Dimanche 1er avril 2012
Pour ma dernière incursion à Hirosaki, j'ai choisi de vous faire découvrir les chars du festival. Dans un précédent reportage, je vous ai parlé des chars lanternes qui participent chaque année au Festival de Neputa. L'exposition que nous allons voir maintenant est située à l'office de tourisme d'Hirosaki, toute proche du château ( voir infos pratiques). Là se tient le hall d'exposition des chars qui expriment pour chacun d'entre eux une histoire, une légende.
On commença à faire des chars à Hirosaki en 1682, à l'époque du Lord Tsugaru Nobumasa, 4ème lord du clan. Celui-ci était le fils ainé de Tsugaru Nobuyoshi, le 3ème lord. Au décès de son père, il n'avait que neuf ans et son oncle, Tsugaru Nobufusa, agit, en tant que régent et en son nom . Le jeune homme fera ses études dans la grande école confucéenne Yamaga Soko. Une fois devenu lord, Tsugaru Nobumasa lancera de grands travaux, en fortifiant notamment Hirosaki, en développant l'industrie forestière et les rizières sans oublier le système d'irrigation. Il invitera aussi dans sa ville une quarantaine de personnalités du monde culturel afin d'élever le niveau intellectuel d'Hirosaki. 1695 restera malgré tout une année maudite avec des récoltes désastreuses, provoquant une famine qui fera 30 000 morts dans la région de Tsugaru. Nobumasa sera, lui, très prolifique en ayant 5 fils et...26 filles.
La tenue du festival du sanctuaire Hachimangu d'Hirosaki avait autrefois lieu le 15 août et les chars étaient alors portés à dos d'hommes pour annoncer l'arrivée de Mikoshi, le petit sanctuaire portable. Le sanctuaire Hachimangu de la ville était vénéré par la population en tant que gardien du clan Tsugaru. Et le festival était organisé pour célébrer le retour du lord Tsugaru dans sa province après avoir passé l'année précédente à Edo, la capitale (à l'époque les lords étaient contraints de partager leur temps entre leur résidence de province et leur résidence dans la capitale nippone).
Les caractéristiques de ces chars résident dans leurs rampes et dans l'utilisation de grandes poupées, largement inspirées des styles d'Edo et de Kyoto. On prétend que le festival de Neputa s'est beaucoup inspiré de ces chars.
Les scènes sont tirées du théâtre Noh, de chansons Noh ou d'histoires chinoises. Les riches marchands des différents quartiers se procuraient de coûteux costumes qui venaient de Kyoto. On retrouve certains de ces costumes sur les chars présentés et certains de ces costumes atteignent l'âge vénérable de 270 ans et ne pourraient d'ailleurs plus être techniquement reproduits aujourd'hui.
Sous l'ère Meiji, à la suite de l'abolition des clans et de la séparation du shintoisme et du bouddhisme, le festival perdit sa relation avec le sanctuaire Hachimangu et les chars restèrent la plupart du temps dans des hangars, ne défilant que rarement dans la ville. Il faudra attendre 1993 ( la sixième année de la période Heisei) pour voir apparaître une campagne de réhabilitation de cet héritage culturel. Et d'envisager la construction de l'actuel hall d'exposition des chars. Ici se trouvent les sept chars historiques. Un char est habituellement constitué de trois parties: Le symbole du quartier, les poupées et le char qui présente les objets vénérés. Certains de ces objets disparurent avec le temps . Le défilé accueillait entre 800 et 1600 participants revêtus d'une tenue formelle. Un itinéraire déterminé était fixé ainsi que des règles très strictes de comportement qui concernaient non seulement les porteurs des chars mais aussi les spectateurs. Une musique (originaire de Kyoto) accompagnait chacun des chars, sur un air différent.
Commençons le défilé avec le char du quartier de Wakotumachi (ci-dessus). Au-dessus des sacs de riz en paille, deux renards étaient assis, qui représentaient les dieux de l'agriculture et du commerce. Le quartier de Wakotumachi possède un sanctuaire vénérant Inari, la déesse du renard, celle que l'on prie pour obtenir des faveurs divines et la prospérité.
En guise de poupée, on voit le général Kusunoki Masashige ordonner à son fils de 11 ans de rentrer du champ de bataille et de rentrer à Osaka.
Ci-dessus se trouve un énorme tambour. Trois hommes doivent le jucher afin de jouer de la musique.
Voici le char du quartier de Shigemorimachi(ci-dessus). Le symbole du quartier est un petit singe habillé d'un demi-manteau doré haori, tandis que plus bas, un enfant , habillé d'une tunique chinoise, joue du tambour et représente ainsi un prélude à des scènes théâtrales ( ce quartier possédait un théâtre et conviait des acteurs d'Edo et de Kyoto à venir y jouer).
Juste à côté, le char représente un gros radis japonais (daikon), symbolisant le dieu de la joie qui est adoré par les marchands, les acteurs et les femmes qui espèrent l'harmonie conjugale, le bien être familial et le succès dans les affaires.
Ci-dessus, vous découvrez maintenant le char du quartier d'Higashinagamachi. Ce char montre un prêtre zen Hotei (le dieu avec une bedaine) porte un gros sac (derrière lui) en arborant un large sourire. Autour de lui, des garçons jouent , revêtus de tuniques chinoises.
Deux poupées représentent Fukurokuju (le dieu de la richesse et de la prospérité) et Dikokuten (un autre dieu de la richesse) en train de se livrer à un combat de sumos. Ces trois personnages font partie des sept divinités de la bonne fortune (qui sont aussi les dieux des affaires).
Voici maintenant le char des quartiers de Konyamachi et de Hamanomachi (ci-dessus). Le symbole du quartier représente une poupée revêtue d'une vieille robe chinoise. Les poupées, elles, représentent les frères Soga très connus pour leur art de la vengeance. L'histoire du char est la suivante ( et est tirée d'une pièce de Noh): Alors que le général Tairano Koremochi venait chasser dans la montagne, il apprécia les couleurs de l'automne mais aussi le saké. Il s'endormit bientôt et rêva d'un démon. Jusqu'à se réveiller et s'apercevoir que ce démon existait bel et bien. Un dieu lui procura alors un sabre qui lui permit de tuer ce démon.
Ci-dessus, vous découvrez le char du quartier de Dotemachi. La scène représentée est tirée d'une pièce de Noh, intitulée « Sho-jo, l'elfe assoiffé ». Il était une fois en Chine un fils très dévoué. Celui-ci reçut dans son rêve, un message divin lui demandant de venir marchand de liqueurs et de s'enrichir ainsi. Un elfe entra un jour dans sa boutique, consomma de nombreux verres de vin et se mit à danser tout cela avec les encouragements du marchand. L'elfe lui fit alors cadeau d'une jarre de vin inépuisable et retourna dans la mer. Le quartier aurait choisi cette histoire car il y avait beaucoup de brasseurs de saké à cet endroit.
Voici le char de Honcho (ci-dessus). Le symbole de la ville est un tambour qui servait à attirer l'attention. Celui-ci était appelé Kanko. Le tambour était placé à l'extérieur du palais et permettait aux gens qui le souhaitaient de venir faire des remarques sur les actes insensés pratiqués par le lord. Le coq qui coiffe le tout représente la paix sur le monde car personne n'eut l'idée de (ou n'osa) jouer du tambour...
Le char est tiré d'une scène provenant d'une histoire de moralité chinoise: Un stratège nommé Choryo rendit visite à Koseki qui perdit sa chaussure. Choryo s'abaissa humblement pour la lui ramasser et Koseki fut impressionné par tant de dévouement et lui confia le secret.
Le symbole du quartier représente un maitre-forgeron appelé Munechika qui confectionnait de nombreux superbes sabres. Le nom du quartier « Kajimachi » signifie la ville du forgeron. Les habitants vénérèrent donc ce forgeron providentiel afin de permettre le développement de l'artisanat.
Le char, lui, représente une scène de la pièce de Noh « Dojoji ».Celle-ci montre une princesse qui tombe amoureuse d'un prêtre et se transforme aussitôt en une créature mi-démon,mi-serpent qui virevolte frénétiquement autour de la cloche du temple sous laquelle le prêtre se cache. On aperçoit deux autres prêtres qui prient pour le salut de cette créature.
INFOS PRATIQUES:
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Office de tourisme d'Hirosaki au 0172 37 5501.
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Float Pavilion Hall, ouvert tous les jours de 9h00 à 18h00. Entrée gratuite