Mercredi 1er octobre 2014
Ce mercredi est un grand jour pour le Japon tout entier mais aussi pour tous les cheminots nippons. En effet, on fête aujourd'hui les 50 ans du Shinkansen, le premier train à grande vitesse au monde. Le premier train de ce genre sera en effet lancé depuis Tokyo, juste quelques jours avant l'ouverture des Jeux Olympiques de 1964. Tout un symbole ! Les cent millions de passagers transportés sur le nouveau train sont franchis en moins de trois ans, ce qui encourage la Japan Railways à développer son réseau, lequel relie actuellement les plus grandes villes des îles de Honshu et de Kyushu. Hokkaido attendra encore un peu. Entre temps, la vitesse aura elle aussi été revue à la hausse, passant de 210 à...320 kilomètres/heure, comme sur le Shinkansen « Hayabusa » que j'ai encore emprunté hier matin ( première photo ci-dessous).
Le mot « shinkansen » signifie littéralement « nouvelle grande ligne », et les trains circulant sur ces nouveaux axes sont dénommés « Super Express ». Shinkansen désigne donc à la fois les lignes nouvelles et les trains y circulant. Le train s'appela même un temps « dangan ressha » (train voyageant à la vitesse d'une balle) alors que le projet initial était déjà étudié ...dans les années quarante. Autre détail technique : le shinkansen utilise également une largeur de voie différente de celle du réseau japonais.
Le Japon fut le premier pays au monde à se doter de voies réservées aux trains à grande vitesse, avec un écartement de voie de 1,435 mètre (au lieu de 1,067 mètre sur le réseau japonais habituel). Ces nouvelles lignes nécessitèrent la construction de nombreux ouvrages d'art (66 tunnels, et 96 ponts rien que pour l'ouverture du premier tronçon) . Le premier tronçon du nouveau train se lança sur la ligne Tokaido, entre Tokyo et Shin-Osaka, en utilisant une partie des terrains acquis à l'occasion de l'ancien projet ainsi que les tunnels partiellement construits. La construction démarra en 1959 mais il faudra attendre le 1er octobre 1964 pour inaugurer la première ligne. Le premier shinkansen roula alors à 240 kilomètres par heure. Une révolution. Le succès immédiat de ce nouveau moyen de transport a d'ores et déjà permis au shinkansen de transporter à ce jour 4,5 milliards de passagers.
Les premières rames du Shinkansen circulaient à une vitesse maximale de 210 km/h. Puis, la vitesse passa à 220 km/h et de nouveaux trains furent ensuite construits, offrant à chaque fois des livrées différentes. Et la vitesse d'évoluer : 300 km/h sur la ligne Sanyo, avec les trains des séries 500 et N700, 320 km/h sur la ligne Shinkansen Tohoku, avec les trains de la nouvelle série Hayabusa (depuis mars 2013), et une vitesse oscillant entre 240 et 275 km/h sur les autres lignes. Conçus à l'origine pour acheminer fret et voyageurs, de jour comme de nuit, le réseau du shinkansen ne transporte finalement que des voyageurs et est fermé de minuit à 6 heures du matin, pour laisser la place à la maintenance.
Côté voyageurs, le shinkansen se distingue par l'espace qui leur est offert, avec une largeur intérieure de 3,21 mètres, l'orientation des fauteuils dans le sens de la marche (qui sont pivotables automatiquement au terminus de chaque trajet) et, quelle que soit la classe, d'un grand confort (dont beaucoup d'espace pour les jambes). Quant à la ponctualité, elle est redoutable : en 2003, le retard moyen à l'arrivée se chiffrait à 0,1 minute, soit 6 secondes. Et depuis sa naissance, le shinkansen n'eut à déplorer aucun accident. Le séisme du 23 octobre 2004 provoqua bien le déraillement assez spectaculaire d'une rame, mais ne fit aucune victime. Il s’agissait d'un Shinkansen 200 qui effectuait le service Toki 231, à une vitesse de 200 km/h entre Tokyo et Niigata. Les lignes de shinkansen sont équipées de sismographes qui détectent les moindres mouvements du sol, déclenchant un freinage d'urgence du matériel roulant en cas de tremblement de terre. A la suite du séisme et du tsunami du 11 mars 2011, l'ensemble des lignes Shinkansen de la compagnie ferroviaire JR furent suspendues, dans cette région pour permettre la vérification des ouvrages d'art et procéder aux travaux de réparation comme à Sendai par exemple. Ces lignes reprendront l'exploitation le 29 avril.
Réduire le bruit est l'une des préoccupations majeures de la Japan Railways. De nouvelles générations de rames sont constamment à l'étude ou à l'essai. La presque totalité des nouvelles voies traversant des villes, on comprendra l'enjeu de ce combat contre le bruit. Certaines lignes shinkansen sortent du standard : par exemple, les lignes Yamagata (de Fukushima à Shinjo) et Akita (de Morioka à Akita) sont appelées mini-shinkansen car le gabarit ( les rames sont plus courtes) est plus étroit et la vitesse est limitée à 130 km/h, comme j'ai pu m'en rendre compte en les empruntant la semaine dernière. Les investissements étant énormes, on prévoit encore des investissements, surtout en prolongeant le train à grande vitesse en direction du nord (sur Hokkaido, jusqu'à Hakodate, puis Sapporo), mais des projets de lignes comme la ligne Shikoku (qui devait relier Honshu à l'ile de Shikoku) ne verra pas le jour. Même chose pour un projet de ligne devant, à l'origine, desservir l'aéroport de Tokyo-Narita. Le projet de ligne Nagano-Kanazawa, lui, verra sa concrétisation, tout comme le Shinkansen Kyushu qui devrait être prolongé jusqu'à Nagasaki. D'autres projet sont en cours comme celui d'une ligne Kanazawa-Shin Osaka, et bien sûr le nouveau train Shinkansen Chuo Maglev, au départ de Tokyo, d'abord prévu jusqu'à Nagoya (pour 2027) puis jusqu'à Shin-Osaka (en 2045), qui devrait rouler à plus de 500 km/heure. Tous ces Shinkansen répondent à des noms différents : on trouve ainsi, selon les lignes, le Kodama (écho), Hikari (lumière), Nozomi (espoir), Sakura (cerisier), Tsubame (hirondelle), Hayabusa (faucon pèlerin), Hayate (rafale), Nasuno (hauts plateaux Nasu), Yamabiko (écho), Tsubasa (aile), Tanigawa (du nom du Mont), Toki (ibis nippon), ou Asama (Mont Asama).
Aujourd’hui, le Shinkansen, c'est, chaque année 324 millions de passagers transportés, plus de 200 rames quotidiennes circulant entre Tokyo et Shin-Osaka, et un retard moyen annuel de...trente secondes ! Mais aussi, sur certains trains, toilettes de luxe, bains de pied, salons de retouche maquillage ou espaces isolés pour fumeurs. Chapeau !
INFOS PRATIQUES :