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Tokaïdo, la Route de la Mer de l'Est - Shirasuka et Futagawa
(Préfectures de Shizuoka d'Aichi, Japon)
Heure locale


Mardi 23 février 2016

 

Dernière station de la route Tokaido située dans la Préfecture de Shizuoka, la station de Shirasuka est isolée de tous moyens de transports publics, comme le bus ou le train. Il me faudra m' y rendre en taxi, depuis la petite gare de Futagawa. A vrai dire, mon chauffeur de taxi, pas très familier de l'endroit, se perdra en route et devra demander son chemin à plusieurs reprises. Shirasuka a la particularité d'être le relais le plus à l'ouest de la province de Totomi. 32 ème station du Tokaido, la petite cité se trouvait même jadis encore plus proche des rives de l'océan Pacifique mais le séisme de Hoei et le tsunami qui suivirent, en 1707, eurent raison de l'endroit. On comptait pourtant à l'époque 27 auberges pour les voyageurs, ce qui en faisait une ville-étape de moyenne importance.

Lorsque la station fut commissionnée en 1889, elle fut remplacée par la nouvelle ville de Shirasuka, installée cette fois en haut du plateau de Shiomi, ville qui fusionnera avec celle de Kosai en 1995. Une ligne de chemin de fer, celle du Tokaido, sera bien créée sous l'ère Meiji, mais celle-ci ne traversera pas Kosai, réduisant ainsi considérablement le développement vital de la zone. Ceci a l'avantage de préserver encore aujourd'hui certains bâtiments, survivances directes de la période Edo. Malgré tout, il n'y a plus de honjin à Shirasuka, mais il reste encore quelques vieilles maisons typiques de l'époque Edo, comme sur la deuxième photo ci-dessous.


 

Parmi les curiosités de Shirasuka, je découvre le temple Zoboji (ci-dessous) qui vénère Shiomi, une petite statuette en bois de 58 centimètres de haut, qui fut remontée, il y a fort longtemps, dans un filet de pêcheurs lors d'une sortie en mer de Enshu (à l'ouest de la Préfecture de Shizuoka). Il est dit que Shiomi, en 1707, serait apparue dans les rêves d'Ikeda Tsunamasa, lord d'Okayama, et lui aurait annoncé le fameux séisme de la même année, tout en lui conseillant de fuir, ce que notre lord s'empressa de faire tandis que le tsunami approchait. Depuis, l'image de Shiomi (deuxième photo ci-dessous) n'apparait au grand public qu'une fois tous les...soixante ans. Le reste du temps, elle est pieusement conservée dans un placard.


 

Toujours à Shirasuka, le temple Relunji est dédié à Jizo, l'une des divinités bouddhiques préférée des Japonais. Tout commence par un conte : Matsuda est un homme très pieux mais myope. Il adore Amida, le bouddha céleste, et éprouve une respectueuse affection pour la déesse Kwannon, qui est très belle et très bonne aussi. Mais c'est Jizo que Matsuda vénère le plus. Car Jizo est l'ami et le protecteur des enfants, il est celui qui les console lorsqu'ils percent leurs dents, ou qui les berce lorsqu'ils pleurent. Il est également le compagnon de jeux des enfants morts. Voulant honorer Jizo, Matsuda commanda six exemplaires en pierre de cette divinité à Takezawa, le marchand local de statues. Il faudra deux mois pour les fabriquer mais le jour venu, la livraison n'aura pas lieu. Et Takezawa d'hésiter à avouer à Matsuda qu'il ne possède pas encore les objets. Le marchand demande donc à un ami et à deux assistants de jouer le rôle des statues, les maquille, leur enfile les vêtements adéquats et leur demande de rester complètement immobiles le temps de la visite. Il fait entrer Matsuda dans une première pièce afin de lui présenter les trois premières « statues », le fait patienter pour donner le temps à ses complices de changer de tenue puis fait passer Matsuda dans une seconde pièce pour lui présenter les trois autres. Mais Matsuda demande soudain à voir les six statues ensemble. Embarras du marchand qui ruse en lui proposant de lui montrer à nouveau les trois premières statues. Les complices se changent si bruyamment que Matsuda, bien que myope, s'aperçoit du subterfuge. On a abusé de sa myopie et de sa piété, mais notre homme pardonnera tout de même au marchand car, comme disait Bouddha : »Si la haine répond à la haine, comment la haine finira t-elle ? ». En tant que personnage local, Monsieur Terada a ses entrées, et j'aurai la chance de pouvoir pénétrer avec lui à l'intérieur du temple Relunji. Un thé vert et des friandises nous seront même servis par notre hôte.


 

Une espèce végétale, plus exactement un conifère (ci-dessous), a élu domicile dans la petite station qui, dans le passé, eut à souffrir de plusieurs incendies.Toujours vert, il mesure jusqu'à 25 mètres de haut et possède un feuillage persistant. Ses feuilles, linéaires et étroites , auraient la faculté d'arrêter l'incendie, d'où sa présence autour de plusieurs maisons de Shirasuka. C'est au centre communautaire Onyado de Shirasuka (deuxième photo) que je m'étais fait déposer par le taxi. Ce lieu d'échanges expose des documents historiques datant de l'époque où la petite ville et ses habitants migrèrent sur le plateau de Shiomi. Ce musée d'archives historiques fut ouvert à l'occasion du 400 è anniversaire de la fondation de la station, avec, pour objectif, de développer la connaissance de la culture et de l'histoire de cette ville-étape, comme, par exemple l'existence de Natsume Mikamaro, élève du kokugaku (école de philologie et philosophie japonaise apparue durant l'ère Edo), au cours de la fin de la période Edo et fut un enfant du pays. L'homme fut le disciple de Motoori Norigana, célèbre érudit japonais. La ville vit dans le passé défiler bien des daïmios comme ceux que dépeint Hiroshige dans son estampe de Shirasuka (ci-dessus) : un cortège de daïmios est représenté lors d'un sankin kotai, qui se dirige vers Edo, en provenance de l'un des domaines de l'est du Japon


 

 

La station suivante, Futagawa, est la 33è ville-étape de la route Tokaido : Le Tokaido représentait dans l'Antiquité une circonscription administrative qui comprenait plusieurs provinces et c'est au shogunat de Kamakura que l'on devra le fort développement de cet axe de circulation. De nos jours, le Tokaido reste l'axe de circulation principal du pays, que ce soit par la route (autoroute Tomei-Meishin) ou par le rail (ligne shinkansen). 500 kilomètres environ séparaient Edo de Kyoto que les voyageurs parcouraient en deux semaines au XVII ème siècle, à pied, à cheval ou en palanquin. Cette route est la plus connue des cinq routes du shogunat Tokugawa. Tokugawa Ieyasu débute la construction de ces cinq routes en 1601 dans le but de faciliter le contrôle du pays, mais c'est son petit-fils qui les proclamera « routes majeures ». De nombreux relais (shukubas) seront créés le long de ces routes afin de permettre aux voyageurs de se reposer et de se ravitailler. Le tracé initial du Tokaido, lui, remonte au XI ème siècle et deviendra réellement important à partir de 1603, avec l'installation d'un pouvoir fort à Edo. La route est alors particulièrement fréquentée par les daïmios qu'on oblige à résider une année sur deux à la capitale. Ils emmènent avec eux leurs suites (entre cent et ...2000 personnes). D'autres voyageurs (marchands, pèlerins, bonzes, et...touristes) fréquentent aussi cet axe. Autant de gens à loger lors des étapes comme celle de Futagawa-Juku: Le vieux village constituait ainsi la 33 ème étape de ce périple (la route de Tokaido en comportait 53!) et la plus orientale des stations de cette route dans la province de Mikawa. Cette halte (shukuba) fut établie à Futagawa en 1601 lorsque deux villages , Futagawa et Oiwa, furent désignés pour s'occuper des voyageurs. Futagawa-Juku s'étendait alors sur environ 1,3 kilomètre et possédait une honjin et trente hatago. La honjin était une auberge pour gens aisés qui fut souvent détruite par l'incendie mais fut toujours reconstruite par la suite. La dernière fut rénovée en 1988 et sert aujourd'hui de musée. C'est celle-ci que je vous emmène visiter aujourd'hui.


 

Une honjin était une auberge destinée aux fonctionnaires du gouvernement lorsqu'ils voyageaient sur les routes. Les généraux s'en servaient aussi pour diriger les batailles qu'ils menaient. Il s'agissait donc au départ de structures temporaires, qui furent peu à peu transformées en structures pérennes servant à héberger les daïmios, les autres représentants du shogun, les hatamoto (gardes officiels des daïmios et des shoguns), les monzeki (prêtres bouddhistes japonais),etc... Beaucoup de honjin formaient en fait la résidence personnelle des chefs de village ou de ville. En tant que tels, ils se devaient d'accueillir les envoyés du gouvernement , les obligeant à développer leur résidence en conséquence. En échange des services rendus, les propriétaires de ces honjin bénéficiaient de privilèges spéciaux. La honjin de Futagawa-Juku que je visite est vaste et pouvait accueillir de nombreux visiteurs. Un petit jardin japonais était situé sur l'arrière du bâtiment. Désormais, les nombreuses pièces présentent des vitrines d'objets anciens ainsi que des poupées et des costumes de samouraïs. Les visiteurs ordinaires, eux, ne pouvaient pas séjourner dans les honjin, et peu importe l'état de leur fortune. Pour eux, existaient les Hatago, des logements plus modestes qui offraient aux visiteurs de passage le gite et le couvert. Les hatago servaient aussi de lieu de ravitaillement. Le honjin de Futagawa possède une hotoga qui jouxte le bâtiment et permet d'imaginer ce qu'était la vie dans ce type d'établissement. Sachez qu'un festival a lieu chaque année, le deuxième dimanche de novembre: En souvenir de la procession du seigneur du château de Yoshida, Matsudaira Izunokami Nobuaki, qui traversait à l'époque d'Edo, le village de Futagawa, on reconstitue cette parade avec les scènes de coutumes anciennes. Un salon des antiquaires a aussi lieu à cette occasion.


 

Il me faut marcher avec prudence le long de la route principale très étroite qui traverse Futagawa. La circulation automobile s'y pratique à double sens mais autrefois, il n'y avait probablement que des chevaux et des palanquins. Ce n'est plus le cas de nos jours.

Sur la route Tokaido qui traverse Futagawa s'élève encore de nos jours la Komaya (ci-dessus), une maison de riches marchands qui prospérèrent longtemps comme prêteurs sur gages dans la petite ville, au point d 'y ouvrir deux boutiques (l'une à l'est et l'autre à l'ouest de la cité). Le magasin sera bâti au milieu de la période Edo, et on y ajoutera une salle de réception et un salon de thé sous l'ère Taisho. L'ensemble de huit bâtiments (la maison principale, le salon de thé, le couloir qui relie ces deux constructions, la salle de réception, et les magasins, sont désormais classés comme biens culturels de la ville de Toyohashi. Cette maison appartint à la famille Tamura qui vécut du commerce du riz et de l'activité de prêteur sur gages sous la période Edo. L'endroit servait aussi de bureau postal. C'est en 1691 que la famille quittera Enshu pour s'établir à Futagawa. L'entreprise familiale débutera en 1768 et inaugurera sa première boutique de commerce de riz deux ans plus tard. Puis, en 1774, la famille fera l'acquisition d'un entrepôt afin d'y développer l'activité de prêteur sur gages. Le succès fut au rendez-vous puisque la maison Komaya avait multiplié ses actifs financiers au point d'atteindre plus de 7000 ryo d'or, somme considérable en cette fin de l'ère Edo.

Autrefois, Futagawa comptait une honjin et une waki-honjin (auberge secondaire), pour 1468 résidents. Heureusement pour moi, Futagawa dispose désormais d'une gare. Ce ne fut pas toujours le cas puisqu'au départ, sous la période Meiji, on posa les rails de la ligne ferroviaire sans prévoir d'arrêt à cet endroit. La ville réclamera donc une gare, qui sera construite à mi-distance entre Futagawa et Oiwa, le village voisin. Quant à l'estampe d'Hiroshige (ci-dessous), elle décrit un paysage assez désolé avec des personnages qui semblent épuisés et qui s'approchent d'une maison de thé isolée.

 

INFOS PRATIQUES


  • Centre Onyado Shirasuka, 900, Shirasuka, Kosai-shi. Tèl : 053 579 1777. Ouvert tous les jours (sauf le lundi) de 10h00 à 16h00. Petit musée présentant l'ancienne ville-étape du Tokaido. C'est là que je ferai la rencontre de deux messieurs japonais, dont Monsieur Terada (ci-dessous en photo) qui se proposera de me guider en voiture à travers Shirasuka. Un grand merci à lui pour son dévouement et sa patience !

  • Pour vous rendre à Shirasuka, prévoyez de prendre un taxi (environ 3000 yens depuis Futagawa)

  • Maison de marchands Komaya, 21 Aza Shinbashi-cho, Futagawa-cho. Tèl : 0532 41 6065. Ouverte tous les jours (sauf le lundi), de 9h00 à 17h00. Entrée libre.

  • Musée Futagawa Shuku Honjin, 65 Aza Naka-machi à Futagawa (agglomération de Toyohashi) Tel 0532 41 8580. Ouvert tous les jours ( sauf le lundi) de 9h30 à 17h00. Entrée: 400 yens. Photos autorisées. Site internet: http://www.toyohaku.gr.jp/honjin/

 











 



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