Dimanche 8 avril 2012
Ce dimanche, j'ai prévu de passer la journée avec mes amis Daisuke et Miyuki, un jeune couple japonais que j'avais rencontré il y a un an (déjà!) dans un petit restaurant gaulois en bas de chez moi où je dinais en compagnie d'une amie (je préfère diner au restaurant que de faire la cuisine!). Nous échangeons depuis un an par email, de temps à autre. Je leur avais promis que je passerai un jour par Kyoto pour leur rendre visite, c'est chose faite! Je retrouve notre couple à la gare monumentale de Kyoto, sortie Ouest. Il y a beaucoup d'affluence ce dimanche matin, et je m'amuse à observer tous ces gens qui défilent devant moi: Japonais, non-Japonais, jeunes et moins jeunes, femmes en kimonos....ou pas! C'est un vrai festival. Soudain j'aperçois Daisuke qui arbore une pancarte sur laquelle il a écrit « Mr Yves ». Eh oui, pour eux, je suis Monsieur Yves. Le privilège de l'âge sans doute... Je me risque à faire la bise à Miyuki ( on n'embrasse pas chez les Japonais, ou si peu souvent!). Nous prenons aussitôt un taxi pour nous rendre au Temple Kiyomitsu. La journée s'annonce radieuse et le soleil réchauffe peu à peu l'atmosphère encore un peu fraiche. En quelques minutes, nous sommes sur les lieux. Nous remontons la rue San Nen saka (petite rue typique pleine de cachet) et arrivons bientôt devant la Niou-Mon ( la porte du temple Kiyomitsu) (ci-dessous). Chic, on dirait qu'il y a des cerisiers. Mes amis se sont chargés du programme. Ils connaissent mes attentes ( les cerisiers en fleurs), ils connaissent mes goûts culinaires, bref, avec eux, tout sera parfait de bout en bout....à la japonaise!
Faisant partie intégrante des monuments historiques de l'ancien Kyoto, le temple Kiyomizu fut fondé au début de la période Heian. Si ce temple remonte à 778, la construction des bâtiments actuels a eu lieu en 1633 lors d'une restauration exigée par Tokugawa Iemitsu. L'ensemble de la structure ne comporte pas un seul clou, une véritable performance architecturale. Le temple tient son nom (Kiyomizu signifie l'eau claire) d'une cascade qui coule des collines voisines. Je remarque en effet durant notre promenade des cascades en contrebas ( le temple est situé sur une colline) qui portent le nom de Otowa no Taki. L'eau y coule, pure, dit-on depuis des milliers d'années et nombreux sont les visiteurs qui viennent se purifier au pied de cette cascade (photo ci-dessous). La salle principale offre une large vérandaqui s'avance dans le vide et permet d'accèder à une vue imprenable sur Kyoto. A l'époque Edo, il était important de pouvoir accueillir un nombre important de pèlerins d'où la grandeur des salles. Le temple détient une tradition ( dont la pratique est aujourd'hui interdite): Sous la période Edo, on prétendait qu'une personne qui sautait dans le vide et survivait à un saut de 13 mètres verrait la réalisation de ses souhaits. Bilan: 234 sauts et 85,4% de survivants qui doivent être aujourd'hui comblés...
Bavard, j'entretiens une conversation ( forcément en japonais) avec des pélerins qui visitent les lieux comme nous. Eux sont munis d'un bâton qui les aide sans doute à grimper ( ou à descendre) les chemins. Ils y graveront certainement les emblèmes de chaque temple visité comme le veut la tradition. Nous parlons facilement, l'ambiance est cordiale et je suis invité à une prochaine partie de pêche du côté de Wakayama ( le petit groupe habite sur la côte). Au Japon, on vient au temple en famille, ou en amoureux, peu importe. L'ambiance est bon-enfant et Daisuke et Miyuki tentent de répondre à mes questions incessantes. Un petit bassin se trouve au pied du temple, bordé de superbes cerisiers. L'occasion d'une séance photos avec des touristes thaïlandaises. Un peu plus loin, j'aperçois un prieur, qui actionne une clochette de temps à autre, et demande l'aumône tout en récitant des prières qui m'échappent (photo ci-dessous). Nous redescendons par où nous sommes venus, c'est à dire cette petit rue typique, constituée de maisons de bois et de petits jardins dissimulés ici et là. C'était inévitable, nous rencontrons sur notre route des maikos (apprenties geisha ) qui, charmantes, se prêtent à la pose pour nous (ci-dessous).
Nous arrivons bientôt au pied de la pagode de Yakasa (ci-dessous). Nous nous arrêtons déjeuner dans un restaurant fort sympathique, qui se trouve dans une grande maison de style occidentale qui fut construite en 1909. Puis Daisuke et Miyuki me conduisent au parc Maruyama. Ce parc qui se trouve dans la partie orientale de Kyoto abrite aussi un temple , le temple Yakasa dont on a aperçu la pagode. En effet, dans cette partie de la ville appelée Higashiyama ( la montagne de l'est), de nombreux temples, villas ou sanctuaires se sont construits ici dès le XIV ème siècle. Je croise ainsi de superbes maisons noyées dans les cerisiers en fleurs (deuxième photo)
Le parc Maruyama est le plus vieux parc de la ville. Son arbre symbole est justement un vieux cerisier pleureur (photo ci-dessous) que tout le monde vient photographier. Jouxtant le temple Yakasa, il s'étend sur plus de 85 000 m², offrant aux visiteurs des jardins d'ornement, des lieux de repos, des restaurants japonais et des petits vergers. Aujourd'hui, c'est jour de Hanami. Les Japonais viennent en famille ou entre amis , dressent une bâche sur le sol et pique-niquent la journée durant en espaçant les agapes de jeux ou de siestes (deuxième photo). Le Hanami ( littéralement « regarder les fleurs », Hana voulant dire fleur et Mi étant la racine de Miru, le verbe voir en japonais) relève d'une coutume traditionnelle japonaise d'observer les fleurs ( de cerisiers, en particulier!). Il existe un hanami pratiqué lors de la floraison de l'abricotier du Japon (qui a lieu avant le sakura des cerisiers) et un hanami lors de la floraison des pêchers (qui intervient après les cerisiers). Le prétexte est grand pour s'enivrer à la bière ou au saké comme cette jeune femme japonaise que j'ai surprise hier soir en train de ronfler sur une banquette du métro de Tokyo. Ambiance! La coutume du hanami remonterait à la période Nara (710-784) à l'époque où la dynastie chinoise Tang, influençant alors le Japon, avait apporté la tradition de l'observation des fleurs ( il s'agissait alors de l'observation des abricotiers). Le hanami des cerisiers débutera sous la période Heian. Il concernera d'abord l'aristocratie avant d'être démocratisé sous la période Edo. La floraison des cerisiers annonçait alors le début du repiquage des plants dans les rizières.
Nous aussi nous faisons notre hanami et nous asseyons quelques instants sous les cerisiers. L'occasion de nous faire prendre en photo par des voisins compatissants (ci-dessous). Puis nous repartons en direction du quartier de Gion. Ce quartier préservé abrite des maisons traditionnelles qui rappellent la ville d'autrefois. Nous ne sommes pas loin du tout de la rivière Kamo (la rivière aux canards) (deuxième photo) qui prend sa source dans la montagne Sajikigatake coule lentement mais il ne faut pas s'y fier. En cas de typhon, les inodations peuvent vite arriver. Durant la période Heian, elle aurait été détournée de son cours naturel afin de permettre à Kyoto de ne constituer qu'un seul bloc. Pour l'heure, ses rives sont bordées de cerisiers que nous admirons lors de notre promenade (troisième photo)
Nous remontons ensuite le quartier de Gion par la rue Shirakawa dori, elle aussi, bordée de cerisiers (ci-dessous). Cette rue suit un canal, la rivière Shirakawa (qui rejoint la rivière Kamo) où des oiseaux se réfugient, semblant peu dérangés par le flux incessant des badauds (deuxième photo). Ce quartier est un véritable havre de paix où des petits ponts franchissent la rivière que l'on surnomme la rivière blanche à cause du sable qu'elle transporte depuis les collines environnantes.
Fourbus, nous rejoindrons la gare de Kyoto en taxi, au début de la soirée. Nous dinerons dans un restaurant de cette gare monumentale qui mit dix années pour être construite. Lorsqu'on est au sommet du gigantesque bâtiment, on comprend mieux pourquoi. Du toit de la gare, on peut admirer Kyoto sous les feux de la nuit et bien sûr, sa voisine, la Tour de Kyoto (ci-dessous). Je repartirai fourbu , mais ravi de ma journée en compagnie de Daisuke et Miyuki. Je ne mettrai que deux heures trente pour rejoindre la capitale nippone en shinkansen.
INFOS PRATIQUES:
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Temple Kiyomizu, 1-294 Kiyomizu – Higashiyama-ku à Kyoto. Ouvert tous les jours de 6h00 à 18h30. Entrée: 300 yens. Site internet: http://www.kiyomizudera.or.jp/lang/01.html
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Temple Yakasa, 625 Kitagawa, Gion-machi, Higashiyama-ku à Kyoto. Entrée libre.
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Idées de promenades à Kyoto sur le site de l'office de tourisme du Japon: http://www.tourisme-japon.fr/Decouvrez-le-Japon/Destinations/Kyoto-et-Nara/Promenades-a-Kyoto/Le-quartier-de-Higashiyama
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Parc Maruyama, 473 Maruyama-cho, Higashiyama-ku à Kyoto.
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Pour en savoir plus sur les différents cerisiers et leur floraison, rendez-vous sur cet excellent site:http://www.clickjapan.org/Climat_faunes_flore/sakura.htm
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Les autres endroits remarquables pour la floraison des cerisiers à Kyoto: Le sentier des Philosophes (entre les temples Ginkakuji et Nanzenji), Arashiyama (nord ouest du centre ville), le sanctuaire Heian (derrière le bâtiment principal), le canal Okazaki (en dehors du sanctuaire Heian), le temple Daigoji (à 15 minutes à pied de la station Daigoji), le château Nijo ( à deux pas de la station Nijojo-Mae).