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Takeuchi Seiho au Musée National d'Art Moderne
(Tokyo, Kanto, Japon)
Heure locale


Jeudi 3 octobre 2013

 

Le Musée national d'art moderne de Tokyo accueille actuellement une exposition sur les œuvres de Takeuchi Seiho. C'est l'occasion pour moi de revenir sur la peinture nippone et ses écoles : Né à Kyoto, Takeuchi Seiho influença beaucoup de jeunes peintres (comme Tsuchida Bakusen par exemple) en modernisant le style traditionnel pictural de l'ancienne capitale du Japon. Seiho essaya en effet de rompre avec les vieilles habitudes en intégrant les techniques d'autres écoles et en ne se contentant pas d'adopter les motifs stéréotypés. Il se rendra aussi à l'Exposition Universelle de Paris en 1900. Et de conclure, après avoir été confronté à plusieurs œuvres artistiques en Europe, qu'il était primordial d'observer la vie autour de soi. L'observation de la nature existait déjà à travers l'école Maruyama de Kyoto : Celle-ci avait été fondée au milieu de la période Edo par Maruyama Okyo et faisait partie des diverses écoles mineures dont l'ensemble constitue toujours la plus grande école de Kyoto. Son style se caractérise par un haut degré de réalisme dans les peintures, en insistant sur l'observation directe des sujets représentés (en contradiction avec les écoles officielles de l'époque, Kano et Tosa qui mettaient en valeur l'aspect décoratif de figures très stylisées). Sortir des sentiers battus fut la préoccupation de Seiho et c'est ce que montre l'exposition que je visite aujourd’hui et qui présente quelques 110 œuvres, dont certaines sont exposées pour la première fois, ainsi que 60 autres objets (dont des croquis de l'artiste). Elle permet aux visiteurs de donner un aperçu sur le talent de ce peintre à illustrer les fondements de l'histoire moderne de l'art japonais.

 

Mais revenons sur la vie du peintre. Le véritable nom de Takeuchi Seiho est Takeuchi Tsunekichi. Né à Kyoto, il aime très tôt dessiner et veut devenir artiste. Il est d'abord l'élève de Kono Bairei de l'école Shijo (peinture traditionnelle). Puis, il voyage en Europe et à Paris avant de rentrer dans son pays pour y créer un style unique combinant les techniques réalistes des écoles japonaises et les techniques de peinture occidentales. Le résultat devient l'un des principaux styles du ni-honga moderne : Les sujets principaux sont des animaux (d'ailleurs souvent dépeints dans des positions amusantes) et des paysages. En 1913, Seiho deviendra peintre de cour auprès de l'Agence impériale, avant d'être nommé, six ans plus tard, à l'Académie impériale des beaux-arts. Il sera l'une des premières personnes à se voir décerner l’Ordre de la Culture (lors de la création de cette récompense en 1937).

 

Enfant, Seiho rejoint l'école Shijo, dans laquelle s'applique une discipline stricte. Au menu, techniques de peinture et étude des classiques chinois. Il se rend aussi dans la région de Hokuetsu afin d'y réaliser des croquis en compagnie de son maitre tout en copiant des peintures anciennes. Pour la petite histoire, Hokuetsu, qui est situé au nord-ouest du Japon, dans la préfecture de Niigata, fut le théâtre de la bataille du même nom (Bataille de Hokuetsu), un des combats de la guerre de Boshin (entre les troupes impériales et celles du Shogunat Tokugawa). A cette époque, les travaux de Seiho sont traditionnels et à peine croyables lorsqu'on voit l'évolution de son style plus tard dans sa carrière. Son travail consiste non seulement à copier des tableaux anciens de temples ou de collectionneurs privés, mais aussi à reproduire des peintures de Bairei, son professeur. Parfois, on peut reconnaître l'original de la copie, mais pas toujours. Et notre homme de devenir peu à peu l'un des sujets de conversation privilégiés des cercles artistiques japonais. Car ces travaux de peinture ne laissent pas indifférents ses congénères : Pour Seiho, il ne s'agit pas simplement de copier une peinture mais d'y apporter fraicheur et enthousiasme. Le peintre reproduit la nature et les oiseaux avec beaucoup de soins, insistant sur les détails comme, par exemple, la texture des plumes d'un oiseau ou le soyeux des pétales d'une plante, à l'aide de traits fins et de couleurs riches. Il s'en dégage une patte de l'artiste, cette fraicheur incontournable qui marquera le style de Seiho.

 

En 1892, Seiho présente Le chat avec ses chatons lors d'une exposition artistique de Kyoto. L'oeuvre marque de nombreuses personnes qui y reconnaissent le coup de pinceau de nombreuses écoles de peinture comme celle de Maruyama, ou l'école Kano, œuvre alors qualifiée de « chimérique ». Et Seiho, d'être d'un côté condamné pour avoir enfreint la discipline en matière de respect des règles picturales de l'époque, et de l'autre, reconnu en tant que précurseur d'un nouveau style de peinture. Durant cette période, le peintre travailla sur de nombreux thèmes : événements historiques, scènes contemporaines de Kyoto et squelettes. Ses œuvres laissaient clairement filtrer l'influence de la peinture occidentale et il arriva même au peintre de tenir des réunions qui abordaient la littérature étrangère à l'intérieur de sa propre école. Il participa aussi à la recherche artistique dans l'industrie textile nippone (le Japon cherchait alors à participer à des expositions internationales en Europe pour se faire connaître et se développer à terme sur le marché étranger) tout en rêvant de l'essor de l'art japonais sur le Vieux continent. En 1900, Seiho se rend à l'Exposition universelle de Paris. Il y reste que très peu de temps mais entre en contact avec de nombreuses formes artistiques occidentales. Une fois rentré au pays, il peint des lions et des paysages européens, en insistant sur le réalisme des détails. Ses peintures interpellent. Seiho peint désormais avec un œil nouveau, mêlé de culture traditionnelle japonaise et d'art occidental. D'autres artistes de Kyoto le prennent pour modèle, lui, qui débuta comme eux, mais avait su porter un autre regard sur le monde.

 

De 1909 à 1926, Seiho fut professeur à l'école des Arts. Il posséda aussi l'école privée Chikujokai, laquelle accueillait de nombreux élèves, et participa au jury de l'exposition des Beaux-arts du Ministère de l'éducation, en 1907. Il devint enfin conseiller du Kokuga Sosaku Kyokai, un groupe formé par Tsuchida Bakusen et d'autres élèves, en 1918. Tout en veillant sur ses élèves, Seiho poursuivit l'étude de nouvelles expressions pour sa peinture. Par exemple, la représentation qu'il faisait des animaux ne le satisfaisait pas encore et il voulut dépeindre l'humeur de l'animal, sa férocité, la vigueur de ses mouvements et sa méfiance vis à vis de l'homme. Pour les paysages, il ne se conforma ni aux formes classiques de représentation japonaises, ni à la règle de perspective adoptée pour la peinture occidentale. L'artiste se rendit en Chine à deux reprises à partir de 1920 et il en tira des leçons quant à l'observation des sujets et la couleur des peintures. Il étudia aussi, sur une courte période, la peinture figurative, ce qui le poussa à révéler la plus belle image d'un mouvement d'un sujet, de capter les sentiments d'un être pour mieux le retransmettre dans son œuvre ou bien de représenter une illusion tridimensionnelle d'une figure humaine avec pour fond, un plafond bidimensionnel. Pour Seiho, les êtres humains qui lui servaient de modèle avaient aussi une âme.

Seiho rechercha un second souffle de 1927 à 1942. Durant la période Showa, il devint fréquemment malade et dut partir à Yugawara (Préfecture de Kanagawa), non loin de Hakone, pour respirer le bon air. Cette cure de jouvence lui redonna l'énergie et l'enthousiasme nécessaires pour peindre de plus belle. Il réalisa ainsi des peintures murales ainsi que des fusuma (peintures de portes coulissantes). Yugawara, située sur la baie de Sagami, avait un climat qui convenait parfaitement à notre artiste et Seiho s'y établira bientôt définitivement, se contentant d'allées et venues entre Hakone et Kyoto. Il maitrisait désormais l'art de capturer son sujet avec précision et raffinement. Ses anciens croquis montrent l'évolution de son trait. Par exemple, avec le temps, les yeux des petits animaux de la forêt sont reproduits avec davantage de chaleur. Seiho continua ses recherches sur l'expression et créa même une œuvre inattendue comme cette représentation de la lumière du soleil à l'aide de feuilles d'or. Le travail de l'artiste commençait toujours par l’exécution d'un croquis basé sur l'observation du monde réel. Cependant, un regard détaillé sur ses tableaux montre que, du début à la fin de son œuvre, ces derniers représentaient une foule de détails, de petites choses qui évoluèrent au fil du temps. Cette caractéristique révèle la transition du style artistique de l'artiste. Il arriva à Seiho, au cours des dernières années de son existence, de peindre à nouveau une œuvre qu'il avait créée à ses débuts. Là encore, le résultat apparut complètement différent. D'où sa volonté de retranscrire sans cesse le réel avec un œil nouveau. Takeuchi Seiho ne se contenta jamais d'une seule forme d'expression picturale mais consacra son existence à la recherche de nouvelles expressions riches et variées. Pour notre plus grand bonheur.

 

 

INFOS PRATIQUES :

 


  • Exposition Takeuchi Seiho, jusqu'au 14 octobre 2013, au Musée national d'Art moderne à Tokyo. Tous les jours (sauf le lundi, excepté le 14 octobre) de 10h00 à 17h00 ( et le vendredi de 10h00 à 20h00). Droit d'entrée : 1300 yens.

     

    Pour vous y rendre : A 3 minutes à pied de la station Takebashi (ligne Tozai) , sortie 1B.

    Site internet : http://www.momat.go.jp/english/fr_museum/

     


 










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