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L'île perlière de Mikimoto
(Préfecture de Mie, Japon)
Heure locale

 

Vendredi 29 juillet 2011


 

J'arrive la veille, hier jeudi, à Toba , une petite ville située dans la baie d'Ise, au sud est d'Osaka. Cette ville est connue pour son île perlière qui a développé la production de perles grâce au talent de Kokichi Mikimoto qui l'introduisit dans la région. Il me faut environ deux heures pour me rendre sur place en train express. (photo). La baie d'Ise est en réalité un parc national surtout connu pour ses sanctuaires shinto qui sont les plus vénérés du Japon. Ses fermes de perles font aussi partie du paysage local. Mais d'autres paysages, naturels ceux-là, s'offrent à vous le long de cette côte découpée ponctuée d'îles et de rias. Notre vol est arrivé à Osaka avec trois heures de retard et la fatigue commence à faire son effet. Confortablement installé, je ne profiterai que très peu du paysage durant le trajet mais je m'apercevrai que le temps ensoleillé d'Osaka laissera peu à peu la place à la pluie. Mince! Pourvu que la journée de vendredi soit meilleure. Comme à mon habitude, j'ai réservé une chambre d'hôtel à Toba afin de me trouver sur place dès la lendemain matin, pour visiter ce que j'ai prévu, sans perte de temps. Mon choix s'est porté sur l'hôtel Senpokaku qui offre un accueil traditionnel japonais. Je passerai la nuit sur un confortable futon. Et profiterai au petit matin d'une jolie vue sur la baie et les îles environnantes. Avant de tomber de fatigue, je descendrai au centre ville à pied pour me restaurer dans un petit restaurant italien fort sympathique: Le Cuccagna. Une assiette de pâtes carbonara et me voici de retour à l'hôtel pour passer une nuit salvatrice.


 

Heureusement, la journée s'annonce belle et ensoleillée en ce vendredi matin. J'ai prévu de débuter ma visite en me rendant sur l'île de Mikimoto. Oh, île est un bien grand mot car une simple passerelle me permet d'y accéder depuis Toba. C'est sur cette petite île que Kokichi Mikimoto réussira à produire des perles de culture pour la première fois. Nous sommes en juillet 1893 et ce que Kokichi parvient à réaliser permettra l'établissement de l'industrie perlière dans la région d'Ise-Shima. Cet homme qui consacrera toute son existence à la prospérité de sa ville et du Japon a désormais un mémorial qui raconte sa vie sur l'île perlière de Mikimoto. Kokichi nait en 1858 au sein de la famille Mikimoto qui tient le restaurant de nouilles Awako de Toba, depuis plusieurs générations. Ce restaurant est reconstitué dans le Mémorial. La jeunesse de Kokichi coïncide avec la fin de la période féodale japonaise et l'avènement de la restauration Meiji. Il perd son grand père à l'âge de neuf ans, et devra veiller sur ses frères et soeurs et contribuer à la survivance alimentaire de la famille. Il se retire pour une retraite dans un temple pendant deux années afin de prier pour le salut de son papa. Et ça marche. Il fréquente l'école élémentaire de 9 à 11 ans, commerce pour la première fois avec un vaisseau anglais de passage dans la baie de Toba à l'âge de 17 ans, en vendant des légumes. Devient chef de famille à 20 ans. Il se rend à Tokyo en mars 1878 et découvre le commerce des produits marins à Yokohama.

Le commerce des perles l'impressionnera tout particulièrement. Lors de son voyage retour à Toba, il sauve de justesse un marchand de thé qui tombe inconscient et découvre que la presse a parlé de son intervention. Il découvre ainsi le pouvoir des médias. La perle est longtemps restée une spécificité de la province de Shima. En 1879, Kokichi se rend à Osaka puis à Kobé afin de découvrir le parcours emprunté par les produits exportés depuis cette province. C'est à cette époque qu'il rencontre plusieurs personnes qui l'aideront dans son entreprise un peu plus tard, dont sa femme, Ume, qui mourra jeune à l'âge de 32 ans. En 1888, une exposition a lieu à Tokyo: La National Marine Product Fair. Kokichi s'y rend et représente la coopérative maritime de Shima. Il a déjà le pressentiment que la perle peut devenir une activité majeure pour la région d'Ise-Shima. Et se lance bientôt dans la culture de la perle. Mais ses débuts seront difficiles: En 1892, ses huitres sont détruites par une marée rouge dans la baie d'Ago. C'est seulement le 11 juillet 1893 que la première perle cultivée apparaît. Kokichi a alors 35 ans. Après la mort de sa femme, en 1896, Kokichi se concentre à la fois sur l'éducation de ses cinq enfants et sur la culture de la perle. Il ferme le restaurant familial. Et trouve refuge sur l'île de Tatokujima. Deux ans plus tard, son commerce décolle enfin. En 1905, une nouvelle marée rouge détruit à nouveau 850000 huîtres dans la baie d'Ago, mais Kokichi, après avoir ouvert un grand nombre d'huîtres mortes, découvre cinq perles rondes à l'intérieur et en conclut qu'il est possible de produire des perles à partir des huitres. Il se remet au travail. En 1899, il avait déjà ouvert une première boutique à Tokyo, la première boutique de perles. La famille impériale le contacte alors, et emporte avec elle ses perles pour les montrer à Londres lors du couronnement d'Edward VII. En 1924, Kokichi obtient le titre de fournisseur officiel de perles de l'Empereur. Kokichi sera aussi un fervent défenseur d'Ise-Shima et obtiendra le classement de la région en parc national après la guerre. Il croyait au développement du tourisme dans son pays. En 1937, la guerre sino-japonaise provoqua la crise au Japon. Et Kokichi ferma son entreprise de perles excepté la ferme perlière de Tatoku. En 1940, l'exploitation et le commerce de la perle sont provisoirement interdits.


 

Outre l'invention des perles de culture, la rencontre avec Thomas Edison en 1927 restera un grand moment dans la vie de Mikimoto. Ce dernier rend visite à Thomas Edison lors de son passage aux Etats Unis , à West Orange. Thomas Edison déclarera à Kokichi alors qu'il examinait une perle: »Ce n'est pas une perle de culture, c'est une vraie perle. Il n'y a que deux choses que je ne puisse créer dans mon laboratoire: les diamants et les perles ».

La visite du mémorial de Kokichi Mikimoto est une plongée dans ce qui fut l'existence de cet homme: Objets, vitrines contenants des documents divers relatant la vie de Kokichi permettent de mieux comprendre les difficultés rencontrées par lui dans le lancement de son entreprise qui n'a depuis cessé de prospérer.

Je suis magnifiquement accueilli par Noboru Shibahara , le directeur de l'île de Mikimoto. Il est assisté par Tatsuo Inoue, responsable des relations publiques. Lorsqu'ils apprennent que je réalise un reportage sur l'île, ils m'apportent des documents et un CD de photos.

Je débute ma visite de l'île de Mikimoto par le musée de la perle. Inauguré en septembre 1985, celui-ci a pour vocation de faire découvrir aux visiteurs comment naît une perle, de quelles huîtres, et d'expliquer en quoi consiste la culture de la perle (avec insertion du noyau , puis le traitement de l'huitre perlière). Dans un second temps, le musée aborde la production et le marché de la perle. Plusieurs salles d'exposition permettent d'illustrer, au travers des différents objets et tableaux exposés, les aspects étudiés. A l'étage supérieur, sont exposés différentes compositions réalisées à base de perles: J'admire ainsi la pagode à cinq étages de Mikimoto qui fut réalisée à l'aide de 12760 perles (photo ci-dessous). Cette œuvre fut exposée à l'Exposition universelle de Philadelphie en 1926. Et voici la couronne de perles de Mikimoto (photo ci-dessous) constituée de 872 perles, 188 diamants et 18 kilos d'or.

Un autre moment fort de ma visite sur l'île de Mikimoto est la démonstration des pêcheuses de perles. A 9h00, en face du musée de la perle, un bateau s'approche de la rive avec, à son bord, deux pêcheuses de perles surnommées aussi « Ama »(plongeuses). Leur nom était déjà chanté dans le plus vieux recueil de poèmes du Japon, le Manyoshu. Bravant la mer et les vagues, ces femmes partent à la recherche des perles. Leur histoire est ancienne et remonte à plus de 2000 ans. C'est contraints et forcés que les hommes durent trouver leur subsistance dans la mer car le relief , principalement montagneux, est ingrat et ne permet pas les cultures. Les hommes partaient en mer pour pêcher mais ce travail, trop pénible, ne convenait pas aux femmes. Celles-ci se contentèrent donc de plonger et de pêcher près du rivage. Ces travailleuses de la mer prospérèrent grâce à la richesse de cette côte en produits marins. On compte de nos jours environ 1000 plongeuses sur le littoral d'Ise-Shima. On devient « Ama » , c'est à dire plongeuse, dès l 'école primaire, vers 12-13 ans sous la conduite de la mère ou de plongeuses plus âgées. L'entrainement se poursuit ensuite spontanément , jusqu'à plonger à des profondeurs de 4, puis 5 et 6 mètres. A l'âge de 20 ans, les plongeuses atteignent même des profondeurs de 10 mètres. Le temps de la plongée est alors d'une minute, en apnée. C'est seulement lorsque les « Ama » atteignent la quarantaine voire la cinquantaine, qu'elles acquièrent toute l'expérience nécessaire et aussi leur meilleur souffle. On trouve aussi des plongeuses de 70 ans ou plus, toujours en activité et partant à la recherche d'oreilles de mer, de langoustes ou de différentes espèces d'algues. Filles de la région, les « Amas »portent une tenue de travail particulière (voir photo), de couleur blanche. On dit que la couleur blanche les protège de l'attaque des requins.

Il existe deux sortes de plongeuses: Les « Kachido-Ama » et les les « Funado-Ama ». Les premières (figurant sur la photo) opèrent près des côtes et dans des endroits relativement peu profonds. Elles laissent flotter un baquet appelé « Iso-oke » dans lequel elles déposent le produit de leur pêche. Elles plongent de manière autonome sans aucune aide. Les secondes travaillent en mer profonde avec la collaboration de leur mari. Le couple gagne le large à bord d'un bateau. La femme, pour atteindre plus rapidement les fonds, est lestée d'un poids d'environ 5 kilos qu'elle tient à la main. Lorsqu'elle veut regagner la surface, elle tire sur la corde de sécurité passée autour de sa taille. Le mari, resté à bord du bateau, la remonte alors à la surface. Cette pratique requiert une parfaite complicité entre les époux.

Le travail des plongeuses débute au printemps, vers le mois d'avril et se termine au mois de novembre. Elles plongent environ deux à trois fois par jour et chaque série de plongées dure entre 30 à 60 minutes. Durant le travail, les plongeuses émettent un sifflement qui leur permet de réguler leur respiration. En effet, au moment de la remontée, une grande et brusque inspiration après une plongée profonde pourrait occasionner des lésions aux poumons et au cœur. Ce sifflement, empreint d'une certaine mélancolie est appelé « Uni no nageki » (lamento de la mer).


 

Une vidéo montrant les plongeuses Ama en action est disponible dans la section Médiathèque---> vidéo!


 

INFOS PRATIQUES:


  • Comment se rendre à la baie d'Ise? En train, au départ d'Osaka, se rendre à la gare d'Umeda. Emprunter la Midosuji Line (ligne de métro rouge) puis se rendre à Namba (10 minutes). A Namba, se rendre au sous-sol (après la sortie du métro) de la station là où se trouve Kintetsu Line, la ligne de train privée qui dessert la baie d'Ise. Acheter son ticket dans l'agence KNT (celle-ci accepte le paiement par CB, pas les guichets!): Namba-->Toba, 3550 yens. Pour le retour, j'achète un billet au départ de la gare de Ise-Shi--> Namba à 3030 yens. Vous pouvez changer gratuitement de train à la dernière minute si vous rentrez, comme moi, en avance sur votre horaire. Un autre siège est alors réservé pour vous. A Namba, départ quai N°1. A la gare de Toba, un bureau de tourisme est à votre disposition jusqu'à 18h, juste à la sortie des tourniquets sur votre droite.

 

  • Hotel Senpokaku, 2-12-24 à Toba. Tel: 0599 25 3151. Chambre typique japonaise (couchage futon) à 6750 yens TTC (paiement par CB). WiFi gratuit (choisir FREESPOT) dans les parties communes en bas, dans le hall de l'hôtel. Accueil charmant. Hotel confortable et calme, situé à dix minutes à pied du centre ville. Sur les hauteurs de Toba (çà peut être utile en cas de tsunami!).Navette gratuite à la sortie de la gare ferroviaire de Toba (emprunter la sortie N°1). On peut boire un café (450 yens) au bar situé à côté des boutiques de souvenirs (face aux ascenseurs).
  • Restaurant italien CUCCAGNA, à Toba. Tel: 0599 26 3143. Site internet: http://www.cuccagna.com  Ouvert tous les jours (sauf le mardi) de 11h30 à 14h30 et de 17h30 à 21h00. Paiement cash uniquement. Assiette de pâtes carbonara à 1200 yens, coca cola à 400 yens. Accueil agréable.

  • L'île aux perles de Mikimoto, 1-7-1 Toba City. Tel: 0599 25 2028. Site internet:http://www.mikimoto-pearl-museum.co.jp/en/french/index.html. Ouvert de 8h30 à 17h00 de janvier à novembre et de 9h00 à 16h30 du 1er au 31 décembre. Entrée: 1500 yens. Démonstration des plongeuses de perles en face du musée de la perle à 9h00.

 

 



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