçoit ainsi le tsar Pierre 1er de Russie en 1717, puis une ambassade de l’empire ottoman en 1721.Un an plus tard, ont lieu les fiançailles de Louis XV avec l’infante d’Espagne, en guise de réconciliation entre les deux pays.

 

 

Restauration des finances et système de Law

En 1716, le Régent fait frapper un nouveau louis d’or, dit de Noailles, dans le but de restaurer la confiance et de réévaluer la monnaie. Puis, l’économiste écossais, John Law le convainc de procéder à d’autres réformes, comme par exemple l’adoption du papier-monnaie. Mais, victime d’une spéculation effrénée, le système de Law s’emballe et s’effondre en 1720. Entre temps, l’Etat est parvenu à se désendetter et le commerce, à redémarrer. Les échanges avec les « îles à sucre » des Antilles sont en plein essor et l’esclavage est au cœur de cette économie.

 

Retour à un nouvel art de vivre

La raréfaction des commandes royales contraint sculpteurs et menuisiers travaillant pour la cour à poursuivre leurs activités au sein de demeures en construction dans les faubourg Saint-Germain ou Saint-Honoré. On assiste bien à une hausse de consommation des produits de luxe (porcelaines importées d’Asie, bronze doré) et certaines boutiques comme celle d’Edmée François Gersaint reçu en 1720 dans la corporation des marchands merciers, vendent meubles et objets issus des savoir-faire des différents corps de métiers (menuisiers-ébénistes, fondeurs, orfèvres...). L’occasion pour Paris de se faire remarquer en France et en Europe !


 

Transformations de Paris.

Le Régent aime Paris. Il y ferait bien d’importants travaux mais l’état des finances du royaume ne le lui permet pas. Alors, il fait construire de nouvelles fontaines, réaménage l’axe des Champs Elysées en bâtissant un pont tournant au bout des Jardins des Tuileries.On construit l’Hôtel d’Évreux (actuel Palais de l’Elysée), l’Hôtel de Matignon et le palais Bourbon, et Philippe d’Orléans poursuit l’embellissement de sa demeure.

 

L’âge d’or des arts décoratifs

La recherche d’un plus grand confort contribue à l’évolution de l’ameublement. Et la silhouette des sièges, tables-consoles, bureaux ou bibliothèques, de s’affranchir de l’ancienne rigueur austère pour se parer de courbes et contre-courbe. L’époque pose les fondations du style dit « rocaille » tandis que le style « Régence fait cohabiter formes et ornements nouveaux, occupant l’intérieur comme l’extérieur des demeures.»


 

Philippe d’Orléans s’avère finalement être curieux de tout et doué pour tout. Il aime la peinture dont il acquiert les rudiments auprès d’Antoine Coypel, et la musique enseignée par Marc-Antoine Charpentier et Charles-Hubert Gervais. Devenu régent, le temps lui manque pour pratiquer ses loisirs mais il s’efforcera d’insuffler un renouveau dans le domaine des arts et des spectacles. Musicien accompli,il est violiste, flûtiste, claveciniste et même compositeur notamment de deux opéras (« La Jérusalem délivrée » et « Penthée »).

La cour, elle, s’est éparpillée dans la capitale où chacun veut tenir son rang : on assiste alors à la multiplication du nombre de salons où l’on discute littérature, art et politique tout en écoutant de la musique. On y joue également aux dés, aux cartes, aux échecs et au billard.

Quant à la population parisienne, elle profite des fêtes régulièrement données dans les jardins des Tuileries. Autour du Palais-Royal, s’installent de nombreux cafés, dont celui de la Régence,, rue Saint-Honoré, juste devant l’Opéra, qui reste le plus célèbre.

 

La renaissance du théâtre

Tous les spectacles sont autorisés à reprendre un mois exactement après le décès de Louis XIV: la Comédie italienne interdite depuis 1697 fait son grand retour en mai 1716, et la salle de spectacle des Tuileries abandonnée depuis 1682 rouvre en 1721.

 

Régence libertine

Le carnaval de 1716 est l’occasion de donner un bal masqué public à l’Opéra du Palais-Royal, ouvert à tous moyennant un écu. Toutes les audaces y sont permises puisque le Régent et sa fille, la duchesse de Berry, jeune veuve, y cherchent l’aventure.

C’est que la Régence est restée dans les mémoires associée à une idée de débauche. Ainsi le mémorialiste Saint-Simon évoque t-il les « petits soupers » du Palais-Royal, réunions très privées dont satiristes et pamphlétaires se font les gorges chaudes pour tenter de discréditer le Régent et son entourage.

D’autres sociétés libertines voient le jour comme celle de Philippe de Vendôme qui accueillent les libres penseurs, comme par exemple Voltaire qui y fera ses débuts.

 

Salons littéraires

Celui tenu par Madame de Lambert dans ses appartements de l’Hôtel de Nevers est le plus influent d’Europe. Et la querelle entre les Anciens et les Modernes de renaître bientôt. Le jeune Voltaire fréquente pour sa part les salons contestataires. Cela lui vaut d’ailleurs d’être embastillé en 1717 pour avoir colporté des rumeurs contre le Régent. L’homme triomphera un an plus tard avec une tragédie, Oedipe.

En 1721, Montesquieu publie « Les Lettres persanes », livre pourtant interdit par la censure mais qui connait un grand succès

 

Watteau, Venise et innovations de la peinture

Peintre des comédiens italiens, des musiciens et des amours pastorales, Watteau accède à la célébrité en 1717 en entrant à l’Académie royale de peinture, et offrira son chef-d’oeuvre le plus parisien, L’Enseigne de Gersaint, en 1720, peu avant de mourir.
Cette même année, Rosalba Carriera fait son entrée à l’Académie sous l’impulsion du Régent.

 

C’est le 15 juin 1722, sept ans après être retourné à Paris que Louis XV décide de regagner Versailles, puis il est sacré à Reims le 25 octobre.

Un nouveau lit de justice officialisera sa majorité le 22 février 1723, signant ainsi la fin de la Régence.Philippe d’Orléans conservera néanmoins le pouvoir jusqu’à sa mort, le 3 décembre. Une page se tourne, grâce à Philippe d’Orléans qui laisse un pays en paix, des finances restaurées et une monarchie consolidée, même si le personnage laisse aussi l’image d’un libertin, à l’esprit impénétrable et libre jusqu’à l’excès, attaché plus que tout à ses plaisirs, à la peinture, à la musique et à Paris. Sous la Régence, Paris est redevenue une place politique et culturelle de premier plan : à nouveau désertée par le roi, elle conservera malgré tout son rôle tout au long du 18ème siècle.

 

 

INFOS PRATIQUES :

  • Exposition «La Régence à Paris (1715-1723), l’aube des Lumières », jusqu’au 25 février 2024 au Musée Carnavalet-Histoire de Paris, 23 rue de Sévigné, à Paris (3ème).
  • Catalogue de l’exposition en vente sur place : 256 pages, 220 illustrations, 39€.

  • Application gratuite disponible : celle-ci accompagne les visiteurs tout le long du parcours en approfondissant les différentes thématiques abordées dans l’exposition.









 



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