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Du côté de la Forêt d'Iraty
(Pyrénées Atlantiques, France) |
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Jeudi 21 mai 2015 Ce matin, je m'en vais respirer l'air de la montagne, du côté d'Iraty. Station de ski pyrénéenne pour ski de fond, la vallée d'Iraty se trouve à cheval sur les communes de Larrau, Lecumberry et Mendive. Les fameux chalets d'Iraty, eux, sont situés sur la commune de Larrau. Depuis Pau je mettrai presque une heure et demie pour atteindre ma destination. J'empreinte bien sûr des petites routes avec beaucoup de villages. Il faut une vigilance de tous les instants car plus on grimpe et moins les routes sont larges, celles-ci étant bordées de précipices. Je roule au pas car on voit un tas de choses durant le parcours. Je m'arrêterai plusieurs fois au cours de mon voyage, afin de prendre des photos du paysage mais aussi des animaux. Vaches, pottoks, béliers et brebis me tiendront compagnie tout au long de la journée, sans oublier le vautour fauve, gigantesque oiseau charognard.
Comme la plupart des vautours, son long cou est dénudé et sa tête aussi. Son bec extrêmement puissant lui permet de découper les cuirs épais des carcasses. Ses pattes sont par contre dépourvues de griffes, mais c'est un moindre mal pour l 'animal qui ne les utilisent pas pour chasser mais simplement pour se percer et marcher. L'oiseau pèse en moyenne huit kilos et son envergure de 2,65 mètres reste impressionnante. Son espérance de vie est de 25 à 35 ans. Sa vision adaptée lui permet de repérer les animaux domestiques morts ici et là, même si l'on dénombre parfois des attaques de vautours à l'encontre du bétail vivant dans la chaine pyrénéenne. On en a recensé 1165 cas entre 2006 et 2010. Ce phénomène peut s'expliquer par la raréfaction des charognes abandonnées, depuis la nouvelle réglementation européenne concernant les conditions sanitaires d'élevage. Je suis surpris par l'aspect non farouche des animaux rencontrés sur mon chemin. On dirait qu'ils sont accoutumés à la circulation automobile en montagne. Il est vrai que celle-ci est rare et je ne croiserai que quelques véhicules durant la journée. Iraty est l'endroit de France où le bassin versant méditerranéen est le plus proche de l'océan atlantique (60 kilomètres seulement), la forêt d'Iraty se trouvant dans le bassin de l'Ebre, fleuve espagnol.
Cette forêt d'Iraty unit les hommes autour d'une destination mythique chargée d'histoire. Ce vaste territoire de plus de 20 000 hectares qui ne connait pas de frontières, est composée de 17 000 hectares de forêt, dont seulement 4000 se situent sur le territoire français. Le reste de cette forêt étant destiné au pastoralisme. Ce sont près de 20 000 brebis et environ 2000 vaches et chevaux qui parcourent la zone durant l'été, réparties au travers de plusieurs dizaines de cabanes de bergers qui produisent la plupart du temps l'irrésistible tome de brebis, l'Ardi Gazna. Cette dernière, marque commerciale implantée à Hélette (Pyrénées Atlantiques), est apposée sur l'une des multiples productions fromagères portant l'AOP ossau-iraty fabriquées en Pays basque. En dialecte navarro-labourdin, Ardi Gasna signifie « fromage de brebis », tout simplement. Ce vaste territoire d'Iraty est la propriété d'indivisions valléennes, avec au nord, celles de Cize et de Soule, gérées par des commissions syndicales du même nom, ancêtres de l'intercommunalité française, née au début du XIX ème siècle. Et au sud, celles des vallées navarraises d'Aezkoa et Salazar dont la gestion est assurée par les « Junta del Valle », structures voisines des homologues françaises.
Longtemps inaccessible, du moins en apparence, cette région est distante de plus de vingt kilomètres des derniers villages, et s'étale sur 24 kilomètres d'Est en Ouest (du pic d'Orhy en Soule à Ortzantzurieta en Aezkoa) et 12 kilomètres du Nord au Sud (du col de Burdinkurutxeta en Cize à la Sierra de Abodi en Salazar). On y rencontre des espèces d'arbres remarquables tant par leur hauteur que par leurs couleurs, variables au gré des saisons. Jadis, le secteur d'Iraty était occupé par le pastoralisme et de nombreux bergers y ont vécu, les cromlechs d'Okabe tout particulièrement, ces cercles de pierres levées, qui sont encore de nos jours les témoins privilégiés de cette civilisation. Okabe est un mont du Pays basque situé à 1456 mètres d'altitude, mont de la ligne de partage des eaux pyrénéennes. On y a, à ce jour, répertorié 26 cromlechs, cercles de pierre. On imagine que l'endroit abritait un lieu de passage pastoral très ancien, car aucune trace écrite ne fournit d'explications sur la présence de tels vestiges préhistoriques. On peut accéder au plateau d'Okabe à partir d'Estérençuby (où je m'arrêterai contempler cette superbe auberge en photo ci-dessous) ou depuis la forêt d'Iraty.
L'histoire nous apprend que cette immense forêt était le royaume de « Basa Jaun », puissant personnage mythique maitre de la montagne. Cela me rappelle soudain le Japon où existent tant de dieux de la nature. L'endroit regorgeait alors de « laminak », des lutins qui ne quittaient la forêt que la nuit, pour aller travailler. Basa Jaun, sorte de créature imaginaire, d'homme corpulent recouvert de poils et sauvage, vivait dans les Pyrénées basques et était le mari de Basandere. En basque, Basajaun signifie le seigneur de la forêt ou encore le seigneur sauvage. Par ses caractéristiques physiques et son comportement, il s'apparente aux hommes sauvages protégeant la nature et les activités agro-pastorales.
Aussi surprenant que cela puisse paraître, Iraty a toujours connu une vie intense et un riche passé industriel. On y rencontrait ainsi des charbonniers, des fabricants de sabots, des scieries, et même une verrerie, sans parler des forges dont celle située près de la fabrique d'armes d'Orbaizeta. Mais les plus nombreux restaient les bergers, les contrebandiers, les commerçants, et ces bûcherons qui transportaient les billes de bois exploitées par des câbles aériens dont celui qui conduisait à Mendive, dans la vallée, en s'étirant sur...treize kilomètres. On y vit aussi des batailles, mais cette forêt était avant tout la chasse du roi de Navarre, et, plus proche de nous, un important point de passage pour les résistants lors de la seconde guerre mondiale. Une curiosité de cette forêt d'Iraty que je vais partager avec vous : les eaux de la rivière Iraty, cours d'eau qui prend sa source en Soule au pied du pic des Escaliers, se jettent dans la Méditerranée après avoir rejoint l'Ebre sans avoir oublié de se renforcer avec Urbeltxa et Urxuria en traversant une magnifique hêtraie. Aujourd'hui, cet immense domaine est ouvert à tous, à travers des randonnées pédestres ou en vélo tout terrain.
A ce sujet, le GR 10 traverse les Pyrénées sur plus de 800 kilomètres (l'équivalent de 45 jours de marche!). Dans les Pyrénées atlantiques, il parcourt en deux semaines, montagnes du Pays basque et montagnes béarnaises, depuis Hendaye jusqu'à Garette. Vous serez guidés sur ce chemin par des balises blanches et rouges ainsi que par des panneaux GR10. Un bon moyen d'observer le vautour fauve, les brebis et les vaches et, plus rarement, au détour d'un col, et à condition d'avoir de la chance, isards et marmottes. L'air de la montagne, çà creuse. Midi approche et je prends la direction du Chalet Pedro, à la fois gîte et restaurant, une adresse qui m'a été recommandée préalablement. Je suis très bien accueilli et m'attable dans le chalet pour déguster une délicieuse omelette aux cèpes et au jambon du pays, accompagnée d'une salade verte, et d'un riz au lait fait maison en guise de dessert. Je reprendrai la route une heure plus tard en direction de Saint Jean Pied de Port, empruntant la plus sinueuse mais la plus belle route, en croisant de temps à autre des cyclistes grimpant les côtes montagneuses avec courage ou des pèlerins marchant d'un pas décidé vers Saint Jacques de Compostelle.
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