Lundi 28 janvier 2013
Encore une belle journée ensoleillée en perspective qui va me conduire à Matsumoto dans la préfecture de Nagano. Il me faut près d'une heure de train pour atteindre cette ville de 250 000 âmes, nichée au cœur des montagnes japonaises et située à une altitude de 592 mètres. Cette cité est forte d'une longue histoire notamment à cause de son château qui est l'un des plus jolis du Japon. A mon arrivée en gare de Matsumoto, un court passage au bureau du tourisme situé sur place me permettra de mieux connaître les incontournables de la ville. Impossible de tout voir mais là n'est pas mon but. D'abord, on est lundi, jour de fermeture de nombreux musées au Japon. Ensuite, je choisis rapidement de me concentrer sur ce qui me semble le plus représentatif et commence par me rendre au château (ci-dessous), qu'on surnomme aussi le château du corbeau (à cause de sa couleur noire).
L'origine du château de Matsumoto remonte au château de Fukashi, qui fut construit sous l'ère Eisho, pendant la guerre civile. Pendant ces périodes de troubles, le seigneur Ogasawara de Shinano avait déplacé son manoir Igawa dans le district de Hayashi au pied de la montagne. La plaine de Matsumoto s'appelait à l'époque Shinano Fuchu. Pour rester auprès de leur maître, les domestiques du seigneur construisirent aussi leurs résidence autour de ce qui devint le château de Hayashi, ce nouveau manoir du seigneur. Puis l'on bâtit le château de Fukashi juste devant celui de Hayashi durant la même période et avec un but précis: Protéger le nouveau manoir. Plus tard, Shingen Takeda (de la province de Kai) chassa le seigneur Ogasawara afin de créer une place forte dans le seul but de conquérir Shinano. En l'an 10 de l'ère Tensho, c'est à dire en 1582, Sadayoshi Ogasawara reprendra le château de Fukashi grâce à la désertion des gardiens lors de l'incident de Honnoji. Et changea le nom de celui-ci pour Matsumoto.
La région entière fut d'abord dominée par Hideyoshi Toyotomi (deuxième réunificateur du Japon durant la période Sengoku), grâce à sa victoire sur Ujinao Hojo lors de la bataille au château d'Odawara en 1590. Plus tard, cette région du Kanto tombera sous la domination d'Ieyasu Tokugawa (le troisième réunificateur du pays). Hidemasa Ogasawara, alors seigneur du château de Matsumoto, suivait Ieyasu dans ses déplacements dans le Kanto. Et se verra bientôt prendre la place par Kazumasa Ishikawa qui deviendra le nouveau seigneur du château. Qui va à la chasse perd sa place! Le père et le fils (Yasunaga Ishikawa) contrôleront à la fois le château et la ville de Matsumoto. On doit la construction des trois tours, y compris la tour du donjon, puis le petit donjon du nord-ouest et le passage couvert au fils Ishikawa. Il érigea également le goten (résidence), le portail du tambour (appelé aussi taikomon), le kuro mon (portail noir, en photo ci-dessus), le yagura et le fossé (appelé hori). Il protégera enfin l'aile principale (honmaru), une deuxième aile (ninomaru) puis bâtira l'infrastructure de la ville de Matsumoto et construira les sous-sols du château. Les tours du château auraient été élevées durant les deux ou trois années de l'ère Bunroku, à l'époque de la puissance de Yasunaga (1593 et 1594). La famille Ishikawa régnera ainsi sur ce lieu de 1590 à 1613. Au total, 23 générations de six familles différentes passeront par ce château.
Muni de mon billet, j'entre dans l'enceinte en franchissant le portail noir, l'une des portes principales du château (avec le portail de forme carrée, appelé masugata). Ces deux portes étaient essentielles à la sécurité de l'endroit. Il existe un autre portail, le portail du tambour, de forme carrée qui fut, lui, construit sous l'ère Bunraku, en 1595, et se trouve sur la muraille nord. A l'époque la tour du tambour servait à marquer le temps. Et faisait en fait office d'horloge locale. Il sonnait aussi le rappel des troupes en cas d'urgence. Les jardins s'étendent devant le château et je rencontre un drôle de personnage qui ne doit pas avoir froid dans son armure (ci-dessous). Il s'agit du kacchu, commandant des samouraïs. Celui-ci semble être arrivé après la bataille mais se prête de bonne grâce (et pacifiquement) à la pause photo.
Quelques instants plus tard, je pénètre dans le château. On doit se déchausser à l'entrée et chausser des mules trop petites pour pouvoir se déplacer à l'intérieur. Ma première visite me conduit dans le petit donjon nord-ouest (ci-dessous). Ce donjon est aussi appelé Inui kotensu et est relié au donjon principal par un passage couvert. Il est bâti à l'aide de gros piliers ronds (faits de différentes essences de bois, comme le cyprès et le pin) qui traversent les étages supérieurs. J'aperçois de petites ouvertures: Les teppo-zama ( on en compte au total 55 dans ce château), de forme petite et carrée et destinées aux armes à feu et les yazama (il y en a 60) de forme plus longue et destinées aux tirs des archers (deuxième photo ci-dessous). On trouve aussi les ishiotoshi au premier étage du donjon. Ces ouvertures empêchaient l'ennemi de grimper la muraille et étaient utilisées pour attaquer à l'aide d'armes à feu. Elles ressemblent beaucoup aux yazama. Les autres ouvertures sont des fenêtres et on en trouve de plusieurs types: les fenêtres du second étage à grille verticale laissent passer davantage de lumière, tandis que les fenêtres à treillis (troisième photo) étaient faciles à ouvrir ou à fermer de l'intérieur lorsqu'il y avait du vent ou de la pluie. Une autre fenêtre ( tout droit importée de Chine au XIII ème siècle), en forme de bourgeon, garnit le petit donjon sud-est depuis 1636 (quatrième photo).
Le circuit est bien balisé et il faut juste faire attention de ne pas se cogner la tête par endroit et d'emprunter les escaliers avec extrême prudence. Certains d'entre eux sont en effet très abruptes. Après avoir traversé le Musha bashiri ( passage des guerriers), je parviens au deuxième étage où a été aménagé un musée de la guerre: armes, arquebuses, armure de samourais (ci-dessous) et canons. Ces objets ont fait l'objet d'une donation de la part des défunts Michishige et Koyoko Akabane, habitants de Matsumoto. Le troisième étage (surnommé aussi étage caché ou étage sombre) servait d'entrepôt pour les vivres, la poudre à canon et les armes. C'est le lieu le plus sûr du château car il ne peut être vu de l'extérieur. Le quatrième étage du château est aménagé différemment: Sa structure qui ne comporte que peu de piliers en fait un lieu plus vaste et divisé en trois parties. C'était la résidence du lord avec sa chambre à coucher séparée par des rideaux (deuxième photo ci-dessous). Cette résidence privée (appelée aussi Goza-no-ma) aurait pu servir de refuge au seigneur durant les périodes d'urgence. La salle, dotée d'un haut plafond laisse pénétrer la lumière de tous côtés. Les piliers sont en bois de cyprès lissé au rabot.
Le cinquième étage était occupé par l'état major. C'est là que se tenaient les conférences lors desquelles on définissait par exemple la tactique d'attaque de l'ennemi. Les trente piliers qui s'y trouvent sont d'origine et les fenêtres installées sur les quatre côtés de la pièce servent à offrir un meilleur point de vue sur l'extérieur. Le sixième étage culmine à 22 mètres au-dessus du sol et ses ouvertures correspondent aux quatre points cardinaux. Au-dessus de nos têtes, sous le toit, on trouve un objet (photo) consacrant la 26ème déesse nocturne du mois. Selon la légende, celle-ci serait apparue à un vassal du château, le 26 janvier 1618. Elle se serait adressée à lui dans ces termes: »Si le lord du château me consacre avec 600 kilos de riz, alors je protégerai cette demeure du feu et de l'ennemi ». Il est vrai que le château est toujours debout et qu'il n'a jamais été pris. Serait-ce l'œuvre de cette déesse nocturne?
Une autre curiosité dans ce château: L'observatoire de la lune (ci-dessous). Trois côtés de la salle ( nord, est et sud) sont dotés d'ouvertures à l'air libre lorsque les portes coulissantes (mairado) sont ouvertes. Les murs laqués vermillon autour de la pièce et le plafond en conque de navire reflétaient pour l'époque un grand raffinement. Ce lieu fut bâti en période de paix, après les guerres civiles.
L continuation de la visite s'effectue au musée de la ville, tout près du château. L'endroit est vite visité et se compose de trois salles: Au sous-sol se trouvent les témoins (pierres, archéologie) d'un autre temps, celui où Matsumoto n'avait pas encore de château. Les panneaux d'information ne figurent malheureusement qu'en japonais. Au rez-de-chaussée, sont évoquées tour à tour l'époque de la construction du château et de la ville, puis la ville de Matsumoto d'hier et d'aujourd'hui. On peut découvrir différents objets dont ces poupées tanabata (ci-dessous) ou encore cette intérieur d'autrefois (deuxième photo). Le musée de la ville servit autrefois de salle à la mémoire des disparus de la guerre russo-japonaise de 1904-1905. Dès 1968, l'endroit rassemblait déjà des objets témoignant du folklore local et culturel. En 2000, la municipalité décida de rebaptiser l'ensemble « Matsumoto Marugoto Museum » (marugoto signifie « l'ensemble ») avec pour ambition d'offrir au public culture, style de vie, et nature dans le même lieu. Et de devenir ainsi un point de rencontre pour les communautés locales.
A un kilomètre du château, s'élève encore aujourd'hui l'ancienne école Kaichi (ci-dessous), qui fut bâtie par Seijyu Tateishi, alors président de l'association des charpentiers de la ville. On utilisa le lieu comme école élémentaire, puis comme collège, puis lieu d'enseignement pour les femmes, et collège technique pour enseignants. C'est lundi et il ne m'est pas possible de visiter l'intérieur qui contient de nombreux outils pédagogiques (vieux livres utilisés durant la période Edo et diplômes de l'époque Meiji). L'école fut fondée en mai 1873 ( tandis que sa construction se termina trois ans plus tard). Le bâtiment servira de fonction éducative pendant 90 années (jusqu'en mars 1963). C'est à l 'heure actuelle l'une des plus anciennes écoles élémentaires du Japon, bâtie dans un mélange architectural occidental et japonais, et restant l'un des symboles de l'ère Meiji (l'empereur y disposait même d'une salle de classe!). L'endroit fut désigné bien culturel important en 1961 et ouvrit ses portes quatre ans plus tard, en tant que musée de l'éducation.
Je terminerai cette brève visite par la rue de Nawate (ci-dessous) qui a gardé son côté traditionnel avec ses vieilles boutiques. Située le long de la rivière Metoba, c'est assurément un lieu de promenade, été comme hiver. Je franchis le pont ( et la rivière Metoba) et me retrouve, à deux pas de là, dans la rue Nakamachi, si attirante avec ses maisons traditionnelles: De géométrie noire et blanche, ces anciennes maisons servirent jadis d'entrepôts. Aujourd'hui, ce sont des boutiques, des restaurants...de quoi terminer sur une note pittoresque!
INFOS PRATIQUES:
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Château de Matsumoto, 4-1 Marunouchi,à Matsumoto. Tel: 026 332 2902. Droit d'entrée: 600 yens( le même billet permet d'entrer au musée de la ville, tout proche). Ouvert tous les jours de 8h30 à 17h00. Site internet: http://www.city.matsumoto.nagano.jp/
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Musée de la ville, 4-1 Marunouchi à Matsumoto. Tel: 026 332 0133. Ouvert tous les jours de 8h30 à 17h00. Entrée: 600 yens ( le même billet est valable pour la visite du château).Site internet: http://www.matsu-haku.com/maruhaku/index.html
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Ancienne école Kaichi, 2-4 12 Kaichi à Matsumoto. Tel: 026 332 5725. Entrée: 300 yens. Ouvert de 8h30 à 17h00 tous les jours ( sauf fermeture les lundis de novembre à février).
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Office de tourisme de Matsumoto, 1-1-1 Fukashi à Matsumoto. Ou encore à la gare ferroviaire de la ville. Tel: 026 332 2814. Ouvert de 9h00 à 17h45 tous les jours. Site internet: http://welcome.city.matsumoto.nagano.jp/
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Musée du temps et de l'horloge, 1-21-15 Chuo, à Matsumoto. Tel: 026 336 0969. Ouvert tous les jours ( sauf le lundi) de 9h00 à 17h00. Entrée: 300 yens. A dix minutes de marche de la gare JR.
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Musée de l'artisanat, 1313-1 Satoyamabe à Matsumoto. Tel: 026 333 1569. Ouvert tous les jours (sauf le lundi) de 9h00 à 17h00. Entrée: 300 yens. Prendre le bus ( ligne Utsukushigahara) pendant 15 minutes et descendre à l'arrêt: Folkcraft Museum.