Lundi 5 août 2024
Labellisée Exposition d’Intérêt National, l’exposition « François 1er, un roi cognaçais » visible jusqu’au 1er décembre prochain, invite le public à découvrir l’importance de la cour de Cognac dès la fin du Moyen-Âge du double point de vue artistique et intellectuel. Nous découvrons ainsi les relations que François 1er conserve avec la ville durant son règne et revenons sur la construction de l’image du souverain dans le roman national mis en place par les historiens du XIXème siècle et soutenu par les peintres.
C’est le 12 septembre 1494 (il y a 530 ans) que naquit François d’Angoulême, futur François 1er, au château de Cognac (16). Autant dire que les destins du souverain et de sa ville natale ont toujours été profondément liés étant donné les relations privilégiées que Cognac entretint avec l’illustre enfant. Afin de marquer d’une pierre blanche cette date anniversaire, le musée d’art et d’histoire de Cognac a donc pensé mettre sur pied une exposition hors pair (cet événement est d’ailleurs labellisé d’intérêt national par le ministère de la Culture) rassemblant un grand nombre d’oeuvres prêtées par les plus prestigieux musées et institutions de France (comme le musée du Louvre, le musée national de la Renaissance, le musée de l’Armée, la Bibliothèque nationale de France ou le château de Versailles...)
Cet événement est aussi l’occasion pour ce musée de présenter au public et pour la première fois deux œuvres remarquables acquises récemment (en 2023).
En tant que visiteur, le fil du parcours vous conviera à marcher dans les pas des Valois-Angoulême, dans le Cognac de la Renaissance, lieu incontournable de la culture humaniste et artistique en France. Vous suivrez le roi cognaçais à travers les siècles et les mythes à l’origine du « roman national » bâti autour de lui au XIXème siècle n’auront plus de secret pour vous.
Cinq grands thèmes se détachent dans cette exposition :
- La famille de François 1er : ce thème donne lieu à la présentation des portraits de Louise de Savoie, Marguerite d’Angoulême, François d’Angoulême et du buste de Louise de Savoie (prêt du musée du Louvre à Paris) ci-dessous. Ce buste fut découvert au début du XIXème siècle au manoir de la Péraudière, en Touraine, avec deux autres œuvres, un buste dont on pense qu’il pourrait s’agir d’Antoine Duprat, chancelier fidèle qui aurait épaulé la mère de François 1er lors de ses deux régences. Quant au troisième buste, il a disparu. L’oeuvre qui nous intéresse aurait été conçue dans l’atelier d’Antoine Juste, au cours de la décennie 1510, à Amboise (37).
Louise de Savoie porte ici une coiffure inhabituelle, laquelle ressemble à d’autres copies contemporaines du sujet/ Quant à l’âge de ce visage féminin, il se situerait entre 30 et 40 ans.
- François 1er, un roi bâtisseur : l’oeuvre intitulée « Vue de Cognac du XVIIème siècle » a été acquise par Grand Cognac l’année dernière. Cette toile est unique car elle dépeint l’histoire du territoire vue par un cavalier sur son cheval, et telle que le roi François 1er pouvait la voir lors de ses séjours cognaçais.
L’oeuvre reproduit donc la vision qu’aurait eu un cavalier depuis les coteaux du quartier Saint-Jacques sur la rive droite de la Charente. Nous ne sommes pas ici devant un plan de la cité mais face à une représentation détaillée de Cognac, avec ses rues et ses ilots,et aussi les bornes de la ville au-delà de son enceinte. Chaque détail compte comme ces éléments naturels servant de repères au cadrage d’urbanité tout en limitant l’expansion de la cité et en la contraignant notamment à se construire sur elle-même.
Certes, le château de Cognac a été dévasté lors de la guerre de Cent Ans mais le bon comte Jean et son fils Charles d’Angoulême réaliseront d’importants travaux afin de redonner l’éclat d’antan à la forteresse et la solidité à toute épreuve des remparts. Ce travail de longue haleine s’étalera sur trente ans à partir de 1481 et coutera 200 livres tournois par an pour réparer le pont, les fortifications et la tour du pont qui abritait alors une chapelle dédiée à Notre-Dame.
En 1517, François 1er procèdera à la construction d’un grand corps de bâtiment à l’intérieur duquel se trouve la Grande salle des Etats,et la salle des gardes.
- Le goût des arts : rien d’étonnant à ce que notre roi de France ait une passion pour les arts. Celle-ci lui vient de sa famille, et la vue du jeune François d’Angoulême, qui apparaît dans des enluminures en train de recevoir un livre n’est pas surprenante lorsqu’on sait que Charles d’Angoulême se fera lui-même représenter sur le frontispice, par le célèbre imprimeur parisien Vérard. Ce dernier travaillera pour le comte dès les années 1490, en illustrant les divers ouvrages commandés par le seigneur. Et l’imprimeur de personnaliser ainsi ses œuvres en fonction de leurs destinataires. Une fois veuve, Louise de Savoie se souviendra du penchant de son époux pour les enluminures, prenant aussi conscience de l’intérêt qu’il peut y avoir à utiliser des images à des fins politiques et symboliques.
Rien d’exceptionnel non plus dans la représentation de l’imprimeur agenouillé devant son seigneur lors de scènes de dédicace, si ce n’est qu’il s’agit ici de François d’Angoulême, âgé de dix ans seulement. Derrière lui se tient sa mère, vêtue de noir, et une jeune fille, probablement Marguerite, la sœur du futur François 1er. Sur cette image, Louise de Savoie porte un regard bienveillant et autoritaire à son fils, illustrant pleinement la devise adoptée par la comtesse d’Angoulême : « Libris et liberis » (Pour mes livres et mes enfants). On reconnaît alors en Louise de Savoie la mère éducatrice du dauphin, futur souverain du royaume de France. Une mère qui n’aura de cesse de former sa progéniture pour en faire un prince de la Renaissance qui deviendra le moment venu un souverain lettré, savant et vertueux.
C’est dans cette perspective que Louise, intelligente et cultivée offrira à son fils les meilleurs précepteurs, ainsi que des ouvrages traitant de tous les sujets pour parfaire l’instruction du futur roi. On retrouve bien sûr la morale et la religion, mais aussi des livres de piété, et d’autres traités éthiques comme, par exemple, le Séjour d’honneur (ci-dessous en photo), autant d’ouvrages sensés permettre à l’enfant d’acquérir les vertus morales indispensables au futur roi très chrétien.
- Cognac, un deuxième paradis : notre mémoire nationale a gravé en nous l’image d’un François 1er chevalier et guerrier. En revanche, peu de gens savent qu’avant son avènement, le jeune comte François d’Angoulême possédait déjà une épée d’apparat, portant sur sa lame ciselée et gravée l’inscription suivante : »Chataldo me fecit »(Chataldo m’a faite). Cette épée de grande qualité et en bronze est recouverte d’une épaisse feuille d’or, ornée de filigranes et enrichie d’émail rouge, bleu et blanc.
La seule garde de l’épée est un chef-d’oeuvre d’orfèvrerie avec sa structure cruciforme qui rappelle les épées médiévales. Des deux côtés des quillons, une citation tirée du Magnificat « fecit potentiam in brachio suo » (il a placé la puissance dans son bras). La fusée, elle, est émaillée de blanc et de rouge, tandis que le pommeau de l’épée a l’apparence d’une sphère émaillée de rouge. Notons l’absence d’une couronne royale et de fleurs de lys, ce qui permet d’envisager que l’épée ait été réalisée pour le jeune comte avant 1515. Sa richesse justifie de fastueuses commandes passées en 1514, année particulière puisqu’elle donnera lieu à de grandioses cérémonies à l’occasion de la mort d’Anne de Bretagne.
- François 1er et le roman national du XIXè siècle : Marguerite d’Angoulême, sœur de François 1er, deviendra reine de Navarre par son mariage avec Henri II d’Albret en 1527. Elle recevra comme son frère François, une éducation humaniste dispensée par Louise de Savoie en personne. Elle partagera le goût des lettres et des livres et jouera un rôle important dans la vie culturelle du Royaume. Mécène bienveillante,Marguerite protègera de nombreux hommes de lettres tout en s’illustrant comme poétesse et écrivain.
Dans les dernières années de sa vie,Marguerite rédige « L’Heptaméron » mais décède avant son terme et laisse une œuvre inachevée.L’ouvrage traite des idéaux et des codes de la société aristocratique de la Renaissance tout en affirmant l’importance attribuée à la parole et à l’éloquence.
Devenue reine de Navarre, Marguerite, qui ne semble pas avoir trouvé d’épanouissement dans son mariage,prend fait et cause pour les femmes malmenées et malheureuses.
Sur le tableau d’Olivier Léhon, « Marguerite de Valois faisant la lecture de l’Heptaméron », c’est bel et bien la princesse écrivain et humaniste qui est célébrée.
INFOS PRATIQUES
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Exposition « François 1er, un roi cognaçais », jusqu’au 1er décembre 2024, à la Maison du Négociant, Musée d’Art et d’Histoire, Boulevard Denfert Rochereau à Cognac (16)
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Catalogue de l’exposition, 158 pages, 20 Euros.