Vendredi 5 juillet 2013
Notre escale à Takamatsu prend fin et nous nous mettons en route pour Kochi, notre prochaine ville-étape. J'ai prévu toutefois de passer quelques heures à Kotohira, une petite ville qui s'est développée autour du fameux sanctuaire Kotohira-gu (en photo ci-dessous). Dès notre descente du train, les difficultés commencent pour trouver quelqu'un auprès de qui se faire comprendre. L'anglais est ici inconnu, comme dans beaucoup d'autres endroits reculés du Japon. Nous déposons nos bagages dans une consigne et nous mettons en route en direction de l'office du tourisme, un petit bureau situé à droite en sortant de la petite gare. Il me faudra insister afin d'obtenir des informations suffisamment concises pour me permettre de trouver quelque contenu pour cet article. La ville, qui offre aussi ses sources d'eau chaude aux habitants comme aux gens de passage, est bien tranquille. La chaleur est déjà étouffante en ce milieu de matinée et il nous faudra pourtant bien la supporter tout le temps de notre visite. A deux pas de la gare, nous découvrons la lanterne Takadoro (deuxième photo). Je prie le lecteur de bien vouloir me pardonner mais aucune information n'était disponible sur ce bâtiment.
Nous filons le long de la rivière qui traverse Kotohira pour apercevoir bientôt le pont Sayabashi (ci-dessous), pont de bois couvert. Nous prenons ensuite le chemin du théâtre de kabuki Kanamaruza (deuxième photo): Ce théâtre fut construit en 1835. A cette époque, on bâtissait un théâtre à chaque création de pièce et cela finissait par coûter cher. On pensa donc bâtir un théâtre permanent qui servirait non seulement de théâtre mais aussi de lieu de déroulement pour les loteries. Sous l'ère Edo, de nombreux pèlerins affluaient à Kotohira afin de se rendre au sanctuaire. Ces gens logeaient dans des auberges une fois la journée de dévotion terminée et le théâtre était leur principale distraction. Tous les grands acteurs de kabuki désiraient jouer dans ce théâtre car Kompira (Kotohira) était connu comme lieu de pèlerinage et le théâtre de Kanamaruza avait entre temps gagné ses lettres de noblesse jusqu'à devenir l'une des plus belles scènes du pays. A tel point qu'il était devenu un passage obligé pour les acteurs en quête de célébrité.
L'endroit servit parfois de salle de cinéma mais le vieux bâtiment tomba bientôt en ruines. On le désigna donc bien culturel national en 1970 et, six ans plus tard, une restauration complète de la construction fut réalisée. Trois des acteurs les plus célèbres, Kichiemon Nakamura, Tojyuro Sawamura et Kankuro Nakamura vinrent au théâtre de Kanamaruza pour la première fois en 1984. Et furent fascinés par la structure du bâtiment. La scène (ci-dessous) possède en effet un plan rotatif en son centre, utilisé pour changer rapidement les décors des pièces de kabuki. Un homme réfugié sous la scène (deuxième photo) fait fonctionner le dispositif. Il existe deux types de scènes mobiles: la scène seri et la hanamichi (genre de plan surélevé situé sur les côtés de la scène). La scène Hanamichi est habituellement utilisée pour les entrées (ou sorties) d'acteurs afin de créer un effet plus spectaculaire encore. Cette scène-là est également mise en mouvement par le même homme à partir des sous-sols. Le public est quant à lui installé différemment selon son rang: Les hôtes de marque sont concentrés dans le Goyoukido (côté ouest, ci-dessous sur la troisième photo), les spectateurs possédant un billet réservé se rendent dans le Ohkido (côté est) tandis que ceux qui n'ont que des tickets sans réservation se contentent du Nezumikido.
Le public est assis sur des tatamis, ces longs tapis faits de paille. Les coussins Zabuton qui sont posés sur les tatamis sont proposés aux spectateurs que ce soit dans la partie haute ou dans la partie basse de la salle. Et des fenêtre à tabatières figurent de part et d'autre sur les murs est et ouest du deuxième niveau. En coulisses, des loges (ci-dessous) permettent aux acteurs de se préparer pour la pièce. Il existe une pièce commune pour tous les acteurs, mais aussi huit petites loges, ainsi qu'une autre pièce pour l'acteur vedette, un salon, et une autre pièce pour recevoir les musiciens qui assurent l'accompagnement musical de la représentation.
Il nous faut maintenant prendre notre courage à deux mains afin de gravir les nombreuses marches qui nous séparent du sanctuaire Kotohira-gu. Ce sanctuaire shinto, situé à 521 mètres d'altitude à mi-chemin du sommet du Mont Zozu est composé de plusieurs parties: La porte O-Mon nous accueille en haut d'un premier escalier surnommé l'approche de Sando (ci-dessous) . Derrière cette porte s'ouvre un espace où quelques marchandes, réfugiés sous des parasols, proposent leurs produits aux touristes. Autrefois, cinq fermiers seulement étaient autorisés à commercer à cet endroit. L'approche de Sando (deuxième photo) consiste en 1368 marches qu'il faut gravir coute que coute. Les pèlerins le savent bien, qui fréquentent cet endroit depuis l'époque de Muromachi, ainsi que le jour de l'An. Heureusement, s'il est impossible d'obtenir, là encore des informations en anglais, le chemin qui mène au sanctuaire est jonché de boutiques mais aussi de musées (un musée du saké par exemple) et de lieux de détente. On dit que le sanctuaire Kotohira-Gu fut fondé au siècle premier. Son principal dieu (kami) est O-Mono nushi no mikoto, esprit associé à la vie maritime (ainsi qu'à la divinité bouddhiste Konpira), ce qui explique qu'un bâtiment (troisième photo ci-dessous), le bâtiment des emas, offre de voir des photos de bateaux ainsi qu'une embarcation solaire qui fit une traversée en solitaire entre Hawaï et le Japon il y a quelques années. C'est aussi l'endroit où l'on dépose ses souhaits pour naviguer en toute sécurité.
Avant l'ère Meiji, ce sanctuaire portait le nom de Konpira-Daigongen et se trouvait à la tête des sanctuaires portant les noms de Konpira et Kotohira. De 1871 à 1946, il sera désigné en tant que Kokuhei Chusa, c'est à dire sanctuaire important de rang national. Le sanctuaire Konpira dispose quant à lui de plusieurs trésors nationaux comme cette statue de Kannon Bosatsu aux onze visages de l'époque de Heian et ces quatre peintures à l'encre de Maruyama Okyo (peintre japonais du XVIII ème siècle qui pratiquera tous les genres de peinture, du petit format à la grande composition, en réalisant notamment plusieurs paravents destinés aux temples).
Il existe enfin une histoire assez extraordinaire concernant ce sanctuaire: On dit qu'avant 1868, les gens qui vivaient autour de Tokyo observaient la coutume du chien de Konpira. Ils auraient bien aimé venir au sanctuaire de Kotohira mais n'en avaient pas les moyens. Aussi y envoyaient-ils leur chien. Celui-ci faisait l'objet de toutes les attentions de la part des personnes qui rencontrait l'animal, si bien que le chien retrouvait aisément le chemin du retour chez son maitre. De là, semble t-il, est née cette croyance du chien de Konpira, qui apporte santé et bonheur. Il est courant de rencontrer des pèlerins en train de déposer une obole au pied de la statue de l'animal (ci-dessous). Depuis le sanctuaire, la vue qui s'offre à nous est superbe et laisse apercevoir la ville de Kotohira et ses environs. Le temps passe et il nous faut bientôt redescendre sur terre. Ce sont près de 1500 marches qui nous attendre mais dans le bon sens cette fois. Notre train pour Kochi ne nous attendra pas...
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