Lundi 25 mai 2015
Pour ma découverte de Pau, j'ai choisi de visiter le fleuron culturel de cette cité, le château. Situé dans le quartier historique, celui-ci se dresse fièrement. Il n'y a pas un chat dehors lorsque je pénètre dans la cour de la forteresse, après avoir franchi le superbe portail que l'on doit à Napoléon III. Notre guide soulignera d'emblée la particularité de ce château : Il fut le lieu de naissance du bon roi de France et de Navarre, Henri IV, le 13 décembre 1553. L'endroit porte toujours aujourd'hui de nombreuses marques de sa présence dans ces murs, mais la forteresse est en réalité bien plus ancienne puisque son existence remonte à mille ans.
Dès la fin du X ème siècle, il semble bien qu'un premier ouvrage défendu par une palissade de bois se dressait sur l'éperon rocheux situé entre le gave de Pau et l'un de ses affluents, le Hédas. Pau, en occitan, signifierait d'ailleurs « palissade de pieux ». De cet endroit privilégié, on surveillait les mouvements portuaires sur le gave. Ce premier ouvrage aurait été plus tard remplacé par un simple château fort. En regardant de plus près, on remarque qu'il subsiste des morceaux de construction de cette période : ainsi, la tour Mazères, d'une hauteur de 22,3 mètres et avec des murs épais d' un mètre soixante-cinq, s'élève t-elle dans la partie sud du château. Au nord, se trouve également la tour Montauser (qui date du XIII ème siècle), haut donjon carré en pierre.
Ce château fut avant tout la forteresse de Gaston Fébus. Nous sommes à la fin du XIV ème et Gaston Fébus, comte de Foix et vicomte de Béarn, profite de la guerre de Cent ans pour affirmer son indépendance face aux rois d'Aragon, d'Angleterre et de France. Pour assurer la protection de sa vicomté, il érige donjons et forteresse, faisant ainsi du château une citadelle imprenable. Sous l'influence de l'architecture civile du milieu du XIV ème, comme pour le Palais des rois de Majorque à Perpignan, il choisit la brique, un matériau souple et facile à utiliser pour construire le lourd et haut donjon Fébus, haut de 33 mètres, et la tour de la Monnaie, au pied du château.
Au fil du temps, cette citadelle va connaître des transformations. Le choix de Pau en tant que capitale du Béarn, l'accession des Foix-Béarn sur le trône de Navarre au XV ème siècle, puis le repli de la cour de Navarre, à Pau, en 1812, vont concourir à l'évolution du vieux château médiéval. Henri d'Albret et son épouse Marguerite d'Angoulême, sœur du roi de France, François 1er, y feront souffler un vent de Renaissance dès le début du XVI ème. Les transformations sont nombreuses, : cuisines, escalier (un escalier droit, rampe sur rampe, orné d 'une frise de H et M reliés par des liens d'amour), cour d'honneur décorée de médaillons sculptés, balcon de l'aile sud permettant de jouir de la vue sur les Pyrénées...transformeront le château en palais royal, agrémenté du magnifiques jardins. C'est dans ce contexte qu'Henri IV verra le jour en 1553, mais la destinée de ce futur roi l'éloignera bien vite de Pau. Sous son règne, la forteresse connaitra peu de changements, excepté la construction de la porte nord des jardins, appelée aujourd'hui Porte Corisande. Souvent parti, Henri IV confiera le château à la garde des gouverneurs (dont les Gramont à partir du XVII ème). L'endroit sera entretenu, mais en grande partie vidé de son mobilier d'apparat, et son domaine, largement amputé au profit du développement de la ville de Pau au XVIII ème siècle.
A son arrivée sur le trône en 1830, Louis-Philippe décidera de restaurer le château (qui fut heureusement épargné par la Révolution française) en souvenir d'Henri IV. Soucieux de se rattacher à son glorieux ancêtre Bourbon, le roi des Français se lancera dans une complète rénovation du palais, avec refonte totale du décor intérieur, dans l'esprit de la Renaissance, et en y ajoutant le confort et l'étiquette d'une cour royale du XIX ème siècle. Le bâtiment est retouché : côté Ouest, on rajoute une tour factice (tour Louis-Philippe) et côté Est, on transforme l'avant-corps de garde en chapelle (ci-dessous) et on détruit l'ancien couloir fortifié. Louis-Philippe ne mettra jamais les pieds à Pau et les travaux extérieurs resteront inachevés en 1848, lors de son exil en Angleterre. Son successeur, Napoléon III les poursuivra, en reprenant toutes les façades, les sculptures Renaissance des lucarnes, les portes et les fenêtres (deuxième photo), en les restaurant ou en les complétant, sans oublier l'entrée principale, à l'est, qui subit aussi des modifications. On remplace le bâtiment bas de la Chancellerie (qui fermait l'accès à la ville) par un portique (créé par l'architecte Ancelet) et une tour de quatre étages, l'actuelle tour Napoléon.
Après la chute du Second Empire, en 1870, le château de Pau conserve encore pendant quelques années sa vocation de demeure de prestige. Le président de la République, Sadi Carnot, y descendra en 1891. Mais bientôt, cet endroit sera transformé en musée national, plus exactement en 1929, musée tout entièrement consacré à Henri IV et à la carapace de tortue qui lui aurait servi de berceau à sa naissance. Depuis lors, les efforts des conservateurs successifs visent à un double objectif : constituer une importante collection dédiée à Henri IV mais également restituer, restaurer et valoriser le riche ensemble décoratif du XIX ème siècle. C'est à cette découverte que je vous convie maintenant.
Nous commençons notre visite par la Salle des Cent couverts (ci-dessous), l'une des salles les plus réputées du château, grâce à ses vastes proportions, de son riche décor de tapisseries et de son mobilier. L'immense table de chêne sur tréteaux de sapin où l'on pouvait installer une centaine d'invités, et les chaises de chêne tourné, livrées en 1841 par l'ébéniste Jeanselme, constituent le seul mobilier de cette grande salle à manger d'apparat voulue par Louis-Philipe 1er. Des tapisseries des Gobelins, de deux séries différentes, Les Mois Lucas et les Chasses de Maximilien ornent les murs. Ces tapisseries viennent, par leurs tons de vert et les ambiances de sous-bois qui s'en dégagent, prolonger le spectacle offert par les coteaux voisins, sur lesquels s'ouvrent de vastes baies.
Par ailleurs, les cuisines qui sont traditionnellement attribuées à Marguerite d'Angoulême, sont voûtées de lourdes ogives et équipées de deux grandes cheminées. Le château abrite également une salle à manger pour les officiers de service. Voûtée d'ogives au XVI ème siècle, cette salle est meublée d'une table et de chaises en acajou de style Empire estampillées Jacob-Desmalter, et initialement destinées par Napoléon Ier au Conseil d'Etat. Un grand vase à décor japonisant, en porcelaine de Sèvres, fut envoyé à Pau en 1894 par le président de la République Sadi Carnot, en souvenir de sa visite au château, alors palais national, en 1891. De part et d'autre de la porte de communication avec la salle des cent couverts, deux hautes statues en carton-pierre représentent Henri IV et Sully. Ce matériau qui imite le bronze, est composé de pâte de carton , de colle et de craie. Facile à utiliser il était très en vogue dans les années trente où ont été réalisées ces statues.
Nous passons maintenant par l'escalier d'honneur afin de rejoindre le premier étage. Ce grand escalier constitue l'un des premiers exemples d'escaliers Renaissance connu au sud de la Loire. Construit entre 1529 et 1535, à volées droites séparées par des paliers et des demi-paliers, voûté en anses de panier, il est orné d'une frise de H et de M (initiales de Marguerite d'Angoulême et d'Henri Albret) unies par des liens d'amour. Les volées supérieures ont été refaites au XIX ème siècle.
Je pénètre à présent dans le Salon d'attente (ci-dessous) puis dans le Salon de réception. Avant l'établissement d'une cloison au XIX ème siècle, Salon d'attente et Salon de réception ne formaient qu'une seule et même pièce, c'est à dire le « tinel », grande salle où se réunissait, au Moyen-Âge, la Cour Majour (assemblée des nobles et du clergé du Béarn) et qui devint à la fin du XV ème, la salle du trône des rois de Navarre. Une certaine unité décorative a été conservée au XIX ème siècle (avec les lustres et les sièges) mais la solennité et la somptuosité ont été privilégiées pour le salon de réception. Sur le plafond à caissons, alternent les chiffres, dorés à l'or fin, de Marguerite d'Angoulême et d'Henri II d'Albret, roi de Navarre, les grands-parents d'Henri IV. Les lustres monumentaux, alors destinés à la galerie des croisades du château de Versailles, sont l'oeuvre des lustriers et bronziers du roi, Chaumont et Marquis, au XIX ème siècle. La disposition du mobilier offre l'exemple de l'aménagement cérémonial d'un salon de résidence de résidence royale dans la première moitié du XIX ème siècle. La variété est introduite par les éléments décoratifs, tapisseries des Gobelins, statue de bronze d'Henri IV enfant, par le sculpteur François Joseph Bosio, décor peint des vases étrusques en porcelaine de Sèvres, en constante référence au premier Bourbon et à son époque.
Le Salon de famille (ci-dessous), est, dans son état actuel, avec son mobilier et son décor entièrement renouvelé sous le second Empire, l'une des pièces les plus confortables du château, agrémentée d'un certain nombre d'objets précieux. Un velours de soie ciselé à arabesques exécuté par Grands Frères à Lyon en 1811-1812 fut envoyé à Pau en 1856. Les sièges, eux aussi entrés cette même année, sont signés Janselme père et fils, et sont garnis de velours de couleur identique. Sur la console, deux majoliques palermitaines des années 1610-1620, anciens pots à pharmacie à décor de tresses, entourent la pendule d'époque Louis XIII.
Nous voici maintenant dans la chambre des souverains : les tapisseries qui ornent les murs proviennent d'une tenture « les Mois Lucas » réalisées aux Gobelins en 1688-1689 pour le roi Louis XIV. Les rideaux de croisée furent taillés dans un damas cramoisi à décors de pampres exécuté à Lyon en 1804 pour décorer le trône du Pape Pie VII lors du couronnement de l'empereur Napoléon 1er. Les chaises et fauteuils cannées en noyer, de type hollandais, richement décoré au XVII ème siècle, voisinent avec des meubles du XIX ème siècle qui s'inspirent de motifs Renaissance et gothique et intègrent parfois des éléments réellement anciens. Le très beau cabinet espagnol ou bargueno date du début du XVII ème siècle et a été acheté en 1839 pour le château de Pau.
Aménagé sous Louis-Philippe pour son épouse, la reine Marie-Amélie, l'appartement de l'Impératrice fut utilisé effectivement par Eugénie de Montijo, épouse de Napoléon III, d'où sa dénomination. Il se compose d'un boudoir (ci-dessous), d'une chambre, d'une salle de bains et d'un cabinet de garde-robe complétés par une antichambre, une chambre de domestique et une salle des atours (destinée au linge et aux vêtements de l'Impératrice). Au-delà de son très beau mobilier tendu de délicates soieries et des objets qui l'ornent, cet appartement permet d'évoquer dans un espace plus intime, des aspects de la vie quotidienne au XIX ème siècle. Des objets de toilette, de somptueuses porcelaines de Sèvres ou de simple porcelaine blanche, sont aussi présentés dans les vitrines de l'antichambre. La salle des atours, récemment ouverte au public, permet d'admirer quelques beaux objets en porcelaine de Sèvres ainsi qu'une table à ouvrage en acajou, laque des Indes et décor d'ivoire et de nacre, d'origine anglaise. L'ancienne chambre de domestique fut, quant à elle, transformée en cabinet de peintures. On peut y admirer des œuvres importantes de la collection du XIX ème siècle, dont une superbe esquisse d'E.Deveria, La Naissance d'Henri IV, grand tableau d'histoire actuellement exposé au Louvre.
Au deuxième étage se trouvent le Cabinet Bourbon et la Salle Marquet de Vasselot (ci-dessous). Ces deux espaces constituaient au XIX ème siècle les appartements du gouverneur militaire du château. Décloisonnés, ils permettent dès à présent de présenter dans une muséographie qui fut renouvelée en 2002 une cinquantaine d'oeuvres composant un portrait riche et sensible du roi Henri IV. Le Cabinet Bourbon offre de voir des figures de l'enfance intime et de la jeunesse du prince de Navarre, tandis que la grande salle Marquet de Vasselot, elle, montre des portraits plus majestueux et plus officiels du roi. On peut aussi y apercevoir d'autres figures historiques comme celles de Catherine de Bourbon, qui fut régente de Béarn, sacrifiée sur l'autel de la raison d'Etat, son père, le fastueux Antoine de Bourbon, sa mère, Jeanne d'Albret, tête politique et âme du parti réformé au XV ème siècle, ses maitresses, à travers le portrait de Diane d'Andoins, dite Corisande, sa deuxième femme, Marie de Médicis, et son ministre, Sully, fidèle d'entre les fidèles.
Revenons sur la chambre de Jeanne d'Albret (en photo ci-dessous). Cette pièce fait partie des appartements dits historiques. Il s'agit de reconstitutions réalisées comme l'ensemble du décor intérieur du palais, sous la Monarchie de Juillet. Ce qui retient ici l'attention est le lit. Il porte la date de 1562, mais fut fabriqué au XIX ème siècle, pour partie avec des éléments décoratifs anciens, tels le guerrier endormi ou la chouette. Là encore, de somptueuses tapisseries décorent les murs.
Coeur des reconstitutions du XIX ème siècle, la chambre natale d'Henri IV, entièrement artificielle, fut conçue pour servir d'écrin à la carapace de tortue de mer, légendaire berceau du roi Bourbon. Autour du berceau et de son décor qui date de la Restauration (1822), on remarquera le lit monumental orné de médaillons, la table ronde, l’inscription à la gloire du monarque et les tapisseries des Mois Arabesques, autant d'éléments évoquant la vie et la légende du roi, à la fois vert-galant, sage administrateur et courageux chef de guerre.
Avant de quitter les lieux, il est important de jeter un œil sur le couloir des Maisons royales, entièrement tendu de tapisseries tissées pour le roi par la Manufacture des Gobelins entre 1668 et 1682. Représentant les principaux châteaux de Louis XIV, les fleurs et les fruits de ses jardins, l'orfèvrerie de son trésor, les animaux de sa ménagerie, ces somptueuses maisons royales sont conçues comme une célébration des fastes de la cour du roi Soleil. L'envoi à Pau de ces tapisseries sous la Monarchie de Juillet manifestait sans doute l'ambition des restaurations du monument par Louis-Philipe, faire de ce château une maison royale à part entière.
INFOS PRATIQUES :
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Musée national du Château de Pau, rue du Château, à Pau. Tél : 05 59 82 38 00. Ouvert tous les jours, de 9h30 à 12h30 et de 13h30 à 17h45 du 15 juin au 15 septembre, et de 9h30 à 11h45 et de 14h à 17h du 16 septembre au 14 juin. Entrée : 7 €. La visite du château est obligatoirement guidée, en français ( et en anglais et espagnol sur réservation). Site internet : http://www.musee-chateau-pau.fr