Mardi 7 octobre 2014
Pour le dernier article de ce séjour, je vous emmène à Nikko (préfecture de Tochigi). Célèbre grâce à ses sanctuaires et ses temples, cette petite ville est située à une centaine de kilomètres de Tokyo, nichée au sein du parc national de Nikko, au milieu des forêts de cryptomerias, de cèdres et de pins. Nikko est aussi réputée pour ses sources d'eau chaude et ses nombreux onsen . Mais ce n'est pas pour cela que j'y vais aujourd'hui. Je prends le train au départ d'Utsunomiya, un train qui fait la ligne Utsunomiya-Nikko en une demi-heure. Il y a beaucoup de monde à bord : des groupes de Japonais (personnes âgées venues des quatre coins du pays) mais aussi des étrangers.
L'histoire de la ville en tant que centre religieux remonte au VIII è siècle. C'est effectivement en 766, durant la période Nara, que Shodo Shonin, moine bouddhiste exceptionnel, se dirige vers le Mont Nantai, franchit la rivière Daiya et fonde le premier temple de Nikko. Des siècles plus tard, l'endroit devient un centre bouddhique, puis shintoïste très renommé que le seigneur Tokugawa Ieyasu choisit pour son mausolée. Ce shogun sera le premier d'une grande lignée. Après avoir unifié le pays, lui et ses descendants conserveront le pouvoir pendant 250 ans. C'est son petit-fils, Iemitsu, qui érigera le sanctuaire Toshogu, en 1634, pour son aïeul, voulant ainsi illustrer richesse et puissance du clan Tokugawa.
A la sortie de la gare JR, on m'indique que l'office de tourisme se trouve à cinq minutes de marche (en prenant à droite en sortant de la gare), près d'une autre petite gare. On me fournit un document sommaire rédigé en anglais ainsi qu'un plan pas très clair. C'est tout ce dont je disposerai pour la totalité de ma visite (mis à part un argumentaire complet en anglais concernant le pont sacré). Et c'est bien dommage. A quoi bon en effet visiter un lieu sans savoir ce qu'on voit ? Je l'ai dit à l'office de tourisme. J'ai souhaité pour cette fois ne voir que les endroits principaux, classés au patrimoine de l'UNESCO. On m'indique le Shinkyo (pont sacré), le temple Rinnoji, les sanctuaires Toshogu et Futarasan, et Okuingohoto. Vaste programme.
Au départ de l'office de tourisme, il existe une petite place avec des autobus, et une fontaine. Il est primordial d'emprunter la bonne route dès le départ, une route qui grimpe légèrement vers la montagne (et donc vers les sanctuaires). Je marcherai ainsi près de deux kilomètres avant d'atteindre le Shinkyo (ci-dessous), pont sacré, laqué de couleur rouge, qui franchit la rivière Daiya. Il était aussi surnommé « Yamasugé no Jabashi », d'après la légende: lorsque Shodo Shonin et dix de ses disciples voulurent explorer la montagne de Nikko, en 767, ils trouvèrent sur leur passage la rivière Daiya. Il y avait un fort courant et pas de pont pour se rendre d'une rive à l'autre. Shodo Shonin se mit à prier avec ferveur et le dieu Jinja Daio (qui apparut avec deux serpents rouge et bleu) lui répondit bientôt. Il jeta ces deux serpents (yamasugé) en travers de la rivière pour en faire un pont et permettre à Shodo Shonin et ses disciples de se rendre de l'autre côté. D'où son nom originel. Ce pont existe dans sa forme actuelle depuis 1636 et fut appelé Shinkyo à cause de sa beauté. Ce pont, mis à part certaines occasions spéciales, comme par exemple la visite de membres de la famille impériale, ne pouvait pas être franchi.
Je traverse donc la rivière Daiya par la route comme tout le monde puis grimpe les escaliers face à moi qui me conduiront vers les sanctuaires et temples. J'apercevrai d'abord, sur ma droite, le temple Rinnoji. Enfin, apercevoir est un grand mot puisque celui-ci est recouvert par un gigantesque hangar (ci-dessous) destiné à le protéger pendant sa restauration, prévue jusqu'en ...2019. Dans l'intervalle, il est possible de le visiter tout de même mais la prise de photos y est interdite. La construction de ce temple débuta en 766, conformément au souhait du moine Shodo Shonin. Puis sera par la suite régulièrement agrandi au début de la période Edo. En 1653, le mausolée du shogun Iemitsu Tokugawa y trouvera sa place. Puis, en 1999, il sera inscrit au patrimoine mondial de l'humanité en tant que partie des sanctuaires et temples de Nikko. Le site est composé de quinze temple mais également d'un onsen. Ce sont, au total, 37 sites qui sont classés comme biens culturels importants dans cette ville.
A l'intérieur du temple Rinnoji, se trouvent le Hondo (qui fut bâti en 1646 et abrite les fameux trois bouddhas du temple (deuxième photo ci-dessous), d'où le surnom de Sanbutsudo, le hall des trois bouddhas), le Jogyodo et le Hokkedo. Ces deux bâtiments, de style respectivement japonais et chinois sont connectés par un couloir et datent de l'époque Heian mais furent reconstruits en 1649. Existe aussi le Sanjunoto, d'abord érigé en 808, puis détruit par les flammes en 1684 avant d'être reconstruit un an plus tard. Enfin, le Kaizando fut construit pour rendre hommage à Shodo Shonin, fondateur du temple.
Je me rends maintenant au sanctuaire Toshogu. Et découvre sur ma gauche, devant ce sanctuaire, une jolie pagode à cinq étages (ci-dessous) qui fut offerte par Sakai Tadakatsu, lord féodal d'Obama en 1650, pour le 33è anniversaire de la mort de Ieyasu. La pagode originale brûla en 1815. Celle-ci, bâtie trois ans plus tard a une hauteur de 36 mètres et résiste étonnamment aux forts vents et aux tremblements de terre. A cinq minutes à pied, en prenant sur la gauche, on atteint le musée des Trésors.
Je suis impressionné par la foule que je trouve devant le sanctuaire et à l'intérieur de celui-ci. Manifestement, le patrimoine mondiale attire beaucoup de monde et il me sera parfois difficile de prendre des clichés. Une fois franchie la porte Omotemon, je pénètre dans une enceinte où je découvre les trois entrepôts sacrés (ci-dessous en photo). Ce sanctuaire fut bâti en l'honneur de Tokugawa Ieyasu, par son fils Tokugawa Hidetada, qui était shogun en 1617 sous la période Edo. L'endroit sera plus tard agrandi sous le shogunat de Togugawa Iemitsu (le petit-fils). On pénètre dans le sanctuaire en franchissant l'Ishidori, premier torii qui marque l'entrée du sanctuaire et qui fut érigé en 1618. Ensuite, l'Omotemon est une première porte (là où l'on vérifie les tickets d'entrée) qui marque l'entrée plus profondément dans le sanctuaire Toshogu. A gauche de cette porte (et face aux trois entrepôts sacrés), j'observerai l'écurie Shinyosha qui abritait les chevaux destinés aux cérémonies. Le sanctuaire possédait deux chevaux sacrés : Kotuku (Héron blanc en langue Maori) et Fukuisami (bravoure et chance). Sur le bâtiment, figurent des sculptures en bois représentant des singes (deuxième photo) dans diverses expressions (les singes que l'on peut voir ci-dessous espèrent que leurs progénitures ne rencontrent, ni ne voient, ni n'entendent jamais les démons). Non loin de là, se trouve aussi l'Omizuya, un bassin couvert permettant de se laver les mains et la bouche pour se purifier avant de rentrer dans certaines parties du sanctuaire. Une autre porte s'élève, la Yomeimon, qui marque l'entrée dans la dernière partie du sanctuaire. Malheureusement, cette porte est actuellement en cours de réfection. Elle est pourtant l'un des plus beaux endroits de ce sanctuaire. Tant pis. Juste en face, la porte Karamon (troisième photo ci-dessous) marque l'entrée dans la dernière partie du sanctuaire Toshogu. On l'appelle aussi parfois « porte chinoise » à cause du style particulier des décorations et ornements qui y figurent. Dernière étape, l'oratoire des prières, qui peut être visité à condition de se déchausser mais on me peut pas prendre de photos à l'intérieur. J'ai, quant à moi, démissionné en voyant la longue queue qu'il fallait faire avant d'y accéder. Je monte directement vers la tombe de Tokugawa Ieyasu.
J'emprunte de longs escaliers afin de grimper vers un autre petit sanctuaire intérieur qui jouxte la tombe de l'unificateur du Japon. Daïmio, puis shogun, il sera en effet le dernier des trois unificateurs du pays de l’époque Sengoku, après Oda Nobunaga et Toyotomi Hideyoshi. Il est l'héritier du clan Matsudaïra, petit clan de la province de Mikawa. Objet d'une prise d'otage dans sa jeunesse, entre clans rivaux, il retourne sur ses terres de Mikawa en 1556 puis se marie une première fois. Il fera peu de temps après ses premiers pas de tacticien dans une campagne militaire contre les Oda, et remportera ses premières victoires. Peu à peu, il devient célèbre et s'impose définitivement à la suite de la bataille de Sekigahara en 1600, devenant de facto le dirigeant du pays.
Me voici maintenant au sanctuaire Futarasan (ci-dessous), qui honore trois dieux : Okuninushi, Tagorihime et Ajisukitakahikone, les trois divinités principales de Nikko. L'ensemble du sanctuaire a une superficie de 3400 hectares dont une grande partie est couverte de forêts.Ce temple possède deux sabres qui sont des trésors nationaux. Ce sanctuaire fut érigé en 767 par Shodo Shonin, et prit le nom du Mont Nantai (qu'on appelle aussi Futarasan), le mot Nantai signifie le corps humain. Ce type de construction située à proximité d'une rivière et dans la montagne, avec une plaine où les gens vivaient, existait déjà, selon les archéologues, durant la période Yayoi. Plus tard, ce lieu de culte sera désigné comme sanctuaire principale de l'ancienne province Shimotsuke (qui correspond à la préfecture de Tochigi de nos jours). Et d'être classé, de 1871 à 1946, comme sanctuaire important par le gouvernement. En 766, Shodo Shonin fait don construire le temple bouddhiste puis, un an plus tard le sanctuaire shinto. En 782 et 784, il fit aussi ériger d'autres bâtiments. Au total, le sanctuaire Futarasan est composé d'un ensemble de bâtiments dont 23 sont inscrits comme biens culturels importants par le gouvernement.
Je file ensuite sur un lieu appelé Okuingohoto, pour lequel je ne trouverai pas d'information. C'est là que se trouve pourtant le mausolée consacré à Tokugawa Iemitsu (en photo ci-dessous), le troisième shogun du règne des Tokugawa. On retrouve les mêmes techniques de construction que celles utilisées pour bâtir le sanctuaire Toshogu (sauf qu'ici, tout est plus petit) c'est à dire un mélange d'architecture shintoïste et bouddhiste. Le mausolée de Iemitsu fut quant à lui érigé dans le style bouddhiste uniquement..
Pour terminer cet article fort incomplet, un petit mot sur la manière dont l'UNESCO a classé cet ensemble de sanctuaire et de temples de la ville de Nikko : chaque bâtiment a été retenu pour sa valeur artistique et forme une pièce unique dans le Japon de jadis. Les deux mausolées, le sanctuaire de Toshogu ainsi que Taiyu-in Reibyo incarnent les formes d'une architecture de style Gonzen-zukuri, et le style architectural nippon le plus évolué de cette époque. Et ces constructions d'influencer les architectes pour les prochaines réalisations durant les siècles suivants. L'UNESCO a probablement apprécié l'ingéniosité et la créativité des bâtisseurs d'alors en matière de construction et de décoration, reconnaissant tout particulièrement dans le cas du sanctuaire de Toshogu, l'abondante information fournie sur l'architecture japonaise naissante.
Je ne saurai trop vous conseiller de visiter Nikko si vous êtes de passage dans la région, mais munissez-vous au préalable d'une documentation complète sur l'endroit. Après tout, cette destination n'est pas si éloignée de la capitale nippone et on peut faire le tour des principaux monuments classées en trois heures de temps. Bon voyage !
INFOS PRATIQUES :
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Site de la ville de Nikko : http://www.city.nikko.lg.jp/
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Pont sacré Shinkyo ( se trouve sur votre gauche lorsque vous venez de la gare). Une petite histoire et un petit sanctuaire sont visibles (entrée : 300 yens). Tel:0288 54 0535. Site internet : http://www.shinkyo.net/
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Temple Rinnoji, entrée : 400 yens.
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Sanctuaire Toshogu, ouvert toute l'année, de 8h00 à 16 h00 (17h00 l'été). Entrée : 1300 yens. Site internet : http://www.toshogu.jp/english/
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Site du sanctuaire Futarasan : http://www.futarasan.jp/
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Une bonne adresse pour déguster un bon café et une délicieuse pâtisserie avant de prendre le chemin du retour : Meiji Yakata Coffee (près de la gare de Tochi) Tochigiken Nikkosi, Matsubara machi 4-3, à Nikko. Tel:0288 54 2149