Lundi 7 octobre 2024
En cette rentrée, et dans le cadre de l’année franco-chinoise du tourisme culturel et du 60è anniversaire des relations diplomatiques entre la France et la Chine, le musée Guimet nous invite à découvrir l’exposition « L’Or des Ming, Fastes et beautés de la Chine impériale (14è-17è siècle) » jusqu’au 13 janvier 2025. Une première qui affiche luxe et magnificence de ces plus belles créations de l’orfèvrerie chinoise, trésors extraits de la collection exceptionnelle de M.Kwok.
Les œuvres présentées dans cette exposition proviennent du musée des Beaux-Arts de Qujiang (Xi’an, Chine), lieu habituel de conservation d’une remarquable collection de parures et de vases en or. Rassemblés dans cette exposition, ces trésors témoignent de l’extrême raffinement, du goût sophistiqué et de la puissance économique des Ming. Et tous ces bijoux, cette vaisselle et bien d’autres objets précieux d’attester de la position sociale de leurs propriétaires tandis que les représentations du dragon à cinq griffes et du phénix trahissent des liens avec la famille impériale.
La dynastie Ming arrive à point nommé, à un moment où le commerce international se développe grâce à l’ouverture de nouvelles routes maritimes entre l’Europe et l’Asie, puis à destination des Amériques. Cette époque est celle de grands noms comme Zheng He, Vasco de Gama et Magellan. Au cœur de la Cité Interdite de Pékin, s’exprime la peinture de cour, marque de richesse de la société impériale, les femmes revêtant des habits de soie aux parures d’or et les empereurs et hommes de la plus haute classe sociale faisant usage de vases en or aussi bien pour décorer leurs intérieurs que pour déguster des mets ou boire du vin.
Métal inoxydable connu surtout par nos sociétés en crise en tant que valeur refuge, l’or, couleur du soleil, est dès la haute antiquité chinoise, et apprécié comme symbole de richesse et de statut social au même titre que le bronze le jade ou la soie. Cet or est extrait des mines exploitées dans le sud-Ouest du pays dès l’époque médiévale, voire importé à certaines périodes, avant d’être utilisé non pas comme valeur monétaire mais pour la fabrication et l’ornement d’objets de luxe comme de la vaisselle d’apparat et des bijoux.
Après avoir renversé le pouvoir mongol des Yuans, la dynastie Ming (qu’on traduit par ‘brillant, éclatant’), devenue la puissance politique de l’ethnie Han, entreprend de restaurer les traditions chinoises et la confucianisme. Et cette dynastie est encore aujourd’hui admirée pour les monuments qu’elle nous a légués (comme la Cité Interdite, la Grande Muraille...) et pour ses productions artistiques (dont la porcelaine et ses célèbres ‘bleu et blanc’), le mobilier en bois naturel, la littérature ou la peinture à l’encre.
Les empereurs Ming ont tous un point commun: l’exploration des mers. La flotte de l’amiral Zheng He entreprend ainsi pas moins de six voyages officiels pour le compte de l’empereur de 1405 et 1433, traversant l’’Asie du Sud-Est et contournant la péninsule indiennes avant de se rendre sur la côte orientale de l’Afrique.Pour naviguer en haute mer, on utilise principalement de monumentales jonques chinoises pour rapporter des lointaines contrées les richesses les plus inattendues : or, argent, épices, pierres précieuses, animaux exotiques...
Dès le 16ème siècle, les navigateurs européens cherchent eux aussi à atteindre l’Extrême-Orient : Vasco de Gama en 1498, Christophe Colomb entre 1492 et 1504 et Fernand de Magellan entre 1519 et 1522 ouvrent de nouveaux axes maritimes entre l’Europe et l’Asie et entre l’Europe et les Amériques, donnant ainsi naissance au commerce mondial. Un commerce auquel la Chine des Ming contribue largement, passant du statut de société agraire au statut de société mercantile.
Les villes du Sud connaissent un certain enrichissement qui permet l’essor d’une classe nouvelle, celle des marchands fortunés. Peu à peu, toutes les couches de la société vont aspirer à un plus grand confort matériel, entrainant l’essor de produits de luxe comme les soieries façonnées ou brodées, l’orfèvrerie d’or et les bijoux, des objets de luxe qui deviendront rapidement des marqueurs de statut social et de richesse très convoités. C’est bientôt l’avènement d’une économie du luxe.
L’une des principales préoccupations des empereurs Ming lors de leur accession au pouvoir est alors de restaurer les coutumes et les vêtements des dynasties Tang et Song, considérées comme exemplaires en matière de traditions chinoises. Les Ming cherchent alors à instaurer un vêtement approprié en guise de contrepied de celui des Mongols.
Les bijoux d’or, de jade ou d’argent et autres parures, qui font également office d’indicateur de rang et de statut social, sont régis par une réglementation détaillée sur la manière de porter les bijoux en fonction de la position occupée par chacun au sein d’une hiérarchie.On déplore toutefois de nombreuses infractions quant au respect de ces recommandations. La production de parures en or augmentera à partir du 16ème siècle et certaines des plus belles pièces sont alors rehaussées de pierres précieuses, les élites fortunées ne cessant de copier les modes et pratiques de la Cour.
Outre le fait que les parures ont le pouvoir de révéler l’éclat d’un visage féminin, dont cette blancheur évoquée par les poètes, celles-ci font partie de la livrée des femmes de l’aristocratie. Le choix des motifs destinés à leur ornement est aussi décisif car ces motifs véhiculent souvent un message censé porter chance (richesse, bonheur, santé, longévité...) à la personne qui les revêt. On considère ainsi les fleurs et les oiseaux comme porteurs de signes de bon augure.
De nos jours, les objets en or de l’Epoque Ming sont devenus rares, certains bijoux ayant été fondus pour en faire de nouveaux plus à la mode. Les objets d’or présentés dans cette exposition, tous issus de l’exceptionnelle collection de M. Kwok, ont d’autant plus de valeur qu’ils sont devenus très rares.
Au travers d’une scénographie soignée, les visiteurs sont conviés à admirer le faste des élites de l’époque des Ming, aidés par de riches contenus pédagogiques et numériques destinés à la compréhension du rôle de l’or sous les Ming et son importance dans la parure des femmes de l’élite chinoise. Aussi l’exposition aborde t-elle les principales techniques utilisées pour confectionner des objets en or (fonte, martelage repoussé, ciselure, sertissage, filigrane et granulation...)
La vaisselle d’or
Les représentants de l’aristocratie utilisent une vaisselle d’apparat en or et argent (plats, assiettes, coupes, verseuses, bassins...) complétés par des baguettes et des cuillères. Cette vaisselle trouve sa place lors des libations, de la présentation et de la consommation de mets délicats et d’alcool, lors de banquets. En principe réservée à l’empereur et à ses proches parents, cette luxueuse vaisselle se répand de plus en plus largement au sein des élites aisées.
Il reste peu d’exemplaires de cette étonnante vaisselle et les pièces conservées portent des informations précieuses (Bureau de l’orfèvrerie des ateliers, année de création, teneur en métal précieux). Les plus belles pièces de vaisselle sont ornées d’un décor baroque de dragons ou de fleurs en dentelle de métal précieux.
Les parures d’or
Sous les Ming, ces parures connaissent une production sans précédent dans l’Histoire chinoise. Elles sont composées d’épingles (ou ornements de coiffure), boucles d’oreilles, plaques et passants de ceinture , pendants d’écharpe, bagues et bracelets en or, en argent ou en jade (parfois rehaussés de pierres précieuses), et font partie des compléments essentiels des tenues vestimentaires des élites. Outre leur fonction pratique, ces accessoires indiquent le statut et le rang de la personne qui les porte.
Une réglementation permet de limiter l’usage des matériaux précieux et de garantir l’exclusivité de certains motifs aux seuls membres de la famille impériale et aux plus hauts représentants de l’administration.
Les gemmes
Nous l’avons évoqué plus haut, certains bijoux en or sont rehaussés de pierres précieuses choisies pour leur rareté, leur couleur et leur texture. Les Ming ont un faible pour le rubis (spinelle), une des pierres les répandues et appréciées.
Ce rubis est souvent combiné à des saphirs, du jade ou des perles d’eau douce.
A noter que les pièces les plus richement ornées préfèrent généralement la combinaison de pierres de cinq couleurs.
Les motifs animaliers
Certains de ces motifs (dragon, phénix et faisan) sont généralement réservés à l’empereur et sa proche famille.
En revanche, fleurs et oiseaux, associés aux saisons, sont porteurs d’un message de bon augure. La chauve-souris est synonyme de bonheur, le crabe de l’harmonie et le papillon de longévité.
Les motifs végétaux
Les plantes sont si nombreuses qu’elles forment un répertoire inépuisable de motifs. Les fleurs sont naturellement associées aux saisons et suggèrent certaines qualités ou vertus prônées par la pensée confucéenne. Première fleur à éclore après l’hiver, le prunus évoque la résilience, tandis que la pivoine promet richesse et réussite. Le lotus symbolise la pureté et le chrysanthème, l’endurance.
Les motifs de bon augure
La majorité de ceux qui ornent les bijoux sont porteurs d’ un message de bon augure. C’est le cas du sceptre ruyi (« selon vos désirs »), un champignon que la pharmacopée chinoise utilise pour ses vertus tonifiantes et prêtant au patient une vie longue et une bonne santé.
Les motifs religieux
Les figures des divinités bouddhiques constituent un ornement très apprécié pour l’épingle de coiffure centrale portée au-dessus du front par les épouses d’aristocrates. Autres thèmes taoïstes offrant des motifs de parures féminines : la calebasse qui évoque l’abondance et le panier de fleurs associé à la fécondité.
Les parures de tête
En vertu du précepte confucéen de piété filiale, les femmes mariées ont l’interdiction de se couper les cheveux. On porte donc ces derniers relevés et en forme de chignon.
Peignes et épingles de formes diverses participent à la coiffure des femmes de l’élite, le nombre de motifs indiquant le rang hiérarchique de la femme en question.
Les boucles d’oreilles
Celles-ci font partie des parures féminines les plus répandues. On en distingue trois modèles, tous destinés aux oreilles percées : les boutons d’oreilles, les anneaux et les pendants d’oreilles
Le pendant d’écharpe
Le peizhui est le pendant fixé dans le bas de l’écharpe officielle portée par les femmes de l’aristocratie et les épouses de fonctionnaires. Orné d’orfèvrerie ou de jade, il a la forme d’une goutte ou d’une pêche.
Bagues et bracelets
Les bracelets sont considérés comme des accessoires exclusivement féminins et sont toujours portés par paires. Quant aux bagues, elles sont en forme d’anneau et comportent un cartouche souvent rectangulaire, dit »en forme d’étrier ».
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