Vendredi 29 aout 2014
Au pays du soleil levant, se tient actuellement une exposition étonnante sur le chemin d'une...crotte ! L'évènement, tout particulièrement conçu à destination des enfants, a été conçu par Osamu Suzuki, scénariste TV, qui souhaitait aborder ce sujet sous un angle comique mais aussi sérieux. Il écrivit même une chanson pour l'occasion, Arigatoilet, à découvrir sur place (ci-dessous en photo). C'est qu'il faut préparer les jeunes générations à apprécier les lieux d'aisance indispensable à notre bien-être ! Mamoru Mohri, responsable des lieux reconnaît que cette idée d'exposition au Musée national des Sciences pouvait laisser perplexe les visiteurs. Cependant, les toilettes ne sont-elles pas le meilleur endroit pour nous relier à cette bonne vieille Terre ? Et d'encourager familles, parents et enfants à discuter autour de ce thème : toilettes, excréments et planète.
La défécation, c'est la vie. Certes, mais pas n'importe où. Les uns et les autres ont une approche différente des lieux d'aisance appelés toilettes, au Japon. Cette exposition est là pour permettre aux visiteurs d'affronter ce regard des toilettes, qu'elles soient anciennes ou...futuristes. Il est vrai que les toilettes japonaises existent sous deux formes différentes : le modèle le plus ancien consiste en de simples toilettes au-dessus desquelles on s'accroupit (première photo ci-dessous), comme les toilettes à la Turque, et qu'on retrouve encore aujourd'hui dans les lieux publics. Encore faut-il savoir comment s'y accroupir (faire face à la partie hémisphérique de la porcelaine, c'est à dire à la chasse d'eau, le plus en avant possible afin d'éviter que vos excréments ne tombent en dehors de la cuvette !). Ce n'est qu'après la Seconde guerre mondiale que le modèle de toilettes à l'occidentale, à chasse d'eau, va apparaître. Puis les toilettes à bidet (deuxième photo), désormais populaires dans certains foyers japonais apparurent à leur tour. Ces bidets, surnommés woshuretto (un nom commercial appartenant à l'entreprise TOTO, de Kitakyushu). Cette entreprise , fondée en 1917, est le plus important fabricant de toilettes à bidet du pays. Le mot TOTO est l'abréviation de Toyo Toki (porcelaine orientable). La société comptait en 2004 quelques 16000 employés (dont 1500 chercheurs, et fut l'inventrice, en 2011, d'un prototype de véhicule ressemblant à une moto-toilette (appelée Toilet Bike Neo) dont le principe est de rouler grâce au biogaz provenant de déjections animales et de boues d'épuration. Le marché mondial pour les toilettes high-tech était déjà évalué à 800 millions de dollars américains en 1997. Le marché principal des washlets reste bien entendu le Japon mais les ventes à l'étranger se développent lentement mais sûrement (+14% en 2012). Le premier marché étranger reste la Chine, suivie par les Etats-Unis.
Un peu d'histoire. Le Japon utilisa les toilettes depuis l'aube de la civilisation mais on ne connait pas la date exacte de leur apparition. Les premiers systèmes d’égouts remontent toutefois à la période Yayoi (300 ans avant J.C-250 ans après J.C) et furent d'abord utilisés dans les grands établissements, peut être de pair avec les premières toilettes. Pendant la période Nara (de 710 à 784), fut créé un système de drainage consistant en un large ruisseau au-dessus duquel les Japonais pouvaient s'accroupir. Faute de papier toilette, on utilisait alors des bâtonnets en bois. C'est aussi à cette époque que remontent les premières toilettes nippones : construites sur une fosse ouverte, à la manière de toilettes extérieures, on s'essuyait alors avec des algues ou des bâtons appelés chugi. La période Edo vit l'arrivée du papier toilette fait de washi (papier traditionnel japonais). En montagne, on utilisait même des copeaux de bois ou des grandes feuilles d'arbres.
Les toilettes sèches, très populaires à cause du fait qu'on pouvait réutiliser les excréments sous forme d'engrais pour l'agriculture, étaient plus fréquentes car plus faciles à construire. Pour la petite histoire, les excréments des Riches étaient autrefois vendus plus chers que les autres car leur régime alimentaire était meilleur. Cette pratique durera jusqu'à la Seconde guerre mondiale. On peut encore toutefois retrouver de nos jours, ici et là, des champs enrichis à l'aide d'excréments humains. Il est vrai que le niveau d'hygiène nippon étant bien plus élevé, il était plus facile d'ordonner la récupération de ces déchets humains, alors qu'en Europe, ceux-ci finissaient souvent dans les ruisseaux avant de lâcher les cochons qui nettoyaient la place. A Okinawa également, avant la guerre, les toilettes étaient souvent voisines de l'enclos à cochons.
Sous la période Azuchi Momoyama (de 1568 à 1600), les égouts Taiko furent construits autour du Château d 'Osaka et fonctionnent encore aujourd'hui. L'utilisation du système d’égouts moderne n'apparut qu'en 1884, avec l'installation du premier égout en briques et en céramique dans le quartier de Kanda (Tokyo).Après le grand tremblement de terre de Kanto, on développa plomberies et égouts, mais le véritable essor n'eut lieu qu'après la Seconde guerre mondiale, afin de faire face à l’augmentation importante de la population japonaise. A tel point qu'en 2000, 60% de la population était raccordée au tout-à-l'égout et qu'une journée nationale des égouts existe même chaque... 10 septembre. Il faudra attendre le début du XX è siècle pour voir fleurir toilettes occidentales et urinoirs dans le pays. Et la vente des toilettes occidentales de dépasser celle des toilettes traditionnelles en 1977. Désormais, le Japon possède les toilettes les plus modernes et les plus élaborées du monde.
Notre exposition est organisée en huit parties et tout au long du parcours, des petits personnages (mascottes) expliquent aux visiteurs les différents thèmes de l'exposition, de l'odeur à la forme des excréments jusqu'au traitement des déchets humains. Une présentation de la fameuse toilette high Tech japonaise est aussi faite au public. Ah ! Si seulement ces lieux d'aisance pouvaient parler.... ils en diraient des choses. Et révéleraient par exemple que la toilette est désormais plus qu'un lieu où l'on défèque, mais également un endroit où l'on peut jouer ou discuter. On apprend un peu plus loin où partent nos déchets humains, à l'aide d'une immense toilette dans laquelle on pénètre et qui révèle ensuite le circuit de traitement et les technologies qui s'y cachent.
Quelles seront nos futurs lieux d'aisance ? C'est la question qui est posée au stand 4. Il faudra probablement tenir compte des ressources limitées de notre planète et recycler au maximum les déchets humains. Qui sait ? Peut être concevra t-on l'idée de reproduire des aliments à partir...de nos excréments ? Le confort est un autre élément incontournable pour les chercheurs mais la toilette du futur est en route. Il faudra aussi inventer la toilette « idéale » pour chaque utilisateur, pour lequel, les « besoins » ne sont pas les mêmes en fonction de son âge et des circonstances. Le public est ainsi conduit sur différentes pistes qui lui suggèrent ce que pourrait être la toilette de demain.
Au Japon, le mot le plus commun pour désigner les toilettes est to-i-ré abréviation de toiretto. On trouve aussi le nom o-te-a-rai (endroit pour se laver les mains). Il est aussi commun de voir l'écriteau « ke-sho-shit-su » dans les grands magasins ou les supermarchés accompagné du pictogramme des toilettes publiques. D'autres mots comme re-su-to-ru-mu, ou bien ben-jo (lieu d'excrément, de commodité), ka-wa-ya, ou ha-ba-ka-ri, termes plus ou moins archaïques, désignent aussi les toilettes. Et comme, au Japon, on a pour habitude de tout fêter, l'Association japonaise des toilettes célèbre chaque année le « jour des toilettes » le 10 novembre.
Les toilettes technologiques nippones, appelées whoshuretto (signifiant siège de toilette avec nettoyage à l'eau tiède) possèdent une liste impressionnante de fonctionnalités : le modèle de toilette Washlet Zoe fut listé dans le Guinness des Records, en 1997, avec ses sept fonctions. Mais ce modèle est déjà dépassé avec le modèle Neoreste. L'ère de ces toilettes perfectionnées débuta en 1980, et se développa considérablement puisqu'en 2002, pratiquement la moitié des habitations nippones profitaient de telles toilettes. Ces dernières ressemblent pourtant comme deux gouttes d'eau aux toilettes occidentales mais possèdent des fonctions supplémentaires comme par exemple un séchoir à air, un siège chauffant, des options de massage,, l'ajustement de jets d'eau, l'ouverture automatique de la lunette, une ventilation anti-odeur, une chasse d'eau automatique après usage, un panneau de contrôle sans fil, le chauffage et la climatisation pour la pièce...Le panneau de commande de ces fonctions est souvent rattaché sur le côté du siège, ou positionné sur un mur à proximité. La fonctionnalité la plus élémentaire consiste en un jet destiné à nettoyer l'anus, puis la vulve. Cohabitent ainsi les lavages du postérieur, nettoyage familial et nettoyage féminin. Par sécurité, le jet ne se déclenche que lorsqu'une pression sur la lunette est détectée (afin de se prendre de l'eau dans la figure, par exemple). Il est possible de régler l'intensité du jet et la température de l'eau (la température idéale est de 38°C), jet qui, à haute intensité peut d'ailleurs remplacer l'usage du papier. Et les fabricants de prétendre que ce jet, pulsant ou vibrant, prévient et soigne constipation et hémorroïdes. Le système de ventilation (ajustable de 40 à 60°C) permet de se sécher le fondement, après avoir utilisé le jet. La fonction la plus courante reste la lunette chauffante (entre 30 et 40°C), très utile dans ces maisons japonaises qui ne possèdent souvent aucun système de chauffage central et dans lesquelles les toilettes peuvent parfois être glaciales l'hiver. D'autres fonctions, plus rares, sont également disponibles : lunette avec détecteur de présence (qui soulève la lunette si on fait face au WC, et qui la laisse abaissée lorsqu'on lui tourne le dos), qui se lève automatiquement, chasse d'eau automatique (commune dans les lieux publics),ventilation désodorisante à l'ozone, surface anti-bactérienne,chronomètres décomptant le temps d'utilisation, lunette fluorescente dans le noir, climatisation pour les jours de canicule, systèmes d'accoudoirs et autres dispositifs d'aide au relevage (pour les personnes âgées), capteurs mesurant taux de sucre sanguin d'après l'analyse de l'urine, le pouls, la pression sanguine, et le taux de graisse de l'utilisateur (avec possibilité d'envoi automatique de ces analyses à son propre médecin). Il existe même des versions portable dites « de voyage » de ces toilettes, qui fonctionnent sur piles...Sacré Japon !
Dans un souci de discrétion, les toilettes japonaises offrent enfin d'autres options, purement culturelles. Beaucoup de femmes nippones sont embarrassées à l'idée qu'on puisse les entendre lorsqu'elles font leurs besoins. Pour couvrir le bruit de la miction et de la défécation, une option prévoyait de laisser couler continuellement la chasse d'eau. Le gaspillage en ressource étant trop important, il fut inventé, au cours des années 1980, un système, Otohime, qu'on pourrait traduire par « Princesse du son », qui reproduit le bruit de la chasse d'eau. Ce nouveau système permet d'économiser en moyenne 20 litres d'eau par utilisation.
Au Japon, il est de coutume de disposer, dans les maisons, une paire de chaussons spécifique pour se rendre aux toilettes. Tout comme on se déchausse à l'entrée de la maison pour enfiler des chaussons, on se déchausse aussi à l'entrée des toilettes pour enfiler une autre paire de pantoufles, les toilettes étant toujours considérées comme un lieu impropre, en dépit de l'extrême propreté qui y règne la plupart du temps. De plus, la présence (ou non) des chaussons indique si les toilettes sont occupées (ou pas).
Les toilettes publiques, elles, sont nombreuses dans l'archipel et sont toujours équipées de papier toilette, sauf exception. Contrairement à la France, nul besoin de se balader avec son rouleau de papier toilette. Toutefois, il arrive aux Japonais d'utiliser les étuis de mouchoirs souvent offerts en guise de publicité dans la rue. Les années 1990 furent déterminantes afin d'entretenir ces toilettes mieux qu'elles ne l'étaient auparavant. Ces toilettes disposent souvent de toilettes occidentales (yo-shi-ki) et de toilettes traditionnelles. Il existe même des toilettes pour les personnes handicapées.
Terminons cette visite sur une note enfantine : plusieurs mascottes illustrent cette manifestation. On trouve d'abord Toile-no-Suke (en photo ci-dessous), le petit bonhomme qui maintient toujours les toilettes propres. Il adore la propreté. Puis, Britto (deuxième photo) le petit garçon-déchet qui rentre juste du Kenya. Et a effectué un long voyage à travers le monde afin d'apprendre comment on se débarrasse des déchets humains. Sa couleur jaune relate sa bonne santé. La troisième mascotte se prénomme Pritney (troisième photo), une petite fille-déchet qui adore la coquetterie par dessus tout. Elle est la petite sœur de Britto et aime prendre soin d'elle. Le quatrième personnage est Dr Bendel (quatrième photo), celui qui étudie sans cesse les mystères des toilettes. Et de tester lui-même les mauvais régimes sur les excréments. Sa couleur verte indiquerait qu'il a principalement suivi un régime végétarien ces derniers temps. Wipey (cinquième photo), lui, aime tout faire disparaître. Et se sent irremplaçable. Mitsuura-Onchi , notre dernière mascotte, est une mascotte officielle de l'émission « Mecha Mecha Iketeru ! » sur Fuji TV.
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