Vendredi 2 janvier 2015

Me voici cette fois embarqué dans la découverte de l'Etat de Chu, né en Chine au VIIIè siècle avant J.C. Je visite en effet aujourd'hui le pavillon de la culture Chu, qui se trouve au Musée Provincial de Hubei. Ce musée, apparu en 1953, est l 'un des plus connus du pays et rassemble 260000 pièces (dont 945 reliques de première importance, dont le carillon de Zenghouyi, le vase prune de la dynastie Yuan, ou le sabre de GouJian, roi de Yue) dont des trésors nationaux. L'ensemble offre plusieurs salles d'expositions permanentes ou temporaires, dont celle que je vais vous proposer de découvrir aujourd'hui. Je suis surpris par le nombre important de visiteurs qui se trouvent sur place. Je connais la curiosité des Chinois mais à cela, s'ajoute le loi du nombre. Cela ne fait aucun doute, je suis bien en Chine.

Le Royaume de Chu fut formé durant l'Antiquité, suite à l'expansion des Han vers le sud dans des régions alors occupées par l'ethnie des Miao, laquelle pratiquait à l'époque des rites et des croyances très anciens. Connu d'abord sous le nom de Jing, puis de Jingchu, cet Etat occupera, lors de son apogée, de vastes étendues de terres dont les provinces actuelles du Hunan, la province de Hubei (dans laquelle se trouve la ville de Wuhan), Chongqing, Henan et plusieurs morceaux de Jiangsu. Sa capitale s'appelait Yingdu (actuelle ville de Jingzhou). En l'an 334, l'Etat de Chu annexera également le Yue, Etat du sud de la Chine, jadis connu pour la qualité de son travail du métal, et tout particulièrement des épées. L'exposition offre d'ailleurs d'admirer le superbe sabre (ci-dessous) de Goujian, roi du Yue. Cette épée est une épée de bronze datant de la périodes des Printemps et des Automnes, et fut découverte en 1965 et dans un parfait état de conservation à Hubei, dans le Xian de Jiangling.

L'Etat de Chu était particulièrement arrogant avec ses voisins, car il s'imaginait invincible. Or, un jour, le roi Zhao de cet Etat, alors en visite chez le duc Zhao de Cai reçut un manteau de fourrure en guise de présent. Mais le roi Zhao exigea de porter le manteau du duc à la place, et se heurta bien entendu à un refus. Le duc fut alors pris en otage par Zhao jusqu'à ce qu'il donne son manteau. Surprenante réaction. Furieux, le duc de Cai demanda l'aide du duché de Jin, puis envahit l'une des provinces de l'Etat de Chu. L'Etat de Caï était un Etat chinois établi au début de la dynastie des Zhou. Il gagnera en importance durant la période des Printemps et des Automnes , mais disparaitra au début de la période des Royaumes combattants. Au même moment, le royaume de Wu envahit également l'Etat de Chu, poussant le roi Zhao à fuir dans un état vassal, lors de la bataille de Boju. Les troupes du royaume de Wu étaient commandées par Sun Zi, Wu Zixu et le roi Helü. Ainsi l'Etat de Chu sera t-il occupé pendant deux années.

Basée sur des découvertes archéologiques, la culture de Chu ressembla d'abord à celle des autres états Zhou du bassin du fleuve Jaune. Plus tard, cette culture assimilera des éléments indigènes de la Baiyue jusqu'à devenir une culture distincte des états des plaines du nord. Chu était en effet souvent en contact avec d'autres peuples du sud, dont ceux des royaumes de Ba, de Yue et de Baiyue. On retrouva d'ailleurs plusieurs sépultures et objets funéraires de style Ba et Yue sur le territoire Chu, objets co-existant avec des sépultures de style Chu (ci-dessus).

L'artisanat Chu maitrisait parfaitement la couleur et la forme, notamment en ce qui concerne les boiseries des objets laqués, comme ce tambour en photo ci-dessus. Le vernis pigmenté rouge et noir était alors abondamment utilisé. Le tissage atteignit également un haut niveau de savoir-faire et permit entre autres, la création de robes légères. L'exposition me permet d'observer d'anciennes pièces de cette soie qui valait si cher jadis qu'elle était un produit de luxe. La Chine sera d'ailleurs longtemps la seule à détenir son secret de fabrication, et donnera lieu à l'apparition de la fameuse route de la soie, à la fois espace d'échanges commerciaux dès le Paléolithique et héritière de la route de Jade apparue 7000 ans auparavant. Ci-dessous, on peut admirer une peinture sur soie représentant phénix et dragons.

Préalablement à la naissance de l'Etat Chu, apparaitra la période des Royaumes combattants : dès le Vè siècle avant J.C, cette période des « pays en guerre » s'étendra en Chine jusqu'à l'unification des royaumes chinois par la dynastie des Qin en 221 avant J.C. A partir du milieu du Vè siècle avant J.C, émergeront sept grands états : Chu, Han, Qi, Qin, Wei, Yan et Zhao. Ces derniers s'affranchiront une fois pour toutes de la tutelle des Zhou, la précédente dynastie. Leurs souverains prendront le titre de roi et se livreront à d'incessantes guerres qui stimuleront les nombreux progrès de cette époque. Cette période sera celle des progrès techniques et économiques, mais aussi de la naissance et du développement d'écoles de pensée comme le confucianisme, le taoïsme ou le légisme. L'administration et la classe politique seront quant à elles de mieux en mieux formées et organisées. Au sud du pays, on trouve alors un espace politique original, qui, bien qu'ouvert aux influences venues de la plaine centrale, conserve ses caractères propres. Je veux bien sûr parler du Chu, septième de ces royaumes combattants. Celui-ci se situe sur le cours moyen du Yangtsé, puis s'étend ensuite autour des rivières Han et Huai. Ces régions faiblement peuplées sont d'autant plus faciles à conquérir. Toutefois, ce royaume, bien que puissant, restera mal dirigé en comparaison de ses voisins.

La création artistique chinoise, mis à part les bronzes archaïques, l'art funéraire et la sculpture bouddhique, est marquée par la recherche de la pérennité à travers l'éphémère et le fluctuant. L'archéologie permettra de mettre à jour de nombreux bronzes, lesquels démontreront l'importance du cuivre dans la vie de l'époque. Au sud-ouest de Huangshi, près du lac Daye se trouve la mine de Tonglushan (dont on peut voir une maquette reconstituée ci-dessus) ou du moins les restes de ce qui fut jadis un terrain d'exploitation s'étendant sur 8 km2. Le lieu fut découvert en 1973 et apparaît comme la mine chinoise la mieux conservée à ce jour. On découvrit sur place plus de mille outils. C'est que ces objets en bronze, nombreux dans l'Empire du milieu, furent associés aux rite funéraires dès l'époque Shang. Ils furent, dès les premiers temps de l'âge de bronze, traduits par des objets utilitaires, mais leur forme évoluera plus tard jusqu'à l'apparition par exemple de l'arbalète (ci-dessous) depuis la période des Royaumes combattants. Ces objets exigeaient tous un grand nombre de travailleurs spécialisés, mais aussi artisans, artistes et commanditaires. Il fallait d'abord extraire le minerai, en faire des lingots, puis donner une forme au métal. L'exposition sur la culture Chu permet d'admirer de nombreux objets en bronze, dont des outils, des armes, des objets rituels qui servaient autrefois à la noblesse Chu (comme ce bronze Ding, deuxième photo ci-dessous), mais aussi des miroirs, ou des boucles de ceintures. Cette visite de ce pavillon consacrée à la culture de cet ancien royaume chinois m'aura permis d'aborder une époque historique intéressante de l'histoire de ce grand pays.

INFOS PRATIQUES :

• Musée Provincial de Hubei à Wuhan. Tél : 027 8679 4127. Ouvert tous les jours de 9h00 à 15h30. Entrée gratuite. Ne vous fiez pas à la longue file d'attente devant l'entrée de ce grand musée, car les visiteurs pénètrent rapidement dans l'enceinte. Photos autorisées. Le pavillon de la culture Chu se trouve à gauche du bâtiment principal, et comporte deux salles d'exposition au rez-de-chaussée (bronzes et chariots anciens et chevaux), et trois salles à l'étage (textiles, laques,artisanat,agriculture et commerce, puis danse et musique, sciences et art et vie quotidienne). Site internet : http://www.hbww.org

• La visite libre du Pavillon de la culture Chu dure environ deux heures. Des panneaux d'information se trouvent à l'entrée de chaque salle et sont rédigés en chinois et en anglais (tout comme les étiquettes décrivant chacune des œuvres présentées).