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Le Centre artisanal du Bambou de Beppu
(Préfecture d'Oita, Kyushu, Japon) |
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Samedi 28 janvier 2012
La préfecture d'Oita(Kyushu) est reconnue pour la qualité de ses meubles et pour ses objets en bambou produits dans la ville de Beppu. De passage, je me rends au Centre artisanal du Bambou où je rencontre Yasutate Abe, directeur-adjoint de ce centre qui propose aux visiteurs de visiter une salle d'exposition consacrée aux objets en bambou. Avant tout, découvrons ensemble cette plante providentielle: Le bambou est une plante constituée de tiges formant un chaume creux lignifié à la croissance extrêmement rapide. On en compte 80 genres dans le monde et plus de 1200 espèces. Au Japon, il y en aurait 240 sortes, parmi lesquels le bambou Madake (qui représente 30% du bambou au Japon),le bambou Hachiku puis les bambous mosu chiku et mosu dake. Cette plante se forme au départ à partir d'une tige souterraine appelée rhizome, qui permet à la plante de croître en touffes plus ou moins serrées. La bambou n'est pas considéré comme un arbre. Il n'a d'ailleurs pas de branches. La tige principale du bambou est un chaume ( canne lignifiée) formant un tube et qui est cloisonné aux nœuds. Ce chaume se divise en rameaux de feuilles. Son bois très riche en silice est très résistant et très dur. La taille des tiges varie selon les espèces (de un à 10 mètres).
Cette plante croit à une vitesse folle (jusqu'à un mètre par jour), plie et se balance au vent mais ne casse que très rarement. Cette résistance est due aux entrenœuds creux du chaume. Le chaume a la caractéristique de mourir après avoir fleuri et de se dessécher. Selon les espèces, les informations ADN diffèrent et l'on n'a pas encore pu déterminer de période de floraison généralisée pour cette plante. En Asie, on trouve 44 genres de bambous représentant 600 espèces de cette plante. Cette plante a aussi la particularité unique de présenter des caractéristiques différentes en fonction du lieu où elle pousse, d la nature du terrain, du climat et de l'altitude. Sa culture moderne se fait par bouturage d'un morceau de rhizome conservé avec ses racines et le bambou doit être âgé d'au moins quatre ans afin d'obtenir un bouturage efficace. Ses utilisations sont multiples: On l'utilise pour construire des échafaudages (en Chine notamment) servant à l'érection de gratte-ciels. On l'utilise également en dessin et en peinture, pour dessiner à l'encre de Chine. On en fait des meubles, des instruments de musique, des cannes à pêche, des parquets, des tuteurs, des objets divers, utilitaires et décoratifs ou de la pâte à papier. Monsieur Abe m'a même montré une ampoule dotée d'un filament en bambou carbonisé. Celle-ci fut inventée au Japon il y a cent ans. De nos jours, le bambou conquiert aussi l'industrie textile:Des pousses robustes peuvent ainsi être transformées en tissu soyeux hautement absorbant et antibactérien ou parfumé en y ajoutant des additifs. Des vêtements et du linge de maison à base de fibre de bambou sont désormais commercialisés.
Le bambou sert aussi de nourriture car ses turions (bourgeons) sont comestibles. Certaines espèces sont d'ailleurs cultivées sous la forme de pâturages pour le bétail. Plante environnementale par excellence, le bambou est capable de fixer 30% de plus de CO2 que les arbres feuillus (jusqu'à 12 tonnes de CO2 par an et par hectare) et libère donc 30% d'oxygène de plus que les arbres. L'étroitesse de ses feuilles améliore l'écoulement de l'eau dans les sols et son réseau très dense de racines (jusqu'à soixante centimètres de profondeur) limite considérablement l'érosion de ces derniers. La plante est utilisée pour régénérer certains sols appauvris ainsi que pour y détruire des toxines. Par contre, certaines de ses espèces, par le système invasif de ses racines, peuvent porter préjudice à l'écosystème local.
Le Centre artisanal du bambou de Beppu aborde les origines de cet artisanat. Celles-ci remontent à la visite de la ville par Keiko, XII ème empereur du Japon. Il enverra son fils Yamato Takeru à la conquête des tribus Kumaso de l'île de Kyushu. Mais les sources historiques divergent et certaines d'entre elles prétendent que l'empereur y serait allé en personne. A l'époque, le bambou géant prospère dans la région et attire l'attention de l'empereur. Sous la période Edo, la réputation de cette plante s'étend à tout le pays. On en fait des ustensiles de cuisine, des bols pour le riz, des paniers, des corbeilles, et même des filtres pour la pâte de haricot. Le développement commercial s'accroit alors de façon importante et une industrie locale apparaît. Au milieu de la période Meiji, l'industrie du bambou commence à créer des objets décoratifs ainsi que des accessoires nouveaux. L'école de l'union industrielle du bambou ( photo ci-dessous) est fondée à Beppu en 1902 et permet de développer à la fois la recherche et la technologie concernant cette plante. Le résultat est parlant: En 1979, le Japon reconnaissait le bambou en tant qu'art traditionnel et Shono Shounsai, artiste sculpteur de bambou célèbre, était reconnu par l'état nippon dès 1967, en tant que trésor national vivant.
Nous l'avons vu précédemment, le bambou est une plante écologique et a déjà permis de résoudre de nombreux problèmes environnementaux au Japon, comme les glissements de terrains, ou l'érosion des sols. Le bambou a même intégré les cérémonies sacrées nippones ( on l'utilise pour en faire des outils) car il demeure prometteur et tient une importance spirituelle non négligeable dans l'esprit nippon. Beppu possède nombreux spécialistes du bambou. Le premier étage du centre artisanal que je visite aujourd'hui permet à des amateurs de s'initier aux techniques d'utilisation de cette plante et de créer leurs propres objets (photo ci-dessous). Plusieurs techniques existent mais on en a répertorié trois principales: Le Maitre du Bleu est un spécialiste qui réalise des ustensiles de cuisine en utilisant du bambou bleu. Le Maitre du blanc, lui, utilise du bambou blanc pour confectionner des objets utilisés pour le thé. Le Maitre du noir réalise enfin des panières à fruits, et des ustensiles rituels pour les cérémonies. L'industrie du bambou a été récemment relancée grâce à des personnes comme Keitaro Hashimoto, Kotaro Murozumi ou Yasutaro Kirino. Leur échange de savoir-faire entre trois régions principales du Japon (Beppu, Tokyo et Keihin) a fait le reste. L'art du bambou ne serait rien sans Shono Shounsai. Enfant du pays de Beppu ( il est né à Uchinari en 1904),Shono rêve de devenir artiste sculpteur de bambou. Cette plante est en effet très présente dans les plaines d'Uchinari mais le jeune homme, de famille modeste, n'a pas les moyens de rejoindre une école de formation. Il devient alors, à l'âge de 19 ans (en 1923) l'élève de Mr Sato Chikuyusai, Maitre de bambou, excellant dans la réalisation de panières à fleurs. En 1928, Shono Shounsai s'installe une fois pour toutes à Shiraki où il y exercera désormais son talent, en réalisant d'abord des paniers chinois style ancien avant d'évoluer vers un style plus moderne. L'exposition du Centre artisanal de Beppu permet d'admirer des pièces uniques et de grande valeur, réalisées en bambou. Des expositions temporaires sont aussi organisées (photo ci-dessous) avec le concours de la Préfecture d'Oita. Aujourd'hui, Beppu compte toujours une centaine d'artisans sculpteurs de bambou, hommes et femmes. Et le premier prix du marathon d'Oita (qui a lieu chaque année en février) consiste en un objet réalisé en bambou par ces mêmes artisans. Signe de reconnaissance sans égal.
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