Lundi 23 septembre 2024
La pire des choses est l’oubli des malheurs de ce monde et des persécutions de l’homme par l’homme, quelque soit son origine ou sa couleur de peau. Les guerres dépassent bien souvent le citoyen ordinaire tant les implications déclenchant les conflits peuvent être nombreuses et complexes.
La transmission de ce type d’évènements aux jeunes générations n’est pas chose aisée et l’exposition actuellement présentée par le Musée de la Grande Guerre permet modestement de livrer à un large public des clés de compréhension de l’histoire et des mémoires des anciennes colonies et territoires français.
« Combattre loin de chez soi, l’Empire colonial français dans la Grande Guerre », visible au Musée de la Grande Guerre de Meaux (77) jusqu’au 30 décembre 2024, apportera sans doute des réponses à bien des questions concernant la participation de cet Empire au premier conflit mondial, dont la plaie n’est toujours pas refermée.
Un fil rouge, à la fois chronologique et thématique, sert de guide au parcours de visite mis en place pour le public, lequel comprend trois sections principales :
- L’Empire colonial français, historique et état des lieux
En 1914, l’Empire colonial français a plus de quatre siècles d’existence. Il s’étend en Afrique, en Indochine, dans l’Océan indien (Madagascar, Île de la Réunion), en Océanie et dans le Pacifique, sur la Côte des Somalis et dans les Antilles. L’ensemble de la population contenue dans les colonies et les protectorats est alors de 41 millions d’habitants.
A la veille du conflit, les colonies sont à la fois pour notre pays un enjeu de puissance et une source de mésentente avec certaines nation s(le Maroc en 1905 et l’Empire allemand en 1911).
Afin de rendre ce contexte plus explicite pour les visiteurs, un film décrit le cadre géographique de l’exposition pour replacer la constitution de l’Empire colonial français dans son contexte.
La participation de l’Empire à la Grande Guerre
Pour certains, l’Empire représente un énorme réservoir d’hommes, une « Force noire » qui serait disponible en cas de conflit et dont le colonel Mangin posera les principes dès 1910. Quatre ans plus tard, ce sont pas moins de 600 000 hommes (indigènes et Européens installés aux colonies) qui combattront sur tous les fronts où intervient l’armée française en Métropole, en Afrique ou dans les Dardanelles. Ces troupes contribuent bien sûr largement à la victoire finale.
Ces 600 000 coloniaux ne seront pas les seuls contributeurs lors de la guerre de 1914-1918, car, dans le même temps, 200 000 travailleurs coloniaux seront recrutés pour oeuvrer dans les usines, les mines, les ateliers et l’agriculture afin de participer à la production de guerre.
Ainsi, les colonies françaises ravitaillent-elles notre pays en denrées et matières premières, malgré les difficultés de transport.
Cependant, tout n’est pas aussi simple qu’il n’y paraît quant à l’utilisation de ces indigènes venus d’horizons lointains souvent plus chauds et pour lesquels le premier défi sera climatique, à savoir la gestion du froid lors de leur venue en Métropole. Le commandement militaire français tiendra compte de ces contraintes en retirant du front et à tour de rôle les régiments coloniaux durant la période la plus froide de l’année, entre novembre et avril. Ces régiments coloniaux rejoindront alors des camps d’hivernage » installées dans le sud de la France et en Afrique du Nord.
Un traitement particulier sera par ailleurs appliqué à ces hommes par l’institution militaire : surveillance accrue du courrier, permissions limitées, inégalités en matière d’avancement et de commandement.
Afin d’encourager l’attachement des combattants indigènes à la France tout en combattant la propagande ennemie, on facilitera leur pratique religieuse, le respect de leurs coutumes et des habitudes culinaires festives et culturelles.
Honorer et commémorer les résonances de la guerre
Si, en apparence, notre pays et son Empire sortent renforcés de ce premier conflit mondial, l’implication de troupes originaires des colonies affectera sans aucun doute les futures relations avec la Métropole. En signe de reconnaissance à ces combattants et travailleurs venus d’autres horizons, une « politique des égards » sera mise en place, avec remise de décorations, participation aux défilés de la victoire et mise en mémoire par l’édification de monuments et bâtiments commémoratifs ( à l’exemple de la Grande mosquée de Paris)... avec un double objectif : honorer les sacrifices consentis par l’Empire et convaincre les Français de Métropole de l’utilité des colonies en tant qu’images de marque célébrées lors des expositions coloniales. Monuments, cimetières, bâtiments commémoratifs apparaissent alors comme les traces de l’engagement des hommes de l’Empire qui aideront les générations actuelles à parfaire leur connaissance de l’histoire de France en parcourant nos villes et nos champs de batailles.
Outre ce parcours de visite thématique, le public est convié à découvrir l’exposition sous l’angle de certains œuvres symboliques parmi lesquelles :
La Reprise du fort de Douaumont (œuvre de Lucien Jonas), le 24 octobre 1916, par le régiment d’infanterie coloniale du Maroc, renforcé de tirailleurs sénégalais et somalis. Ce tableau très symbolique de la bataille de Verdun a fait l’objet d’un grand nombre de représentations artistiques et iconographiques.
Les insignes de la Journée de l’Armée d’Afrique et des troupes coloniales (1917) que les civils peuvent se procurer pour les épingler sur la poitrine. Ces vignettes cartonnées montrent différents soldats originaires de l’Empire (chasseur d’Afrique, tirailleur algérien, chasseur indigène, tirailleur sénégalais) reproduits au format portrait de profil ou de trois quarts. Au verso de chaque insigne sont citées chronologiquement les batailles les plus marquantes de leur engagement : la Marne, l’Yser, les batailles d’Artois et de Champagne, Verdun, la Somme et la campagne d’Orient.
Les photographies du Camp des Marocains à Bordeaux (en août 1914) dont les occupants, partis en bateau le 15 août des ports d’Oran, de Rabat et de Meheyda débarqueront d’abord à Sète avant d’être regroupés à Bordeaux. Ces soldats de la brigade marocaine seront alors accueillis très chaleureusement par les Bordelais, puis installés dans des cantonnements sur les rives de la Garonne. Ces tirailleurs revêtent le plus souvent leur tenue de campagne de teinte kaki beigne, d’autres la djellaba, mais tous sont coiffés de la chéchia.
L’uniforme de tirailleur indochinois d’un bataillon d’étape (vers 1917). Un bataillon d’étape était une unité située à proximité immédiate des premières lignes, chargée de l’entretien de voies, de l’acheminement des matériels et de missions dans les formations sanitaires. Le tirailleur indochinois porte un chapeau conique adopté par toutes les formations originaires d’Indochine en 1912.
Le fanion de tirailleurs algériens qui présente sur chaque angle un croissant vert et une main de Fatma en son centre. Arborant une hampe au croissant, le fanion ici représenté est probablement celui du 2ème Régiment de tirailleurs algériens, lequel se distinguera lors de la bataille de la Marne en 1914, puis en Argonne et en Meuse l’année suivante, à Verdun en 1916, puis dans l’Aisne lors de la reprise de la bataille de mouvement en 1918.
L’exposition qui se veut accessible à tous propose des dispositifs de médiation destinés à un public familial, dès l’âge de 10 ans. Au début de la visite, sont présentés quatre personnages fictifs revêtus de leur uniforme respectif : un tirailleur sénégalais, un chasseur d’Afrique, un travailleur indochinois et un Antillais ; ces personnages accompagnent les visiteurs tout au long du parcours, en lui laissant entrevoir leur existence au moment de la mobilisation, leur implication durant le conflit et leur destin après la guerre.
INFOS PRATIQUES :