Vendredi 11 avril 2014
Il fait bon aujourd'hui à Bogota (Colombie). Nous sommes à 2600 mètres d'altitude et je porte un manteau en ce début de matinée, par crainte de souffrir du froid, mais je rencontrerai, au cours de ma promenade, des gens vêtus de t-shirts ou de simples pull-overs. Il est 9 heures du matin et je décide de me rendre au Jardin botanique José Celestino Mutis, célèbre ici pour ses collections de plantes. C'est le plus grand jardin de Colombie, situé dans la savane de Bogota, situé à 2600 mètres d'altitude, dans une région qui reçoit 713 mm de pluie annuellement. Il s'étend sur près de 20 hectares et quatre heures seront nécessaires pour me permettre d'en faire le tour. Géré par la municipalité de Bogota, ce jardin botanique se trouve à deux pas du parc Simon Bolivar (que je visiterai une autre fois) et représente un lieu pédagogique destiné aux petits et aux grands. Il fut créé en 1955, en hommage au naturaliste, mathématicien et astronome José Celestino Mutis (dont on peut admirer le buste ci-dessous).
José Celestino Mutis fut le premier naturaliste à se consacrer pleinement à l'étude des sciences naturelles de la Nouvelle Grenade (nom de l'ancienne entité territoriale de l'empire espagnol). Né à Cadiz le 6 avril 1732, notre homme embarque en 1760 pour la Colombie, comme médecin du vice-roi Pedro Messia de la Cerda. Il sera à l'origine d'une première expédition botanique du Nouveau Règne de Grenade, qui aura lieu à partir de 1783, avec l'appui du roi Carlos III. Cette expédition durera 33 ans et permettra de répertorier 20 000 espèces végétales et 7000 animaux. Mutis profitera de ses sept années passées à Mariquita (ville du département de Tolima) pour y créer le premier jardin botanique du pays et mettre ainsi en valeur des plantes importantes pour l 'économie nationale comme, par exemple, le café, la cinchonine et le canelo. A cause des fièvres paludiques, Mutis décidera de transférer ce jardin botanique à Santa Fe (aujourd'hui Bogota) à partir de semis importés d'Europe. Le fondateur du jardin actuel, Enrique Perez Arbelaez (ci-dessous) collecta lui aussi des graines et semences dans les forêts andines. Il est l'auteur d'un texte Plantes utiles de Colombie. Lors de la création du jardin botanique, on confiera notamment à Francisco Sanchez Hurtado le soin de mettre sur pied le projet de jardin botanique tandis que l'infrastructure de celui-ci sera du ressort de l'architecte Pedro Juan Jaramillo. Les connaissances du docteur Luciano Mora Osejo furent également mises à contribution pour la création du parc. Il reste d'ailleurs encore de nos jours un bois portant son nom. La magnifique roseraie est due à Lorencita Villegas de Santos, avant que n'apparaissent le lac et la cascade. Pour la partie administrative, les services éducatifs, le développement des collections de plantes de ce jardin sont organisés autour d'une entité publique décentralisée qui puise ses ressources financière auprès de la municipalité de Bogota. Il existe même une bibliothèque (sur la droite en entrant dans le parc). Le jardin botanique reçut, dans les années 1990, la mission de faire avancer les programmes de restauration des écosystèmes stratégiques et de plantation de forêts urbaines.
Ma promenade me conduit à découvrir une première image : la classe environnementale, située sur un îlot au milieu du lac (première photo ci-dessous). On y accède par un pont de bois. A deux pas de là, jouxtant le bâtiment qui abrite la bibliothèque du jardin, s'élève le nogal, l'arbre symbole de Bogota (deuxième photo). C'est suite à un décret de 2002, que cet arbre fut choisi pour symboliser la capitale (à la place du caucho Sabanero) à cause de sa longévité, son apparence artistique et sa résistance aux maladies. Une fleur, l'orchidée, fut aussi élue en tant que fleur du district fédéral de Bogota, un an plus tard. Cette fleur symbolise la pénombre humide des serres orientales, et la nécessité de protéger une espèce en voie de disparition. En effet, on imagine trop souvent cette fleur comme une plante parasite alors qu'elle ne fait que vivre sur les branches des arbres, sans même en tirer la moindre subsistance, puisqu'elle vit de l'air du temps.
Une pergola se dresse un peu plus loin, offrant plusieurs espèces de plantes grimpantes. Nous ne sommes qu'en avril et les fleurs sont encore peu nombreuses. Au milieu de celle-ci, on peut toutefois observer, en levant la tête, la fleur de Mutis, une jolie fleur rouge (ci-dessous). Cette fleur est la fleur fétiche du jardin botanique. On la trouve fréquemment dans les forêts andines de Colombie (entre 2300 à 3200 mètres d'altitude). C'est un Suisse, Carl von Linné qui la découvrit et lui attribua le nom du célèbre naturaliste Mutis, en hommage à celui-ci. Il répertoria plus de 50 espèces de cette fleur.
Face à la pergola s'étend le jardin des plantes exotiques (ci-dessous). On peut déjà y admirer de nombreux parterres de fleurs savamment entretenus par les jardiniers du parc. Je serai agréablement surpris de constater que ce jardin est magnifiquement entretenu. Pas un papier à terre, des allées propres, une pelouse tondue et drue, et de nombreux jardiniers et ouvriers qui s'affairent en ce début de matinée. Le jardin abrite effectivement quelques 18206 espèces de plantes principalement andines. Il existe ainsi cinq collections principales de plantes : les orchidées (qui ne fleurissent que rarement en cette saison), les cactées, les broméliacées, les labiacées, les aracées et les cactées. Les orchidées (deuxième photo ci-dessous) représentent l'une des collections les plus intéressantes de ce jardin avec quelques 5000 fleurs originaires de Colombie. La seule orchidée fleurie de cette journée, je la trouverai dans le Tropicarium. Ce tropicarium, qui attire la curiosité des photographes (je croiserai ainsi plusieurs d'entre eux sur place) est le point de départ pour visiter les cinq serres qui abritent des plantes de milieux différents. Les serres, construites en enfilade, sont de taille modeste mais rassemblent un grand nombre d'espèces : plantes des régions tropicales humides, d'Amazonie, ou des zones arides et désertiques...
Le jardin botanique accueille également plusieurs espèces de palmiers et de conifères. Et offre d'ailleurs un arborétum qui permet de mieux comprendre l'implantation des différentes espèces en fonction des milieux naturels colombiens. La jungle andine, par exemple, est omniprésente dans ce pays et subit des perturbations diverses (chutes d'arbres, incendies ou déforestation), mais elle se reconstitue sans cesse, donnant ainsi naissance à une forêt secondaire. On ignore par contre à ce jour le processus de regénération de cette forêt qui occupe une zone se situant entre 2400 et 3800 mètres, dans la Cordillère centrale, à des températures variant de 6 à 15°C et à humidité constante (grâce aux nuages).
Je m'arrête quelques instants au jardin des herbes et plantes médicinales (ci-dessous en photo). Celui-ci contient plus de 80 espèces de plantes médicinales, aromatiques et comestibles (pour certaines d'entre elles), cultivées avec soin à l'intérieur de grands parterres. Les hommes utilisent les plantes pour se soigner depuis les temps immémoriaux. En Chine, par exemple, depuis plus de 7000 ans ou encore en Grèce.
Le jardin se consacre aussi à la végétation du plateau de Bogota, ces zones encerclant le district fédéral, comme la région lagunaire La Herrera ou encore Villa de Leyva. Ces régions offrent des terres arides (700 mm de pluie par an) et d'importantes différences de température. Les sols sont tantôt sablonneux, tantôt argileux, avec peu de matières organiques. La végétation y est éparse et a du s'adapter aux rudes conditions climatiques. On y trouve des espèces aux feuilles charnues s'adaptant à la sécheresse (ci-dessous) comme des cactus épineux et de petits arbustes. L'aridité des terres n'empêche pas la diversité des espèces car l'écosystème a su s'adapter aux vents, à la faible pluviosité, aux sols pauvres et au fort ensoleillement.
Il faut rappeler que la Colombie bénéficie d'un climat tropical à température constante toute l'année mais possède aussi sept climats différents, grâce à l'influence des conditions météorologiques classiques des régions proches de l'Equateur d'une part, des alizés et de la zone de convergence intertropicale d'autre part. Et la température de décroitre généralement d'environ 2°C tous les 300 mètres d'altitude au-dessus du niveaux des mers. Ce pays offre aussi bien des glaciers que des zones tropicales. Cette zone intertropicale américaine est celle qui offre la plus grande variété végétale au monde et la plus importante domestication de plantes. Les Colombiens ont donc pris l'habitude, à la campagne comme en zone urbaine, de posséder leur propre potager ou verger, et ce, depuis l'époque coloniale. Je découvre ainsi un jardin composé d'un verger et d'un potager familial (ci-dessous) où sont cultivées différentes espèces de fruits et de plantes.
J'ai gardé le meilleur pour la fin, avec cette magnifique roseraie qui orne le jardin botanique, avec ses 73 espèces de roses (y compris des fleurs hybrides ornementales). Celle-ci se dresse en face du Tropicarium. A une encablure de là, se trouve le jardin du fondateur, orné de plantes ornementales. Créé en hommage à Enrique Perez Arbelaez, on peut y admirer un arbre de Quina (cinchonine), espèce emblématique de la fameuse expédition botanique initiée par Mutis. Vous l'aurez compris, le jardin botanique José Celestino Mutis est un lieu de promenade à la fois agréable, éducatif et reposant, incontournable si vous passez à Bogota. Le personnel est attentif et vous aidera en cas de besoin. Une cafétéria (située à deux minutes de l'entrée principale) propose un cappuccino et un gâteau aux amandes délicieux. Avis aux amateurs !
INFOS PRATIQUES :
-
Jardin botanique José Celestino Mutis, Avenida Calle 63, N° 68-95, à Bogota. Tel : 437 70 60. Ouvert du lundi au vendredi de 8h00 à 17h00 et les samedi et dimanche de 9h00 à 17h00. Droit d'entrée : 2700 pesos. Site internet : http://www.jbb.gov.co/jardin/
-
Sur place, on trouve plusieurs toilettes dans le parc mais prévoyez du papier hygiénique !
-
Un plan du jardin vous est remis sur simple demande après le franchissement de l'entrée du parc, mais celui-ci est rédigé en langue espagnole.
-
Des panneaux d'informations agrémentent la visite mais sont rédigés en espagnol uniquement.