Samedi 27 septembre 2014
Au petit matin, je quitte Yamagata pour me rendre à Kitakami, lieu de ma prochaine nuit. De là, je visiterai Hiraizumi , petite ville japonaise classée au patrimoine mondial de l'UNESCO, en 2011. Les guerres de « zenkunen » et de « gossanen » sont dans tous les manuels d'histoire japonaise. Ces guerres, qui débutèrent en 1051, mirent aux prises le clan des Abe (qui contrôlait le centre et le sud de l'actuelle préfecture d'Iwate) et la Cour impériale. Le futur fondateur de la lignée septentrionale des Fujiwara, Kiyohira, y perdra son père, sa femme et ses enfants. Kiyohira était venu s'installer à Hiraizumi vers la fin du XI è siècle après ces batailles tragiques. C'est lui qui s'attela, en 1105, à la construction du temple Chusonji, destiné à représenter l'image de la Terre pure bouddhique (cette société pacifique idéale basée sur l'enseignement de Bouddha) dans le but de consoler l'âme des défunts, qu'ils soient alliés ou ennemis. Le Konjikido (pavillon doré) fut achevé en 1124 et ses principaux bâtiments, deux ans plus tard. Le Honzon (objet de culte) est dédié à Amida Nyorai, le Bouddha de la lumière infinie. Le bâtiment (ci-dessous) est entièrement recouvert de feuilles d'or et d'objets d'art en nacre et est censé représenter le palais d'Amida Nyorai qui se trouve au Paradis de la Terre pure, c'est à dire le Monde de la lumière. La principale image est celle d'Amida Nyoraï, accompagnée de Kannon (le Bouddha de la compassion, à droite) et Seishi, le bouddha de la sagesse (à gauche).
On prétend que Kiyohira organisa une grande cérémonie lors de laquelle il prononça une prière exprimant son désir de bâtir un pays idéal sans batailles.Cette prière est un document historique précieux qui permet de connaître les raisons pour lesquelles Kiyohira décida de construite le temple Chusonji. Son successeur, Motohira, débuta quant à lui la construction du temple Motsuji qui sera achevée par le troisième seigneur, Hidehira. Celui-ci construira également le centre de gouvernement (palais de Hiraizumi) dont on peut apercevoir les vestiges à Yanaginogosho, et le temple Muryokoin. Ces efforts constants sur trois générations afin de permettre l'érection d'une société pacifique furent possible grâce aux revenus importants générés à l'époque par l' importante extraction d'or et par le commerce avec les contrées du nord. Hidehira prendra sous sa protection Minamoto no Yoshitsune (lequel, poursuivi par son demi-frère Minamoto no Yoritomo, était venu se réfugier à Hiraizumi), mais à la mort de son protecteur, en 1189, Minamoto no Yoshitsune sera poussé au suicide par le quatrième seigneur Yasuhira (sous la pression du demi-frère). Après cet événement, Yoritomo (toujours ce demi-frère) rassembla une grande armée à Kamakura pour attaquer Hiraizumi, et mettra ainsi fin à la lignée des Fujiwara. Par la suite, les différents monuments disparaitront peu à peu dans des incendies et les jardins seront remplacés par des rizières. Les habitants de la petite ville ont cependant continué à préserver ces vestiges et à conserver les traditions de cérémonies religieuses et de folklore local.
Je descends à la petite gare d'Hiraizumi, qui ne se trouve qu'à une demi-heure de Kitakami, dans la préfecture d'Iwate. Je commence ma visite par le temple Motsuji, jadis bâti au milieu du XII è siècle par Motohira, le deuxième seigneur des Fujiwara. Tous les bâtiments d'origine ont brûlé mais la structure de l'ensemble monastique a été conservée et on peut toujours aujourd'hui admirer le jardin de la Terre pure et la grande porte au sud. On y pratique, chaque 20 janvier, les danses sacrées « ennen no mai » destinées à réjouir les bouddhas, en plus des pratiques effectuées dans le Jogyodo. Ce temple Motsuji fait face à un étang (ci-dessous) qu'on appelle « Oizumi ga Ike ». L'aspect général de celui-ci représente la mer et ses contours prennent pour sujet les différents paysages rencontrés sur les rivages maritimes. Cette véritable œuvre d'art qui allie une représentation du Paradis de la Terre pure à un style et des techniques paysagistes propres au Japon constitue une pièce de première importance dans la connaissance de la culture d'Hieaizumi. Lors des travaux de reconstruction des jardins, dans les années 1980, on découvrit les canalisations d'eau originales (Yamirizu) qui acheminent l'eau jusqu'à l'étang. C'est à cet endroit que se tient tous les ans, le quatrième dimanche de mai, une reconstitution du jeu Kyokushi no Utage, qui était pratiqué au XII è siècle.
Outre le pavillon central, je découvre, à l'intérieur de ce temple Motsuji, le pavillon du fondateur aussi appelé Kaisando (ci-dessous). Ce fondateur, Jikaku Daishi Ennin, fut le troisième abbé de la secte Tendaï et le premier récipiendaire du titre de Daishi (grand professeur). Son journal »Récit d'un pèlerinage à la recherche de la loi », qui fut rédigé durant les neuf années de son séjour en Chine dans la dynastie des Tang, rivalise en nombre de tirages avec l'ouvrage des voyages de Marco Polo. Non loin de là, à l'intérieur du pavillon Jogyodo, on peut admirer Amita Nyorai (deuxième photo).
Je me dirige ensuite en direction du temple Chusonji, le site le plus important. Il fut édifié au début du XII è siècle, en 25 ans, par Kiyohira, premier seigneur de la lignée des Fujiwara. Malgré la disparition des bâtiments originaux à cause du feu, ce temple recèle encore plus de 3000 œuvres classées trésors nationaux ou biens culturels importants de toutes sortes : bâtiments, peintures... à commencer par ce Konjikido (dont nous avons parlé plus haut). Le temple Chusonji est situé en forêt, sur une colline. Il me faut gravir la pente de Tsukimizasa qui est bordée par de grands arbres. Il y a affluence en ce samedi après midi et le beau temps qui nous est offert se prête à cette visite. Sur mon chemin, je croise plusieurs pavillons (Benkeido, Yakushido, Jizodo...) avant d'atteindre le pavillon principal (appelé Hondo, et en photo ci-dessous) qui fut rebâti en 1909 et inclut aussi dix-sept autres constructions secondaires. La plupart des rituels et des cérémonies en l'honneur de la famille Oshu- Fujiwara mais aussi en mémoire des prêtres de la secte Tendaï et le service du Nouvel An s'y tiennent. Ce pavillon accueillait autrefois la statue originale du Bouddha Shaka Nyoraï, comme mentionné dans le texte de promesse de construction de Chusonji. Désormais, une reproduction, plus petite, de cette statue a été installée en 2013. De chaque côté de l'endroit se trouvent des lumières éternelles, provenant de Hieizan Enryakuji, le temple principal de la secte Tendaï.
Je rencontre sur place de nombreux Japonais avec lesquels j'échange quelques mots. Certains viennent d'autres régions du pays, et ont du mal à me commenter tel ou tel bâtiment. Je me retourne alors vers les prêtres ou prêtresses qui tiennent souvent des boutiques à l'entrée des pavillons. Un concours de dessin est même organisé et je peux observer de nombreux enfants en train d'exercer leurs talents. J'aperçois bientôt la cloche du temple (ci-dessous). Bien culturel important de la préfecture d'Iwate, celle-ci est de style Banshikiko et fut fondue en 1343 sur l'initiative de Raiei, un prêtre du Konjikido, et mesure 86 centimètres de diamètre. Le support de la cloche étant devenu creux sous le poids des ans (et de la cloche elle-même!), l’instrument ne sonne plus désormais. Une inscription précise la date de l'incendie du temple, 1337. Pour visiter le Konjikido, il faut se munir d'un ticket. Les guichets se trouvent sur ma droite et jouxtent le musée Sankoso. C'est ce musée qui contient les 3000 trésors nationaux. D'entrée, on peut y admirer trois grandes statues de bouddhas : de gauche à droite, Yakushi Nyoraï, en bois laqué du Japon (Période Heian, XII è siècle), Amida Nyoraï, en bois doré à l'or fin (même époque) et encore Yakushi Nyoraï (mêmes caractéristiques et même époque). Il est malheureusement interdit de photographier à l 'intérieur de l'enceinte. Je m'arrête quelques instants devant un magnifique Canon bouddhiste rédigé en caractères dorés sur papier bleu (deuxième photo ci-dessous). C'est Kiyohira qui avait demandé la rédaction de sutras complets tandis que Hidehira, lui, avait fait rajouter de nombreuses illustrations. Plus de cent participants permettent chaque année d'admirer, le deuxième dimanche de juin, la transcription du sutra lors de la journée du lotus.
A la sortie de Konjikido (qui consiste à admirer le pavillon doré, protégé derrière une immense baie vitrée), je tombe sur Kyozo (temple à sutras)(en photo ci-dessous). Bien culturel important, ce lieu accueille les sutras (livres, ou encore canons, écrits des enseignements du Bouddha). Cet endroit brûla en 1337 mais put être partiellement sauvé. Il fut plus tard restauré avec notamment du bois récupéré du bâtiment original. L'intérieur comporte des motifs de couleurs qui datent de l'époque Heian. On y trouve la principale image de Bouddha, Monju Bosatsu (le bouddha du savoir), entouré de quatre serviteurs, d'objets rituels et de sutras.
Ma visite s'achève par le sanctuaire Hakusan No Butai (en photo ci-dessous) qui offre de voir une très ancienne scène de théâtre Nô. A ne pas manquer !
INFOS PRATIQUES :
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Association des guides-interprètes d'Iwate-Hiraizumi, 208 Aza Hanadate, Hiraizumi. Tel : 0191 46 5710 (de 9h00 à 16h00). Fermé le lundi.
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Temple Motsuji, Osawa, Hiraizumi-cho. Tel:0191 46 2331. Entrée 500 yens. De 8h30 à 17h00.
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Temple Chusonji, 202 Koromonoseki, Hiraizumi-cho. Tel:0191 46 2211. Entrée pour le Konjikido (donnant également l'accès au musée Sankozo) : 800 yens. De 8h30 à 17h00.
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Bureau de tourisme, 61-7 Hiraizumi Aza Izumiya, Hiraizumi-cho. Tel:0191 46 2110. Site internet : http://hiraizumi.or.jp/
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Centre d'héritage culturel d'Hiraizumi, 44 Hiraizumi Aza Hanadate, Hiraizumi. Tel:0191 46 4012. Ouvert tous les jours de 9h00 à 17h00. Entrée libre.
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Location de vélos (plusieurs prestataires existent, se renseigner à l'office du tourisme). Un bus, appelé Loop Bus (au départ de la gare JR) permet également de parcourir le circuit comple des curiosités touristiques d'Hiraizumi. Billet à 140 yens.