Jeudi 5 novembre 2015
C'est tambour battant et en musique que je prends la route comme chaque matin, afin de partir visiter trois villages dans les environs d'Héraklion. Pas besoin de carte routière puisque je dispose d'un GPS qui me conduit partout et sans efforts. Archanes est ma première destination. Localisée à douze kilomètre d'Héraklion, cette petite ville est nichée en moyenne montagne, au pied du Mont Iouchtas, lieu du présumé tombeau de Zeus, et constitue le siège historique du dème d'Archanes-Asterousia. Parmi les curiosités locales, on note un site archéologique en cours de fouilles et comprenant un palais d'époque minoenne situé sous l'actuelle ville. La nécropole de Fourni est un autre lieu de découverte archéologique : celle-ci, également d'époque minoenne, fut fouillée de 1964 à 1995. On découvrit qu'elle fut utilisée de 2600 à 1200 avant J.C et les archéologues en dégagèrent une enceinte mycénienne, avec des tombes à fosses et des sépultures à coupole, dont l'une, restée inviolée, livrera un riche mobilier (dont un sarcophage, des bijoux et des sceaux en or). Une visite au musée d'archéologie du village me permet de constater que les fouilles réalisées localement permirent de retrouver un certain nombre d'objets dont plusieurs poteries (ci-dessous). On y observe également des pendentifs en ivoire, des pierres semi-précieuses, et des bagues en argent et en bronze (provenant du palais de Tourkogeitonia). Le cimetière de Phourni, lui, permit de retrouver des urnes funéraires pour enfants. Je retrouverai sur place des pitoï (grandes jarres) déjà rencontrées dans les palais minoens.
A côté d'Acharnes, se trouve enfin un site archéologique situé sur les pentes du Mont Iouchtas, site faisant face à Knossos : le temple d'Anemospilia (grottes du vent). On pense que cet endroit était jadis un ancien temple minoen, probablement détruit à la suite de l'éruption du volcan de Santorin et des séismes qui suivirent. Les cendres retrouvées sur place, lors de fouilles qui eurent lieu en 1979, suggère un incendie.
Circuler dans Archanes en voiture relève de la prouesse. Les rues sont très étroites et il n'est pas rare de devoir céder le passage à un véhicule venant en sens inverse. La bourgade dispose de nombreuses ruelles (ci-dessous), la plupart du temps fleuries, qui égaient la promenade. Plusieurs églises cohabitent, dont la cathédrale Agios Nikolaos, malheureusement fermée ce matin. Il faut dire qu'en dehors de la saison touristique, on vit ici au ralenti. On m'apprend qu'un autre lieu de culte, l'église Panagia, offre d'admirer de magnifiques icônes (deuxième photo ci-dessous). Mais là encore, l'église est fermée. Je m'adresse au café d'en face mais il est très difficile de me faire comprendre de la propriétaire qui ne pratique pas l'anglais. Un habitué, arrivé au même instant, téléphonera et organisera pour moi une visite personnelle de cette église. Le père orthodoxe viendra nous rejoindre au café, jusqu'à ce que l'homme d'entretien des églises locales ne débarque avec son trousseau de clefs. Vous avez dit entraide ? A l'intérieur, je découvre de vieilles icônes, ces représentations de personnages saints de la tradition chrétienne. L'icône représente un sens théologique profond qui la différencie de la simple image pieuse. Elle est certes intégrée dans la catéchèse orthodoxe mais aussi dans celle des églises catholiques orientales, et dans une partie de l'église catholique occidentale.
Je reprends la route en direction de Peza. Au sud de Knossos, la vigne s'intègre au paysage depuis l'Antiquité, puisqu'on retrouva à Vathypetro, un petit village des environs, le plus ancien pressoir à vin...du monde, datant de l'époque minoenne. Les villages d'Archanes et de Peza ont eux-mêmes donné leur nom à des appellations de vins de Crète. De plus en plus de vins rouges de qualité y sont produits, à base des cépages traditionnels liatiko et kotsifali, auxquels sont venus s'ajouter, depuis peu, des variétés internationales comme le cabernet-sauvignon, le merlot et le chardonnay. Je fais une halte à la cave des vins Minos, habituellement fermée à cette époque, mais ouverte exceptionnellement ce matin pour un groupe de visiteurs. On m'apprend que cette cave est la plus ancienne de Crète. Un petit musée viticole (ci-dessous) expose tonneaux et matériels anciens tandis qu'une vidéo propose aux touristes d'en apprendre davantage sur cette entreprise. Cette dernière existe maintenant depuis quatre générations. Au départ, le grand-père, qui tenait un hôtel, offrait son vin à ses hôtes, puis développa sa production viticole jusqu'à posséder sa propre cave. Les exportations commencèrent dans les années 1940, et 1952 fut l'année de production du premier vin crétois mis en bouteille sur place.
A vrai dire, la région d'Héraklion qui est la plus importante région viticole de la Crète, mélange vin et huile d'olive. La culture de ce fruit précieux permet notamment à Peza Union de produire un cru d'huile d'olive de qualité. Sur place, là encore durant la saison touristique, on peut visiter le musée dédié au vin et à l'huile d'olive ainsi que les installations de production. Cette coopérative rassemble sous son aile 30000 m2 de vignobles appartenant à 3000 producteurs indépendants. Et produit des vins blancs, rouges et rosés, depuis 1933. L'huile d'olive a aussi sa place. Les champs d'oliviers (ci-dessous) cohabitent ainsi avec les vignobles, et permettent d'offrir les meilleurs fruits. Récoltée en novembre et en mars, l'olive a eu le temps de murir au soleil crétois (340 jours d'ensoleillement par an), sans produits chimiques. La fabrication de cette huile d'olive se fait artisanalement ici, depuis plus de 4000 ans. Doit-on rappeler que ce produit est riche en antioxydants et permet de prévenir les maladies cardio-vasculaires, les cancers et le vieillissement en général ? Ce n'est pas un hasard si les Crétois, gros consommateurs de cette huile (avec 25 litres d'huile par an et par habitant), en ont fait un élément de leur régime.
Ma dernière visite est consacrée à Mirtia, petit village situé dans la même région et qui doit sa popularité à la littérature puisqu'un musée dédié à Nikos Kazantzakis y vit le jour en 1983 (grâce à la persévérance de Yiorgos Anemoyiannis, de la famille de l'écrivain et de ses proches). Ce musée, installé à l'emplacement de l'ancienne demeure familiale du célèbre écrivain, sur la grand place du village, cultive la mémoire du plus fameux intellectuel crétois. J'y découvrirai sa vie et son œuvre grâce à un film et à une riche exposition d'objets personnels et de manuscrits.
Né à Héraklion en 1883, Nikos Kazantzakis sera marqué dans son enfance par l'insurrection de 1892 contre les Turcs, qui contraindra sa famille à partir pour Athènes. Il étudiera le droit dans la capitale grecque de 1902 à 1906. Après des études de philosophie en France, où il sera l'élève de Bergson entre 1907 et 1909, il se passionnera pour Nietzsche dont il deviendra le traducteur. C'est à cette époque aussi que notre homme s'intéressera à l'écriture. De retour en Grèce, il poursuivra ses voyages en tant que correspondant de presse, avant d'être nommé directeur général du Ministère des Affaires sociales, puis ministre sans porte-feuilles (en 1945), puis conseiller littéraire de l'UNESCO (en 1946). Il recevra également le titre de président de la Société littéraire Hellénique, puis le Prix pour la Paix à Vienne (en 1956) et obtiendra bientôt le Prix Nobel de littérature. 1938 fut l'année d'achèvement de son œuvre «L'Odyssée », divisée en 24 rhapsodies et composée de quelques 33 333 versets. Il sera aussi dramaturge,reporter, et penseur. Son œuvre sera traduite et publiée dans plus de cinquante pays et sera adaptée au théâtre, à la radio, à la télévision et au cinéma ; C'est en France, au cours des dernières années de sa vie, que Nikos Kazantzakis écrira ses romans les plus connus dont certains seront d'ailleurs adaptés au cinéma : Alexis Zorba, le Christ recrucifié, la dernière tentation du Christ. Pas rancunière et bien qu'il fut la bête noire de l'Eglise orthodoxe de son vivant, cette dernière organisera des funérailles nationales à l'écrivain, lors de son décès en 1957.
INFOS PRATIQUES :
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Musée archéologique ,rue Kalo Christianagi 1, à Archanes. Tél : 2810 752712. Ouvert tous les jours (excepté le mardi) de 8h00 à 15h00. Entrée libre.
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Fabrica Heleni, à Archanes. Visite d'un moulin traditionnel pour fabriquer l'huile d'olive. Tél : 2810 751331 ou 6946 850850 (appeler avant de vous y rendre, pour éviter de trouver porte close).
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Eglise Panagia, à Archanes. Ouvert du 1er mai au 31 octobre, les lundi, mardi et jeudi, de 9h00 à 14h00. Collection d'icônes (16è-19è siècles).
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Vins Minos, à la sortie de Peza, en direction de Kastelli, à droite. Tél : 2810 741 213 ou 6946 127 613. Ouvert en saison estivale (mai à octobre) du lundi au vendredi de 10h00 à 16h00 et le samedi de 11h00 à 15h00. Dégustation de vin au bar : 2€. Projection vidéo : 3€. Site internet : http://www.minoswines.gr/portal/
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Peza Union, à Peza: vins et huile d'olive vierge. Visite possible des installations et du musée, en période estivale, avec dégustations de produits. Site internet : http://www.winesofcrete.gr/cretewines/en/Wineries/TheWines/Wineries/PEZAUNION_834.html
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Musée Nikos Kazantzakis, Grand Place, à Mirtia. Tél:2810 741689. Ouvert tous les jours de 9h00 à 17h00 (d'avril à octobre) et de 10h00 à 15h00 (de novembre à mars). Entrée : 3€. Location d'audioguides (en grec et en anglais) : 1€. Vidéo de 20 minutes disponible en salle de projection dans les langues suivantes : grec, anglais, allemand, français, hollandais, russe et chinois. Livre-catalogue consacré à l'écrivain (en photo ci-dessous) disponible au prix de 15€. Boutique et café dans le bâtiment voisin (horaires d'ouverture similaires à ceux du musée). Accès internet gratuit. Site internet : http://www.kazantzaki.gr/index.php?pre_id=623&id=623&level=&pre_level=&action=&searchKey=&lang=en
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Un grand merci au musée pour son charmant accueil !