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Exposition "Trésors de décors, Façades d'Île-de-France
(Musée d'histoire urbaine et sociale, Suresnes, Hauts-de-Seine, France)
Heure locale

 

Lundi 8 janvier 2024

Voici une exposition qui invite à découvrir et comprendre les ornements des façades de bâtiments publics. Hôtels de ville, bâtiments administratifs, groupes scolaires, équipements d’hygiène et de soins, salles de spectacle et d’équipement défilent lors de cet événement intitulé «Trésors de décors, Façades d’Île de France» . Nous apprendrons beaucoup, à la lecture de cet article, qu’il s’agisse des techniques mises en œuvre pour la réparation ou dans les domaines de la ferronnerie, de la sculpture. Quant aux décors portés sur les façades, ils jouent traditionnellement une fonction d’embellissement et d’harmonisation.

 

Décorer un peu, beaucoup, à la folie,... pas du tout

De 1850 à 1900, l’architecture est strictement encadrée et la construction est alors synonyme de solidité, de convenance et de beauté. Dès la fin de la Révolution, l’Etat entend contrôler la qualité technique et esthétique mais aussi le coût d’édification des constructions publiques avec l’aide du Conseil des Bâtiments civils, conseil compétent dès 1795 sur l’ensemble du territoire.Sa mission n’est pas tant d’intervenir sur le style que de normaliser l’aspect des édifices institutionnels pour en prônant un « système des bâtiments civils encourageant l’économie dans l’emploi des ordres et la simplification. Ce même conseil développe, à partir de 1858, des commissions départementales tandis que les pouvoirs municipaux jouissent d’une certaine autonomie pour diriger et faire exécuter les travaux publics mais également pour administrer les constructions appartenant à la commune ou destinées à l’usage des citoyens, même si tout projet reste soumis à la validation préfectorale.

Le 19ème siècle sera enfin marqué par un encadrement strict conduisant à une normalisation des décors.

 

Arrive l’année 1900 (ou l’apogée de la folie décorative) et son Exposition universelle. Depuis la Première exposition des produits de l’industrie française organisée sur le champ de Mars en 1798, les derniers progrès industriels en matière architecturale et artistique sont présentés dans le cadre d’expositions monumentales.

Parallèlement, une nouvelle forme de décoration, la polychromie architecturale théorisée par Paul Sédille, est mise en avant lors de l’Exposition universelle de 1889. Paris se transforme alors en une immense vitrine des savoir-faire industriels et les façades des différents bâtiments sont bientôt ornées de faïences, trophées en terre cuite et autres décors.Quant à l’Exposition Universelle de 1900, elle offre de nouvelles possibilités décoratives grâce à la production industrielle en série notamment pour les céramiques et la fonte. Les ornements architecturaux se choisissent désormais sur catalogue. Et les cinquante millions de visiteurs découvrent pour leur part les prémices de l’Art nouveau, avec des pièces de mobilier et les entrées du tout nouveau métropolitain imaginées par Hector Guimard. Cette réinvention du décor, aussi appelé naturalisme, s’inspire des motifs végétaux et floraux, offrant des sculptures surdimensionnées sans cadre véritable et ancrées dans le sol. L’art de la décoration acquiert ainsi ses lettres de noblesse au même titre que l’architecture.

 

Artisans, artistes & industriels au service des décors de façade

Jusqu’au 20ème siècle, l’architecte choisissait l’emplacement de l’édifice à bâtir et exécutait le dessin des décors. Les artisans n’étant alors chargés que de la réalisation des travaux. Mais peu à peu, les ornemanistes vont prendre leurs aises et profiter de la disparition des contraintes structurelles offerte par le système poteau-poutre. Sculpteurs et mosaïstes tirent ainsi profit des nouveaux procédés de fabrication pour créer des oeuvres de grande taille. A partir de 1925, les ferronniers passent à leur tour du statut d’exécutant à celui d’artiste à part entière. Et le nom de ces décorateurs d’être cités au même titre que les architectes dans les publications et sur les plaques des édifices.

 

Le mosaïste Philippe Mazzioli s’illustre dans la réalisation de décors pour les édifices publics de l’entre-deux-guerres. Natif d’une dynastie de mosaïstes originaires du Frioul et de Vénitie, l’artiste réalise notamment des mosaïques religieuses pour l’église Saint-Léon du 15ème arrondissement de Paris.

Lauréat du Conservatoire des Arts & Métiers, il s’installe avec son entreprise à Clichy et y travaille selon la technique brevetée par Facchina en 1852 pour l’extraction des mosaïques antiques et développée pour la création.

 

Raymond Subes est un ferronnier d’art formé à l’école Boulle et de l’école nationale supérieure des Arts décoratifs. Il collabore avec les grands décorateurs de l’époque comme Jacques-Emile Rulhmann et Jean Dunand, tous deux décorateurs, le céramiste Jean Mayodon et le mosaïste Auguste Labouret. Il s’illustre aussi dans la production d’éléments en fer forgé pour les paquebots Ile-de-France, Lafayette, L’Atlantique et Le Normandie. D’autres institutions et commerces (Banque de France, Palais de Tokyo, aéroports d’Orly et du Bourget...) profiteront également de son talent.

 

Attiré par la sculpture antique et le classicisme, André Letourneur s’inscrit à l’Ecole des Beaux-Arts après la Première guerre mondiale. Il reçoit une médaille d’or à l’Exposition des Arts décoratifs de 1925, puis le Grand Prix de Rome un an plus tard. Son style privilégie frises et bas-reliefs ainsi que la reproduction de figures féminines. Lors de la période de reconstruction après la guerre, il reçoit de nombreuses commandes (le Poséidon ornant la façade de l’hôtel de ville de Lorient, la statue de la Vierge à l’entrée de Notre-Dame de-Victoire).

 

Fils et élève du sculpteur Georges Ernest Saulo, Maurice Saulo expose au Salon des Artistes français dès 1919 et obtient le second Grand Prix de Rome en 1927. Ses sculptures en ronde-bosse concernent souvent des sujets sentimentaux et allégoriques. L’artiste réalise des œuvres pour plusieurs équipements publics franciliens comme le lycée Branly (Nogent-sur-Marne) avec des bas-reliefs représentant le Commerce et l’Industrie ou la cité d’Habitations à Bon Marché de Maisons-Alfort avec la sculpture du Petit Chaperon Rouge. Le monument en hommage à Henri Sellier sera sa dernière œuvre.

 

Emile Robert devient ferronnier d’art à l’issue d’un long apprentissage à travers la France entière. Il crée son atelier à Enghien-les-Bains en 1914 et met un point d’honneur à former de jeunes ferronniers, à l’exemple de Jean Prouvé. Spécialiste des œuvres figuratives (une porte illustre la fable « Le Renard et la Cigogne » sur une rampe d’escalier du paquebot Paris), il s’affranchit des commandes publiques pour se consacrer à des œuvres personnelles, tout particulièrement les grilles et les rampes d’escalier. Ses réalisations les plus célèbres sont la galerie couvrant les sources de Vichy, la porte du musée des Arts décoratifs et une partie des grilles de l’église du Sacré-Coeur de Montmartre, à Paris.


 

Grâce aux progrès techniques présentés lors des Expositions universelles, de nouvelles possibilités de décor à moindre coût seront offertes aux ornemanistes et aux architectes. On choisit désormais ses décors sur catalogue et les fournisseurs proposent des services sur mesure pour créer des motifs originaux.

Plusieurs entreprises font alors de la fourniture de matériaux leur corps de métier :

 

- Müller & Cie : l’entreprise, spécialisée dans la couverture des bâtiments porte d’abord le nom de Grande Tuilerie d’Ivry (fondée en 1854), puis Emile Müller, son ingénieur-créateur développe des produits céramiques innovants (briques colorées, cabochons, rosaces, animaux, têtes et masques). 200 000 tuiles émaillées turquoises seront ainsi produites pour orner les dômes du palais des Beaux-Arts et de celui des Arts libéraux, pour l’Exposition universelle de 1889.

 

- Tous deux architectes, Alphonse Gentil et François Bourdet fondent la société Gentil & Bourdet, en 1903. Leur production est surtout tournée vers les céramiques architecturales, intérieures et extérieures, sous forme de mosaïques et de grès. Ils remporteront le marché du siècle avec la fourniture d’une partie des carreaux du métropolitain parisien, et orneront plusieurs édifices (façade des Galeries Lafayette, sol de la Société Générale du boulevard Haussmann...) tout en produisant également des objets décoratifs en grès.

 

- Fourmaintraux et Delassus produiront des porcelaines opaques, des carreaux de faïence fine et des panneaux en émaux cloisonnés. Sur le site de la Belle Croix, ils développeront aussi la technique des grès grand feu, très adaptés aux décors de façade. L’entreprise reçoit la Médaille d’Or à l’Exposition des Arts décoratifs de 1925.

 

- Société Hippolyte Boulenger & Compagnie s’installe dès 1804 à Choisy-le-Roi, et se lance dans la production de vaisselle de table, d’objets décoratifs et de carrelage (pour lequel elle obtient les deux tiers du marché du Métropolitain parisien). Le magasin de la rue de Paradis et la Maison Boulenger à Auneuil (Oise) serviront de vitrine pour la marque.

 

- Les briqueteries Jovenet à Suresnes, et Henri Sachot (à Montereau) apporteront si j’ose dire leur pierre à l’édifice d’un marché en plein essor, celui de la brique : entre 1830 et 1950, on compte 78 briqueteries à Paris et dans la petite couronne afin de satisfaire une demande très importante, ce matériau entrant dans la construction d’édifices prestigieux (château de Versailles) ou bon marché (habitat populaire).

 

Pour la dernière partie de son parcours, l’exposition nous convie à une promenade architecturale divisée en quatre parties :

 

- Hôtels de ville et bâtiments administratifs

Au cours du dernier quart du 19ème siècle, les constructions publiques (dont les mairies) fleurissent en abondance. En effet, la loi du 5 avril 1884 contraint chaque commune à bâtir une mairie, édifice souvent couplé à l’école communale, et dont certains éléments architecturaux évocateurs, comme l’horloge ou le campanile, se retrouvent fréquemment. Le visiteur découvre ainsi la Mairie du 1er arrondissement, l’Hôtel de ville de Puteaux et l’Hôtel de ville de Suresnes.

Le Complexe administratif de Montrouge est aussi détaillé, au même titre que le Ministère de la Culture de Paris.

 

- Les groupes scolaires

A partir des lois Ferry de 1881, ces bâtiments sont des équipements publics structurants de la IIIème République. Bâtis sur l’ensemble du territoire afin d’accueillir un nombre toujours plus important d’élèves, ils respectent un rigoureux cahier des charges en matière sanitaire. Dans les années 1930, les communes feront intervenir les artistes pour qui les commandes privées se raréfieront. Les décors reflètent alors les valeurs de la République (travail, nation et famille). Les porches d’entrée sont souvent très soignés comme au groupe scolaire de la rue Rouelle (Paris), le Collège Chaptal (Paris), le groupe scolaire Vaillant-Jaurès à Suresnes, le groupe scolaire Ivry-Levassor (Paris), l’Ecole supérieure d’électricité de Malakoff, ou le Lycée Marie-Curie de Sceaux.

 

- Les équipements d’hygiène et de soins

Après la guerre franco-prussienne de 1870, une politique de réforme civique est engagée incluant la vie municipale, l’instruction publique et l’administration sanitaire. Le moment est venu de doter le territoire d’hôpitaux et de dispensaires, et à moindres frais. Larges baies, rationalisme et quelques touches pittoresques sont alors reconnaissables tant dans l’architecture scolaire que dans l’architecture des grands équipements publics de santé.

Dans les années 1920, dispensaires et bains douches apportent des exemples de décoration de façade très aboutis. Quant à la contrainte en matière de délais de construction, et de budget (limité), elle poussera les architectes à se tourner vers des matériaux standardisés (carreaux de grès cérame) avec lesquels ils créeront des motifs uniques.

Plusieurs exemples sont offerts aux visiteurs : le Dispensaire municipal de Suresnes, le Dispensaire Louise-Michel de Romainville, les Bains-douches de Bondy, ceux de la rue des Haies (Paris) et la Piscine et bains-douches de la Butte aux Cailles (Paris).

 

- Les salles de spectacles et les équipements de loisirs

La première catégorie de bâtiments regroupe théâtres, cinémas, music-halls, cabarets, salles de concert et salles de danse, autant d’équipements dont Paris et la banlieue se dotent à l’aube du 20ème siècle, au moment même où les loisirs et le divertissement se démocratisent. Dans la plupart des cas, ces édifices sont financés par des investisseurs privés, dans d’autres, par des municipalités désireuses d’offrir à leurs administrés un équipement essentiel à l’éducation populaire. Là encore, l’exposition nous invite à découvrir certaines réalisations : le Centre de loisirs Albert-Thomas (Suresnes), les Folies Bergère (Paris), le Théâtre des Champs-Elysées (Paris), la Salle des fêtes (Issy-les-Moulineaux) ou Le Louxor (Paris).

 

Dans le monde actuel, l’architecture évolue comme le reste. Les architectes envisagent désormais de nouvelles formes de décor, rapprochant notamment l’architecture du tissu qui offrirait des façades plus souples, mouvantes, jouant avec les textures, les motifs et les couleurs. On assiste déjà à une architecture caméléon qui évolue au fil des saisons, comme à la Fondation Cartier. Il existe aussi le décor architectural qui interagit avec les usagers grâce à une multitude de facettes contrôlées informatiquement qui répondent à ce qui se passe à l’intérieur d’une salle de spectacles et aux stimuli l’environnant. Avec l’imagination au pouvoir, tout est permis !

 

 

INFOS PRATIQUES :

  • Exposition « Trésors de décors, Façades d’Île-de-France », jusqu’au 23 juin 2024, au Musée d’histoire urbaine et sociale de Suresnes, 1 place de la Gare, à Suresnes (92)










 



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