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Croisière hivernale sur le Yang-Tsé-Kiang
(Yichang, Province de Hubei, Chine)
Heure locale

Mercredi 18 décembre 2013

 

L'occasion se présentait de partir en balade pour la journée sur le fleuve Yang Tsé Kiang et je l'ai saisie. Avec quatre autres collègues, j'ai pris le chemin de la gare de Wuhan (Chine) pour embarquer sur un TGV qui va nous conduire à Yichang. L'objectif de la visite : Le barrage des Trois-Gorges. Cet endroit-là donnera lieu à un autre article. Pour l'heure, nous mettrons deux heures pour atteindre la ville de Yichang, depuis, Wuhan. Yichang se trouve à l'est de la province de Hubei (dont elle est d'ailleurs la ville-préfecture). Cette ville moyenne compte à elle seule près d'1,5 million d'habitants mais nous n'en verrons pas grand chose aujourd'hui. A noter que Yichang est tout de même jumelée à deux villes françaises : Valenciennes et Metz. Le temps d'hiver qui règne ici a recouvert toute la région d'un épais voile brumeux. A notre arrivée en gare de Yichang, notre petit groupe accompagné de Joy, notre guide chinoise, saute dans deux taxis qui vont nous conduire à l'embarcadère d'où partira notre bateau (ci-dessous).

 

Yichang est située sur la rive gauche du fleuve Yang-tsé-kiang et est un important port fluvial. C'est le site du barrage de Gezhouba (en photo ci-dessous), le territoire sur lequel se trouve aussi la grotte des trois visiteurs (Sanyou Dong) dans laquelle on peut lire des poèmes d'auteurs célèbres étant passés par là, et enfin l'endroit où a été construit le barrage des Trois-Gorges. C'est dire si le territoire de Yichang est étendu ! La ville-préfecture (ville proprement dit et sa région) compte environ quatre millions d'habitants, sur plus de 21000 m2. Il n'est pas inexact de dire que la Chine est un pays démesuré tant les territoires sont immenses...


 

Le bateau n'attend plus que nous pour appareiller. Nous embarquons promptement et je pars aussitôt me promener sur le pont, malgré le froid humide qui recouvre la région. Le fleuve Yang-Tsé-Kiang s'offre à moi, calme et majestueux. J'y découvre un intense trafic maritime tandis que nous croisons de nombreux navires de transport de marchandises diverses. Certains d'entre eux sont amarrés le long du fleuve. Tout comme moi, de nombreux chinois se livrent à l'art de la photographie. Il nous est difficile d'échanger les mots mais nos regards se croisent et nous fraternisons aisément. Le chinois n'est pas désagréable, bien au contraire. Il est juste différent de nous, et généralement très curieux de savoir d'où l'on vient. Je rencontrerai ainsi quelques-uns d'entre eux qui m'inviteront à figurer sur les clichés de famille. Comme quoi, le fait de ne pas pratiquer la langue locale n'est pas forcément un obstacle.

Revenons sur le Yang-Tsé-Kiang, appelé aussi Yangzi Jiang ou Chang-Jiang (le fleuve bleu, en français) qui est le troisième plus long fleuve de notre planète, après l'Amazone et le Nil. C'est en tous cas le plus long fleuve du continent asiatique avec ses 6380 kilomètres et son débit de 30 000 m3 par seconde. Il prend sa source au Tibet, à 6621 mètres, dans les monts Tanggula, formés de terres enneigés et de glaciers, balayés par des vents violents et sans végétation aucune. Le fleuve débouchera sur la mer de Chine orientale, au nord de Shanghaï, au terme d'un long voyage, qui lui aura fait traverser les provinces du Qinghai, du Yunnan, du Sichuan, du Hubei, du Hunan, du Jiangxi, de l'Anhui et du Jiangsu. Ce fleuve que les Tibétains surnomment « le fleuve de la femelle du yack » recevra au cours de son parcours les eaux de plus de 700 affluents drainant un bassin hydrographique de près de deux millions de kilomètres carrés. Ce sont ainsi environ 1000 milliards de mètres cubes d'eau qui se déversent annuellement dans la mer de Chine, chargées de milliers de tonnes de limon qui se retrouvent au large des côtes chinoises. Le Yang-Tsé-Kiang alimente en eau 40% du territoire chinois et 70% de la production rizicole.

 

Dès sa naissance, le cours d'eau prend le nom de Tuotuo, puis change de nom au franchissement des premiers affluents, au-dessous de 5000 mètres d'altitude : il devient le fleuve Jinsha (sables dorés) puis file vers le sud. Qumar He est la première bourgade qu'il traverse, à 4544 mètres, avant de parcourir les gorges du saut du Tigre, un canyon de plus de 2000 mètres de profondeur. Il atteint ensuite la ville de Dongchuan, puis serpente dans les monts Hengduanshan (Yunnan) avant d'être rejoint par les affluents Yalong, Min et Jialing. Il devient alors un cours d'eau boueux, tourbillonnant et chargé des déchets et rejets des 120 millions d'habitants et cultivateurs du bassin de Sichuan. Il traverse bientôt Chongqing (30 millions d'habitants), avant d'atteindre les Trois-Gorges (Xi Ling, Wu et Ontang). Les eaux du fleuve attirent pour le moment de valeureux nageurs (ci-dessus) qui se baignent dans les eaux fraiches du Yang-Tsé-Kiang. Nous les saluons chaleureusement.


 

Notre bateau remonte allègrement le Yang-Tsé-Kiang et arrive bientôt au barrage de Gezhouba : situé dans la banlieue ouest de Yichang, le barrage en question mesure 2595 mètres de long et 47 mètres de haut. Il fut bâti de 1970 à...1988. Et comporte deux centrales hydroélectriques d'une capacité de 2715 MW, générant chaque année une production de 14100 Gwh. Son volume total est de 1580 millions de mètres cubes. A l'approche du barrage, c'est l'effervescence sur le pont et tout le monde s'affaire afin de prendre des photos de l'écluse que nous nous apprêtons à franchir (ci-dessous). C'est la China Yangtze Power qui possède le barrage. Cette entreprise de production hydroélectrique exploite ses propres usines sur le fleuve et gère le barrage de Gezhouba et celui des Trois-Gorges (en partie seulement). Notre embarcation pénètre lentement dans cette grande écluse. Un petit quart d'heure suffira pour que celle-ci se remplisse (par le fond) et atteigne le niveau supérieur du fleuve. Un monde nouveau s'offre à nous : la Gorge Xi Ling.


 

Celle-ci émerge peu à peu de la brume tenace et laisse apparaître un paysage envoutant et mystérieux. C'est la dernière des Trois-Gorges et elle est longue de 76 kilomètres. Jadis composée d'une série de sept gorges et de deux rapides, elle était très dangereuse pour la navigation (à cause des nombreux tourbillons) jusqu'à la construction du barrage des Trois-Gorges. Entourée de pics (ci-dessous), elle comportait aussi des rochers et des collines qui formaient un paysage austère. On y trouvait quelques monastères et villages. Désormais, les barrages ont changé la donne en permettant un débit contrôlé du fleuve tumultueux, et donc une meilleure navigation, mais l'endroit a noyé bien des paysages et des sites archéologiques (lesquels ont été déplacés sur les hauteurs). Notre croisière dure trois heures et nous conduit jusqu'à Sandouping. Pour distraire les passagers, un spectacle nous est offert avec des danses (deuxième photo ci-dessous). Une tombola est organisée à l'issue du spectacle et permet à chacun d'entre nous de repartir avec une petite pierre bijou (en échange du ticket vert qui nous a été remis à l'embarquement).


 

Soudain, au détour d'un lacet, apparaît une bourgade abritant d'anciennes maisons surplombant le fleuve (ci-dessous) : Joy, notre guide nous confie que ces maisons abritent des Tujia, des chinois appartenant à la nationalité Tujia (l'une des 56 nationalités du continent chinois). Ces habitants pratiquent le tujia, qui est une langue tibéto-birmane parlée dans les provinces de Hubei, Hunan, Guizhou et dans la région de Chongqing ainsi que le long du grand fleuve. Il existe ainsi deux dialectes, qui sont mutuellement inintelligibles. A savoir que le groupe de langues tibéto-birman est diversifié puisqu'il comprend des langues parlées entre la Chine, l'Inde, le Tibet, le Népal, le Bhoutan, la Birmanie et dans quelques régions du Pakistan, du Bangladesh, de la Thaïlande, du Laos et du Vietnam. On doit la découverte du tibéto-birman au linguiste allemand Julius Klaproth, en 1823. On pense que le tujia aurait pour ancêtre la langue de l'ancien royaume de Ba (de l'époque des Royaumes combattants), royaume resté célèbre pour ses chants, ses danses et ses tambours de bronze employés lors des batailles. Les Tujia constituent quant à eux la 6ème minorité la plus importante de Chine avec huit millions d'habitants. Leur origine remonterait à il y a 1200 ans et même au-delà, du temps du royaume de Ba. Ce peuple connut sa renommée durant la dynastie des Ming, lorsqu'ils obtint un statut élevé de la part de la cour impériale. Les Tujia étaient appréciés pour leur discipline, leur force et l'empereur chinois les utilisait pour mater les révoltes d'autres minorités. Ils aidèrent aussi le pays à affronter à plusieurs reprises des ennemis venus de l'extérieur (comme les Wokou, pirates japonais qui ravagèrent les côtes chinoises au XVI ème siècle)


 

Les paysages croisés sur notre parcours sont parfois impressionnants et nous permettent d'apercevoir des habitations isolées, parfois même juchées au sommet de pitons rocheux. Nous atteindrons Sandouping, la destination finale de notre croisière, peu de temps après avoir croisé les maisons tujia. Pas grand chose à dire sur cette ville qui fut créée lors de la construction du barrage des Trois-Gorges, si ce n'est que des vendeuses de mandarines (en photo ci-dessous) viennent nous rappeler qu'autrefois, c'est à dire avant que ne soient noyées les riches terres cultivables des vallées des gorges, on produisait des agrumes qui ont fait la réputation de la région. A l'arrivée du barrage géant, les paysans se sont vus attribuer de nouvelles terres situées plus haut que les anciennes et bien moins riches qu'avant.

 

 

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